Infatigables missionnaires, ils veulent ramener leurs coreligionnaires à l’observance des commandements de la Torah: les loubavitch n’entendent pas “devenir discrets”, bien au contraire, face aux événements qui frappent la communauté juive, comme l’attentat de l’Hyper Cacher en janvier.
En région parisienne, cette organisation orthodoxe s’est structurée à la suite de Mai-68 pour s’imposer comme le principal représentant du hassidisme, ce vieux courant de réveil religieux qui a le judaïsme joyeux et la piété mystique.
Longtemps basé à Lyubavichi (actuelle Russie) – d’où son nom -, doté d’un quartier général à Brooklyn, à New York, le mouvement revendique 40.000 fidèles en France, où vit la première minorité juive d’Europe avec un demi-million de membres.
L’éducation est une priorité: le Beth Loubavitch scolarise plus de 2.000 élèves dans des établissements sous contrat d’association avec l’Etat, sans compter d’autres réseaux se réclamant de cette spiritualité, comme les institutions Sinaï.
Le mouvement rassemble 60 centres communautaires (synagogues, cours…), improvise des cantines casher pour des enfants du public, forme des étudiants, gère 400 berceaux de crèche, anime des centres aérés, des clubs 3e âge, etc.
Jouant la visibilité, les “louba” allument des chandeliers dans l’espace public lors de Hanoukah, promènent des “soukkot” mobiles dans la ville pour la fête des cabanes. Et ils prêchent par internet, à domicile voire dans la rue, par exemple le dimanche dans le quartier juif parisien du Marais, l’utilité et les bonnes manières de mettre les téfilines (boîtiers contenant des passages bibliques) ou d’allumer les bougies de shabbat.
“L’abandon de la pratique est moins le fruit d’un choix que d’une gnorance, donc nous proposons aux Juifs de connaître pour choisir,
redécouvrir leur patrimoine”, explique Haïm Nisenbaum, porte-parole du Beth Loubavitch et délégué d’un important foyer d’implantation dans le nord-est de Paris.
La sociologue du judaïsme Martine Cohen fait un rapprochement entre cet esprit missionnaire et celui des protestants évangéliques, voire avec le “militantisme social de l’Action catholique d’avant-guerre”.
Contrairement à certains ultra-orthodoxes, “il n’y a pas de séparatisme chez eux, mais une vie où l’on se mêle aux autres Juifs afin de les convertir”, ajoute l’universitaire.
BARBES ET BORSALINOS
“On veut être une des forces de la communauté, pas un groupe fermé”, confirme le rav (rabbin) Nisenbaum. Et une fois l’an le Beth Loubavitch peut mesurer sa puissance grâce à un “gala de mobilisation” annuel qui tient de la collecte de fonds et de l’opération de relations publiques.
“A part le dîner du Crif, c’est la seule manifestation juive où les présidents des institutions et l’ambassadeur d’Israël mettent un point d’honneur à venir”, se félicite le porte-parole.
De fait, les plus hauts responsables y étaient présents cette semaine à Paris. Parmi les quelque 1.500 convives, des hommes au chapeau noir et à la barbe broussailleuse, des femmes portant d’élégantes perruques, d’autres au “dress code” moins “louba”. Dans une ambiance tour à tour grave – après les attentats et la mort en novembre du très aimé maître loubavitch français, le rav Shmouel Azimov – et très festive.
Les dirigeants du Consistoire étaient là. Le Beth Loubavitch estime être “le premier mouvement juif” après lui, et affirme travailler en bonne “collaboration” avec l’instance représentative, quand d’autres y voient de la concurrence.
“Le séminaire ne produit plus assez de rabbins, les loubavitch ont le mérite d’être là même dans des endroits où il n’y a personne”, confie-t-on au rabbinat consistorial. “Dommage qu’ils ne travaillent pas pour les consistoires, mais souvent contre: on le voit pour les inhumations, quelquefois les mariages”, peste un président de communauté consistoriale de la Côte d’Azur.
Le rav Nisenbaum assure que le Beth Loubavitch est surtout là pour “inspirer la communauté”. Et résister à tout: aux polémiques régulièrement lancées par des “laïcards forcenés” contre “le religieux visible” – “le look avec la barbe, aujourd’hui, évoque certaines choses”, plaisante-t-il. Comme aux attaques antisémites.
“Abandonner la vie juive, ou devenir discrets comme certains nous y invitent, serait une forme de renoncement et donnerait raison à nos ennemis. Il n’en est pas question.”
Benoit Fauchet
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