Martin Handford, l’auteur et illustrateur britannique, créateur de Where’s Waldo ? qui a fait la joie de nos bambins, ne m’en voudra certainement pas de lui emprunter son personnage pour rendre hommage aux auteurs et caricaturistes de Charlie Hebdo.
Car grâce à la solidarité du monde libre, du journal Libération, de l’ensemble de la presse et des médias, des autorités constitutionnelles et de nous tous, le journal paraîtra mercredi à un million d’exemplaires.
Reste à chercher à comprendre ce qui nous paraît incompréhensible.
La médiocrité récupérée par le terrorisme.
Que ce soit dans le cas des frères Kouachi ou d’Amedi Coulibaly, ce qui est troublant c’est qu’on s’aperçoit qu’au-delà de la bêtise et de la délinquance qui dérivent en prison et via Internet vers le radicalisme et le terrorisme, il y a aussi la fascination de l’image et la volonté de se faire connaître.
Amedi Coulibaly, en même temps que d’autres jeunes en formation en alternance, a été reçu en 2009 par Nicolas Sarkozy.
Seul garçon d’une famille de dix enfants, il travaillait en contrat de professionnalisation à l’usine Coca-Cola de Grigny.
S’il s’agit bien du même jeune homme, et tout porte à le croire, qui avait un lourd passé judiciaire de délinquant et braqueur, il a été envoyé à l’Elysée par la préfecture et l’entreprise concernée, sans aucune précaution précisons-le.
Il veut parler de son contrat qui se termine bientôt, mais à cette époque, il s’est déjà converti à l’islam radical.
Quant à Chérif Kouachi, il faut savoir qu’il faisait déjà parlé de lui en 2005 dans un reportage de Pièces à Convictions sur France 3.
Fan de rap et de jolies filles, plus que de Coran et de mosquée, il va basculer dans l’islam radical au contact de Farid Benyettou qui pilote ce qu’on appellera la « filière des Buttes-Chaumont » d’Al-Qaïda, qui envoie des jeunes en Irak, sous la tutelle d’Abou Moussab al Zarkaoui.
Dans le reportage il expliquait l’embrigadement, et un éducateur social prétendait qu’il avait conscience de s’être fait rouler dans la farine.
Mais c’est lui qui roulera dans la farine la juge qui, lors de son interpellation avant son départ pour le djihad en 2008, le condamnera à 3 ans de prison, dont 18 mois avec sursis.
L’incroyable inefficacité de nos services de renseignements.
Son frère Saïd, qui avait séjourné au Yémen en 2011 dans une mouvance radicale, était connu des services de sécurité yéménites qui avaient alerté les services de renseignements américains.
Les autorités américaines ont d’ailleurs souligné que les deux auteurs de l’attentat contre Charlie Hebdo étaient depuis des années sur la liste noire américaine du terrorisme et qu’elles en avaient averti la France !
Toutes les déclarations des responsables des services de renseignements français, anciens ou en fonction, font état d’un manque de moyens de surveillance, sans compter qu’elles dénoncent la centralisation des services qui ne permet plus l’infiltration dans les cités et la rupture avec les services secrets turcs et syriens, entre autres, qui renseignaient la France.
Les journalistes, les forces de l’ordre et les juifs.
Il n’y a pas de hasard, ni de concours de circonstances.
Les cibles visées sont clairement et implacablement définies.
Que ce soit l’attaque contre les caricaturistes de Charlie Hebdo, contre les policiers, dont un a pris à terre une balle dans la tête, ou contre l’épicerie casher, ne nous y trompons pas, rien n’est laissé au hasard, tout est prémédité, commandité et revendiqué.
Ils croyaient nous atteindre et ils nous ont réunis.
Au-delà des français, toutes origines et religions confondues, c’est le monde entier qui a réagi et s’est approprié le « Je suis Charlie » dans un élan de solidarité, dans toutes les langues et sous toutes les formes.
Dans ma résidence à Lyon, j’ai demandé des signatures de solidarité sur un papier que j’ai affiché dans l’entrée en vue de les transmettre à Charlie Hebdo.
Ils ont été nombreux à signer.
J’avais aussi affiché la une d’un numéro spécial de Charlie Hebdo.
Elle a été enlevée, alors je l’ai remise en pleine nuit avec un message déclarant : « Qui que vous soyez qui vous permettez d’enlever mon affichage, je vous dis qu’autant de fois vous l’ôterez, je le remettrai ».
Des occupants de la résidence, d’origine maghrébine, m’ont dit l’avoir retrouvé par terre et remise en place, ont signé mon manifeste et m’ont promis d’être à la manifestation de dimanche.
J’ai rencontré un vieux tunisien qui m’a confié son désarroi et son incompréhension.
Il a signé mon manifeste et écrit « Je suis Charlie ».
Et ce soir, j’ai passé plus d’une heure, de balcon à balcon, à parler avec mon voisin d’origine tchétchène, il est musulman, son père a été tué par les russes, il s’occupe d’enfants et leur délivre un message de paix.
Nous nous sommes promis de partager un repas avec son épouse et son bébé.
Alors, tout espoir n’est pas perdu.
Et aussi horrible que cela puisse paraître, la mort des victimes de cet effroyable carnage servira peut-être à quelque chose.
Réunir les femmes et hommes de bonne volonté.
Mais fallait-il encore une fois en arriver là, après tant de massacres commis au nom d’un islam dévoyé, entre autres ceux que j’ai vécu à Montauban et Toulouse ?
Et comment empêcher les abrutis de tout poil de s’en prendre à ceux qui n’y sont pour rien ?
Parlons à nos voisins.
Je ne vous raconte pas comme cela m’a réconfortée.
Pascale Davidovicz
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