Natacha Polony était de retour dans le fauteuil de « On n’est pas couché », samedi 13 décembre. Venue défendre son livre, l’ancienne chroniqueuse de l’émission a affronté les attaques de son ex-collègue Aymeric Caron. Pour Bruno Roger-Petit, ce dernier avait l’opportunité de démasquer les ambiguïtés de la polémiste face au FN, mais il a échoué. Explications.
C’est un exploit exceptionnel : Aymeric Caron a rendu Natacha Polony sympathique. L’événement a eu lieu lors de la dernière livraison de l’émission « On n’est pas couché », sur France 2.
Grand moment de télévision, qui vaut mieux que les habituels commentaires sur les « clashs » de la société médiatique. Le choc Caron/Polony dit l’époque, entre une droite qui s’extrémise, et une gauche qui s’épuise.
À la télé, celui qui agresse finit toujours perdant
En quelques minutes, Aymeric Caron a administré une leçon de télévision ratée et de journalisme manqué. C’est bien simple, le chroniqueur de Laurent Ruquier a fait tout ce qu’il ne faut pas faire quand on exerce ses talents au sein du média du sentiment.
Erreur n°1 : oublier qu’à la télévision l’agresseur est toujours le perdant. En l’espèce, Aymeric Caron voulait tellement mettre Natacha Polony plus bas que terre qu’il n’a pu refréner sa pulsion agressive. L’œil noir. Le rictus mauvais. La mine sombre. L’empressement à se poser en mauvais examinateur muni des chiffres magiques censés enfermer la vérité du monde et la refléter.
Caron a interrogé Natacha tel Michel Pébereau dans ses meilleurs moments d’examinateur des grands O de Sciences-Po – « Pouvez vous me donner le chiffre » – tout cela dans le seul but d’asséner un « c’est faux ! » qui vaut session de septembre.
Natacha Polony dans le fauteuil On n’est pas couché – 13 décembre 2014 #ONPC
Dans la forme, le chroniqueur de Ruquier a eu tout faux, qui s’est montré agressif et vindicatif de la pire des manières. Confrontée à cette tempête, Natacha Polony a eu beau jeu de laisser tomber, l’air désabusé, « je comprends pourquoi je suis partie » en une subtile et vipérine allusion à son départ de cette même émission, où elle cohabita un temps avec son interlocuteur du soir.
Dès lors, le match était plié, puisqu’il était acquis que la chroniqueuse de droite extrême (ou d’extrême droite) était la victime et le chroniqueur de la gauche bobo végétarienne de France 2 l’agresseur.
Un procureur aussi inflexible qu’illisible
Pour le coup, Aymeric Caron aurait pu s’inspirer de sa voisine, Léa Salamé, qui avait trouvé le juste équilibre entre fond et forme, cherchant à cerner les zones de non-dits sur le rapport ambigu qu’entretient Natacha Polony et le Front national, entre une attraction de plus en plus évidente et une répulsion de moins en moins affirmée.
La forme étant inséparable du fond, Caron a commis une seconde erreur : oublier qu’en télévision, il faut savoir s’adapter à l’environnement et à l’interlocuteur, à ce qui se dit, à ce qu’il dit.
Or le chroniqueur d’ONPC est venu avec des questions qui valaient démonstration. Décidé à enfermer Polony dans le rôle de la menteuse qui trafique la vérité, il a utilisé le pire stratagème qui soit pour le démontrer : le fact checking à partir d’un bout de phrase.
Ayant relevé dans le livre de Natacha Polony une assertion sur la non-application des peines de prison de moins de deux ans, Caron s’est livré à un numéro de cinq minutes pour démontrer que ce n’était pas vrai. Une éternité en télévision. Et comme si cela ne suffisait pas, il a encore utilisé cinq minutes de son one-man-show pour citer les chiffres de la criminalité au Honduras ou ceux des braquages commis en France en 2008 ou 2009…
Dans ta face Polony mes chiffres ! Et tout ça en vain. Car à la fin, on n’a rien compris. Et comme ce fond confus, embrouillé, nauséeux, s’alliait à une forme dont on a déjà dit qu’elle était inappropriée, on en est venu à plaindre Natacha Polony de se retrouver face à un procureur aussi inflexible qu’illisible.
Il a réussi à rendre Polony sympathique
En venir à plaindre Natacha Polony. Natacha Polony victime d’Aymeric Caron. Le comble. La souffrance. Le désarroi. Comme l’a dit un jour Nicolas Bedos à Caron : « Même pour moi, t’es trop de gauche Aymeric… » Et on ajoutera : « Quand cesseras-tu de faire du mal à la gauche Aymeric ? »
Si Caron s’était donné la peine de faire ce qu’il prétend faire le mieux, du journalisme, il aurait dû s’affranchir de ses fiches préparées à l’avance, avec des tableaux et des post-its bleus, et écouter ce que Polony venait d’avouer, en creux, à Léa Salamé. Que le FN n’est plus aussi infréquentable qu’on le croit. Qu’il est sur la bonne voie. Qu’il est en progrès. Qu’il y a eu du mieux. Que Florian Philippot est encore loin d’imposer sa ligne néo-gaullo-chevenementiste, mais que l’idée fait son chemin.
