A travers l’histoire d’un jeune Arabe qui quitte son village pour intégrer un pensionnat à Jérusalem, le réalisateur Eran Riklis évoque la vie des Arabes d’Israël, minorité “invisible” dans un pays où le fossé entre Juifs et Arabes ne cesse de se creuser.
Iyad grandit dans une localité arabe du Triangle, région israélienne à l’ouest de la Cisjordanie. Élevé doué, il remporte une bourse pour étudier dans un lycée de Jérusalem où il est le premier et le seul jeune Arabe.
Il y tombe amoureux d’une camarade et devient le meilleur ami de Yonatan, condamné par une maladie génétique, qui l’introduit dans sa famille.
“Mon fils”, en salles mercredi 11 février, voit deux mondes se télescoper: d’un côté la famille et le quartier arabe où a grandi le garçon, de l’autre le lycée prestigieux au cœur de la capitale et le foyer de Yonatan, dont la mère est incarnée par Yaël Abecassis. Des endroits proches mais qui donnent l’impression d’être à des milliers de kilomètres.
Les Arabes et les Juifs d’Israël ne se connaissent pas mais ils ont des “idées-concepts” les uns sur les autres, note en souriant l’Israélien Eran Riklis, qui ausculte, au gré de ses films, la société de son pays et notamment la population dont le cinéma parle peu.
D’un monde à l’autre, Iyad, incarné par un jeune acteur arabe israélien captivant, Tawfeek Barhom, cherche son identité.
“A qui appartient-on? A notre famille? A notre communauté? A nous-mêmes? Au passé ou au futur?”, s’interroge le cinéaste, auteur notamment de “La fiancée syrienne” (2004) et des “Citronniers” (2008), son plus grand succès en France.
Pour “Mon fils”, Eran Riklis s’est appuyé sur deux livres d’un journaliste israélien arabe, Sayed Kashua, qui a cosigné le scénario.
Le film dépasse l’aspect politique et oscille entre la mélancolie et la comédie – avec plusieurs scènes hilarantes, dont l’échange scolaire entre enfants juifs et arabes organisé par une association américaine pleine de bonnes intentions.
PIRE PÉRIODE DEPUIS DES ANNÉES
http://youtu.be/AyhGQEgaxOQ
Il est sorti l’été dernier en Israël sous le titre “Dancing Arabs, borrowed identity” (les Arabes qui dansent, une identité empruntée). Sa projection en plein air, devant des centaines de spectateurs, lors du festival de Jérusalem en juillet a été annulée au dernier moment à cause de la guerre de Gaza.
Le titre fait référence aux contorsions auxquelles doit se plier une minorité pour se fondre dans la majorité, quel que soit le pays.
Israël compte 1,8 million d’Arabes sur une population totale de 8 millions. Ils “vivent dans des villages ou des grosses villes, mais ils sont invisibles” aux yeux des autres Israéliens, déclare le réalisateur qui vit à Tel-Aviv.
“Nous ne devrions pas nous attendre à ce qu’une minorité change totalement pour se fondre. La minorité doit bien évidemment comprendre que tout le monde doit vivre” en paix, “mais nous ne pouvons pas leur demander un prix trop élevé”, selon le cinéaste.
La guerre de l’été 2014 a provoqué “énormément de sentiments négatifs des deux côtés”, selon lui. “Je n’avais jamais vu autant de tensions au sein de la société. C’est selon moi l’une des pires périodes depuis des années. Il n’y a aucun dialogue et aucune tentative pour résoudre les problèmes”.
Il s’efforce cependant de rester optimiste et rappelle que la guerre du Kippour en 1973, période de tensions extrêmes au Proche-Orient, a été suivie cinq ans plus tard des accords de Camp David, signés par le président égyptien Anouar el-Sadate et le Premier ministre israélien Menahem Begin.
Pour renouer les fils de la discussion dans un pays crispé, Eran Riklis table sur le cinéma. “C’est l’unique raison pour laquelle je fais des films”, déclare-t-il.
Frédérique Priss
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