Incrédule et dévastée, la communauté juive porte le deuil de Yoav Hattab, 21 ans, un “enfant de la Tunisie” à l’avenir prometteur selon ses proches qui a été tué lors de la prise d’otages dans un supermarché casher à Paris
“La Tunisie a payé un très lourd tribut” dans les attentats sanglants qui ont frappé la capitale française la semaine dernière, dit à l’AFP Jacob Lellouche, un restaurateur de La Goulette, une banlieue de Tunis, et président d’une association culturelle juive.
Car si Yoav était citoyen tunisien, d’autres victimes étaient d’origine tunisienne, comme le célèbre dessinateur Georges Wolinski, l’un des piliers de Charlie Hebdo, la psychiatre et psychanalyste Elsa Cayat, qui tenait une rubrique dans l’hebdomadaire satirique français, ou encore François-Michel Saada, né à Tunis et abattu comme le jeune Hattab par le jihadiste Amedy Coulibaly dans le magasin casher de la porte de Vincennes
Enterré mardi à Jérusalem, Yoav Hattab était connu de beaucoup des quelque 1.500 membres de la communauté juive tunisienne car il était le fils d’un rabbin, directeur de l’école juive de Tunis. Il était en France pour des études en commerce international.
Il aurait été tué en essayant de se servir contre Amedy Coulibaly de l’une des armes de ce dernier, selon différents témoignages.
Ses proches brossent le portrait d’un jeune homme plein d’entrain et de curiosité.
“C’était quelqu’un de très dynamique. Il y a des gens qui sont spectateurs de leur vie. Lui, il en était acteur”, Moché Uzan, 25 ans.
La nouvelle de sa mort a été d’autant plus déchirante que ses proches ont d’abord cru qu’il était sain et sauf.
“On regardait la vidéo des otages libérés et on disait: +lui, c’est Yoav, lui c’est Yoav!+” avant que ne tombe la mauvaise nouvelle”, raconte Moché, la voix étranglée par les larmes.
‘Enfant de la Tunisie’
Pour Jacob Lellouche, la mort de Yoav Hattab “est une grosse perte parce c’était un jeune homme sur lequel on pouvait bâtir de gros espoirs, qui était allé en France pour faire des études avec la ferme intention de revenir un jour ici”.
Le jeune homme, qu’une photo circulant sur les réseaux sociaux montre de dos, une kippa sur la tête et le drapeau tunisien autour des épaules, “voulait prouver qu’on pouvait s’impliquer dans tout ce qui concerne notre pays tout en n’étant pas forcément musulman”, assure-t-il.
Daniel Cohen, qui a enseigné l’hébreu et la religion à Yoav “de ses 9 à ses 18 ans”, déplore la perte d’un jeune homme “qui aurait été utile au monde”.
“Quelqu’un m’a dit +condoléances+. Je lui ai dit +condoléances à la Tunisie+. Ce n’était pas que mon fils ou celui de son père, c’était l’enfant de la Tunisie”, confie-t-il visiblement bouleversé.
M. Cohen estime que “la France fait peur” depuis quelques années en raison de ce qu’il décrit comme “beaucoup d’antisémitisme”. “La France n’a pas pris les mesures suffisantes pour protéger les lieux et les gens”, estime-t-il.
Le père de Yoav, Batou Hattab, a lui aussi jugé sur France 2 qu’au-delà des manifestations, même de masse, “il faut (de) l’action”. “Moi, je vis en Tunisie et je vois qu’en Tunisie on a du respect (pour les juifs). Même durant la révolution, il n’y a pas eu de problèmes”, a-t-il dit.
En Tunisie, M. Cohen se dit sûr que “l’État fait son devoir. Il fait tout son possible pour protéger tous les citoyens, et en particulier notre communauté”, visée en 2002 par un attentat suicide qui avait fait 21 morts à Djerba (sud).
Mais si le parti islamiste Ennahda a présenté ses condoléances à la famille, les autorités, elles, n’ont toujours pas réagi officiellement à la mort de Yoav.
Un rassemblement en hommage au jeune homme est prévu samedi devant la grande synagogue de Tunis.
Sur la page Facebook de l’évènement, certains ont regretté qu’il soit enterré en Israël et non en Tunisie.
“C’est religieux, ça n’a rien à voir avec la politique”, affirme Moché Uzan, tandis que M. Cohen justifie: “Jérusalem est un lieu sacré (pour) toutes les religions”.
AFP
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