Ne jamais oublier que Polony et Philippot sortent de la matrice du chevènementisme, cette étonnante machine politique à produire des républicains qui, parfois, finissent à l’extrême droite. Or qu’avait dit Polony à Léa Salamé ? Ceci :
« Il y a une partie du Front national, à travers Florian Philippot, qui a récupéré toutes les idées souverainistes, qui avaient été abandonnées, c’est à dire l’idée de républicains qui sont attachés à la souveraineté de la nation et à la souveraineté des individus. »
Et encore : « Florian Philippot a pompé ce corpus idéologique, mais ce n’est qu’une partie de ce qu’est le Front national. »
Et toujours :
« Je vois des gens qui ont applaudi à toutes les horreurs de Jean-Marie Le Pen père, à ses conceptions reaganiennes de la société, c’est à dire ultra libérales et de terminer sur un couplet contre ceux qui sont foncièrement anti-laïque, anti-républicain, contre la conception que j’ai de l’école républicaine »
(On notera que Natacha Polony semble placer sur le même plan le libéralisme à la mode Reagan et les sorties de Le Pen qui ont fait scandale durant trente ans…)
Et de conclure : « Je ne sais pas où est Marine Le Pen ».
Caron est passé à côté de son sujet
En clair, pour qui veut le comprendre, Natacha Polony paraît estimer que si le FN accomplissait sa mue, sous la férule de Florian Philippot, il serait un parti authentiquement français, souverainiste et républicain, bref, un parti pour lequel elle serait capable de voter.
Ce n’est pas rien d’avouer ainsi, implicitement, que l’on est à deux ou trois pas du vote Front national quand on dispose des tribunes qui sont celles de Natacha Polony, soient une présence quotidienne sur Europe 1 le matin et Canal Plus le soir.
Savoir qu’une crypto-potentielle électrice du FN occupe des postes d’influence médiatique de cette importance méritait d’être creusé. Il suffisait de poser la question, simplement, à Natacha Polony :
« Seriez vous prête à voter FN si ce parti adoptait de manière non ambiguë à vos yeux, la ligne Philippot, y compris sur l’école, l’Europe et la République ? »
Puis de questionner la polémiste influente, encore et encore, sur le fond de sa pensée politique.
Mais Aymeric Caron, qui n’a pas voulu sortir de son réquisitoire préparé à l’avance, obsédé par l’idée de mettre en place son piège diabolique (qui a fait pschitt !) est passé à côté du sujet. Une fois de plus.
Aymeric Caron avait la chance de démontrer que partie de la gauche réac hier, passant par la droite extrême aujourd’hui, Natacha Polony finira à l’extrême droite demain. Que cette trajectoire n’est pas seulement celui d’une journaliste polémiste, mais emblématique d’un processus qui touche au cœur de l’élite médiatique contemporaine. Que Polony est un symptôme de la dérégulation républicaine du pays.
Que Polony, à force de petits glissements vers le FN, « ce n’est pas si mal Philippot », contribue, comme Zemmour et les autres, au choc qui se prépare en 2017. Mais Caron, ivre (de colère) a raté son coup. Encore. Encore et toujours.
À trop vouloir jouer la mouche du coche, on finit par rater le coche. C’est moche.
Par Bruno Roger-Petit
Chroniqueur politique
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1289228-video-onpc-aymeric-caron-s-attaque-a-natacha-polony-comment-il-a-rate-son-coup.html
Le parallèle entre Natacha Polony et le FN est ridicule et honteux. Elle défend avec beaucoup de courage et de lucidité la transmission du savoir et la laïcité, qui sont des valeurs républicaines essentielles : ceux qui la critiquent ont manifestement un problème avec la République et ses valeurs. Quant à la souveraineté nationale, c’est un des principes clefs de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Les anti-souverainistes devraient faire l’effort de la relire ! Je constate l’absence totale de rigueur intellectuelle de ceux qui critiquent Natacha Polony, et qui ne se rendent pas compte que leur sectarisme bien-pensant contribue justement à l’essor du FN.
Le problème avec Caron, c’est que c’est un loup qui, heureusement, rate son coup de gueule. Tout au plus, il montre ses dents, comme avec Alain F.
Lorsque l’on connaît la définition de ce qu’est l’extrême droite (à savoir remise en cause de la démocratie parlementaire, pratique ou légitimation de la violence,antisémitisme, mépris de la culture etc…), on se rend compte qu’il existe aujourd’hui deux partis d’extrême droite en France : le NPA et la France Insoumise. Et que c’est précisément le contraire de Natacha Polony.
L’extrême gauche est devenue le nouveau visage de l’extrême droite : quand Olivier Besancenot, Danièle Obono ou Edwy Plenel entendent le mot « culture », ils sortent leur revolver.