Après un tir de roquette contre le territoire israélien vendredi, l’aviation de Tsahal a mené sa première frappe contre la bande de Gaza depuis la fin de l’opération « bordure protectrice », le 27 août dernier.
Quiconque réduirait le Hamas à une organisation de fanatiques sans cervelle serait bien avisé de revoir son analyse. Assurément, le mouvement islamiste palestinien aime la provocation, s’en délecte, et pêche parfois par orgueil au point d’être victime de sa propre logique belliciste, comme au début de l’été dernier. Mais sans être fin stratège, le Hamas sait également calculer ses coups car il connait parfaitement la psychologie israélienne.
Depuis le désengagement de Gaza en 2005, l’organisation islamiste maintient habilement une tension artificielle à la frontière de l’Etat hébreu. Son modus operandi réside en une guerre d’usure permanente dont elle dicte le tempo : le plus souvent, par des tirs sporadiques contre le territoire israélien et, quand bon lui semble, par des attaques plus intenses qui exercent une pression croissante sur l’opinion publique et le gouvernement israélien. Lorsque celui-ci est dos au mur, il déclenche une opération d’envergure dans la bande de Gaza.
Voilà une dizaine d’années que le Hamas défie militairement Tsahal et force est de constater qu’à chaque nouvelle confrontation, il semble mieux équipé que lors de la précédente. A l’évidence, ni le blocus du territoire côtier palestinien, ni les campagnes de frappes ciblées n’ont eu d’impact sur les têtes pensantes du Hamas. Non pas que Tsahal doive combattre l’Hydre de Lerne islamiste, mais il fait face à une organisation paramilitaire qui a appris à encaisser les coups sans capituler et, surtout, qui a inventé au fil des années un nouveau type de guérilla… souterraine.
Dans les faits, c’est l’audace du Hamas qui a poussé l’armée israélienne dans une course technologique. D’abord, par ses infiltrations meurtrières qui entrainèrent la construction d’une clôture électrique autour de Gaza ; plus tard, par ses salves de roquettes – 15.000 projectiles tirés depuis les années 2000 – qui poussèrent au développement du système antimissile Dôme de fer ; enfin, ce sont aujourd’hui les tunnels d’infiltration du Hamas et ses obus de mortier qui posent un casse-tête à l’industrie militaire israélienne. Quelle sera le prochain stratagème des islamistes ?
La reconstruction ou la guerre
Vendredi, c’est la troisième fois qu’un projectile frappe le sud d’Israël depuis l’entrée en vigueur d’une trêve avec le Hamas. Pour les habitants de la région, le compte-à-rebours vers une nouvelle escalade a été déclenché, ils se savent en sursis. Faut-il s’en étonner ?
Après la riposte des avions de Tsahal contre une fabrique de ciment servant à la réhabilitation de tunnels, Benyamin Netanyahou et son ministre de la défense, Moshé Yaalon, ont promis qu’Israël répondra durement à toute nouvelle attaque des factions palestiniennes. Mais à quoi peut s’engager un gouvernement qui n’a pas saisi l’opportunité, quand elle s’est présentée au début de l’été, de renverser le Hamas ou même de signer un accord de trêve durable avec ce dernier?
Le constat est amer: Netanyahou a déclenché l’opération « bordure protectrice » à reculons et souhaiter éviter un enlisement qui aurait pu l’empêcher de briguer un quatrième mandat ou contraint de négocier sérieusement avec le président palestinien, Mahmoud Abbas, lequel a lui aussi manqué son retour à Gaza. C’est ce calcul politique qui a permis aux brigades Ezzedine al Qassam de tenir tête à Tsahal pendant près de cinquante jours. A ne vouloir ni la guerre, ni la paix, Netanyahou a fragilisé la force de dissuasion israélienne.
En moins d’une semaine, les hommes du Hamas ont paradé victorieusement dans les rues de Gaza, en marge des festivités du 27ème anniversaire de l’organisation, saisissant même l’occasion pour lancer un drone et placer en état d’alerte l’aviation israélienne. Mercredi, pour alimenter le « show off », les brigades Ezzedine al Qassam se sont bruyamment entrainées sur les terrains défrichés des anciennes implantations juives de Dougit et Nissanit, au nord de la bande de Gaza, et dans le secteur de Rafah, près de la frontière égyptienne. Les radars de Tsahal ont identifié plusieurs tirs d’essai de roquettes en direction de la mer, et les Israéliens habitant la région ont rapporté toute la nuit des bruits d’explosions et d’armes automatique.
Ces démonstrations de force successives sont une manière pour le mouvement islamiste palestinien de communiquer avec son pire ennemi. Pour l’instant, le Hamas ne veut pas la guerre, mais demande à ce qu’on lui prête attention. A Gaza, la situation humanitaire est proche du désastre et les promesses de dons ne se concrétisent pas. Seuls 100 millions de dollars sur les 5,4 milliards promis par la communauté internationale sont arrivés dans les caisses de l’Autorité palestinienne. Le Hamas menace : si la reconstruction de Gaza ne s’accélère pas, ce sera l’escalade. En cette période pré-électorale en Israël, des tensions sécuritaires pourraient lourdement influencer sur le scrutin.
Maxime Pérez
Poster un Commentaire