Attentats ciblés et conquêtes territoriales, par Pascale Davidovicz

Les deux stratégies complémentaires

d’Al Qaïda et de Daesh.

On voudrait nous les présenter comme opposées, voire ennemies, mais ce n’est pas si simple, car si les deux organisations terroristes sont rivales et ont opté pour des stratégies différentes, leurs ennemis communs restent les mêmes : les pays occidentaux et leurs intellectuels laïques, les juifs et Israël, les chrétiens et les musulmans considérés comme apostats, entre autres ceux servant dans l’Armée et la Police.
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Certes les deux mouvements se livrent une compétition de supériorité et de surenchère dans le djihadisme meurtrier, mais ils partagent une filière commune de recrutement et d’embrigadement.
J’en veux pour preuve que Chérif Kouachi, qui a commis avec son frère Saïd, l’attentat contre Charlie Hebdo, et Amedy Coulibaly qui, après avoir assassiné une policière à Montrouge, s’en est pris à l’Hyper Cacher de la Porte de Vincennes à Paris et a tué quatre otages, ont été endoctrinés par Djamel Beghal à la prison de Fleury Mérogis en 2007.
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Or, si les frères Kouachi se sont rendus au Yémen s’entraîner au sein d’Aqpa (Al Qaïda dans la Péninsule Arabique), sous l’égide du prédicateur et recruteur Anwar al-Awlaqi, éliminé par un drone américain en 2011, Amedy Coulibaly se réclamait de Daesh et n’est jamais parti nulle part.
Djamel Beghal, franco-algérien, incarcéré pour avoir projeté un attentat contre l’Ambassade des USA en 2001 et suspecté de liens avec Al Qaïda, a fait de Chérif Kouachi et d’Amedy Coulibaly ses « élèves », comme l’atteste un document du Parquet de Paris du 26 juillet 2013.

Djamel Beghal, mentor de Chérif Kouachi.et Amedy Coulibaly.  Crédits photo : REX/REX/SIPA
Djamel Beghal, mentor de Chérif Kouachi.et Amedy Coulibaly.
Crédits photo : REX/REX/SIPA

Déchu de sa nationalité française mais libéré en juin 2009, placé en résidence à Murat dans le Cantal, dans l’attente d’une expulsion vers l’Algérie qui n’aura jamais lieu, Djamel Beghal reçoit régulièrement la visite de ses « élèves ».
Il y prépare l’évasion de deux hommes de la prison de Clairvaux, dont Smaïn Aït Ali Belkacem, un ancien du GIA condamné à perpétuité pour l’attentat à la station RER Musée d’Orsay en octobre 1995.
Pour cela, Belkacem et Beghal seront condamnés à respectivement 12 et 10 ans de prison.
Suite aux attentats de janvier dernier à Paris, Djamel Beghal a été placé en cellule d’isolement au centre de détention de Vezin-le-Coquet, en Ille et Vilaine.

La stratégie d’Al Qaïda.

Après l’attaque du 11 septembre 2001 sur les Twin Towers à New York, plusieurs attentats seront légitimement attribués à Al Qaïda, dont entre autres, ceux du 11 avril 2002 contre la synagogue de Djerba en Tunisie, du 16 mai 2003 à Casablanca, du 11 mars 2004 à Madrid, du 7 juillet 2005 à Londres, du 12 octobre 2002 à Bali et l’assassinat du journaliste Daniel Pearl.
La stratégie d’Al Qaïda est basée sur des attentats ciblés pour apporter le chaos dont pourrait naître le règne d’un islam radical.
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L’organisation ne vise pas de contrôle territorial et s’appuie sur des branches régionales au Maghreb et au Yémen.
Elle est principalement financée par des dons venus du wahhabisme fanatique d’Arabie Saoudite.

La stratégie de Daesh.

Elle consiste à consolider un territoire local en Syrie et en Irak comme base à la conquête du Monde.
L’organisation terroriste dispose d’au moins 30 000 hommes sur un territoire grand comme le Royaume Uni.
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A la différence d’Al Qaïda financé par de riches mécènes, Daesh prélève un impôt forcé sur les populations et vend le pétrole des puits qu’il contrôle et exploite.
Ce qui lui rapporte un profit considérable.
Sans compter l’aubaine de l’armement des occidentaux récupéré sur place.
Le 10 janvier dernier, les services de renseignements américains annonçaient qu’ils avaient intercepté des communications de responsables de l’État islamique en Irak et au Levant, dont Daesh est l’anagramme arabe, déclarant que les attentats de Paris ne seraient que le lancement d’une campagne de terreur en Europe.

Comme un Coulibaly peut en cacher un autre,

un terroriste peut en cacher un autre.

Moussa Coulibaly, âgé de 30 ans, originaire de Mantes-la-Jolie, dans les Yvelines, qui n’aurait pas de lien avec Amedy Coulibaly, après s’être radicalisé, aurait tenté de rejoindre le djihad mais il a été refoulé à la frontière turque avant de pouvoir rejoindre Al Qaïda en Syrie.
Il a agressé au couteau deux militaires en faction devant un centre communautaire juif à Nice le 3 février dernier et a été arrêté.
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Pendant son interrogatoire, il a éructé sa haine de la France, de la Police, des militaires et des juifs.
Omar El-Hussein, âgé de 22 ans, né au Danemark, et sorti récemment de prison pour agression, est l’auteur des deux fusillades à Copenhague dans un centre culturel et dans une synagogue qui ont fait deux morts et cinq blessés.
Il se réclamait de Daesh.

Une photo du suspect des fusillades du 14 février à Copenhague, publiée par la police danoise.   REUTERS/SCANPIX DENMARK
Une photo du suspect des fusillades du 14 février à Copenhague, publiée par la police danoise.
REUTERS/SCANPIX DENMARK

Des visées et des concepts communs.

La détestation de l’Occident et d’Israël, la volonté d’instituer un califat islamique mondial, la négation de tout droit aux femmes, l’application de la charia aux impies sont communes aux organisations terroristes.
Et même si les moyens d’y parvenir diffèrent, le but ultime reste identique.
C’est ce qui fait craindre à Mireille Duteil, dans un article du Point le 12 janvier dernier, que les deux organisations puissent un jour s’allier contre l’Occident.
Pascale Davidovicz
 
 
 

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