Le gouvernement a affirmé dimanche sa volonté d’ériger la lutte contre le racisme et l’antisémitisme en « cause nationale » face à un phénomène en recrudescence, quelques jours après l’agression d’un couple visé en raison de ses origines juives à Créteil.
Dans un discours devant plusieurs centaines de personnes dans le quartier du port à Créteil, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, a affirmé « connaître le sentiment d’inquiétude qui traverse la communauté juive de France » face à l’antisémitisme, « véritable pathologie sociale ».
C’est dans ce quartier qu’un couple a été séquestré lundi dans son logement, la jeune femme violée et leur appartement cambriolé par trois agresseurs qui, selon des enquêteurs, « partaient de l’idée qu’être juif signifiait que l’on avait de l’argent ».
« Quand j’ai entendu parler de ça, ça m’a tuée au fond de moi », témoigne dans la foule Jocelyne Sellem, 66 ans, dont 57 passés à Créteil. « On a peur pour nos enfants, on vit dans la méfiance et dans la crainte. C’est triste », dit-elle.
Cette agression a provoqué un vif émoi dans le pays et la communauté juive, le président François Hollande et le Premier ministre, Manuel Valls, appelant à la mobilisation.
Pour Bernard Cazeneuve aussi, « ce crime (…) n’est pas un simple fait divers. Derrière ce crime, il n’y a pas seulement un acte lâche, crapuleux et antisémite. Derrière ce crime, il y a un mal qui ronge la République et que nous devons combattre à tout prix ».
« Nous devons faire de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme une cause nationale en y associant toutes les administrations intéressées » (…), les associations, les représentants des différents cultes », a-t-il affirmé, reconnaissant que les actes et menaces antisémites ont augmenté « de plus de 100% au cours des dix premiers mois de l’année ».
LES MOYENS PLUTÔT QUE LES INTENTIONS
Ces paroles fortes ont trouvé un écho favorable mais circonspect chez les représentants de la communauté juive et dans les associations, qui appelaient à une mobilisation accrue de l’Etat.
« C’est une très bonne chose mais il faut mettre les moyens adéquats. On ne peut plus être seulement dans les intentions, dans les voeux pieux », a prévenu le grand rabbin de France, Haïm Korsia.
La Ligue contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) elle aussi « prend acte avec satisfaction » des propos du ministre, mais insiste: « le temps n’est plus aux déclarations mais aux actes ».
« Si l’Etat ne fait pas de cette cause nationale une ardente obligation, les juifs partiront en masse et la France tombera entre les mains soit de la charia, soit du Front National », a solennellement prévenu dimanche le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), Roger Cukierman, très applaudi par l’assistance.
« C’est vrai, on envisage de partir », confie Sarah Landau qui vit à Créteil depuis neuf ans. « La France aujourd’hui ne ressemble pas à celle que j’ai connue. Mon judaïsme n’a jamais été un problème, mais aujourd’hui c’est une tare pour nos enfants », estime-t-elle.
Les 500.000 à 600.000 juifs de France forment la première communauté juive d’Europe et la troisième au monde, derrière Israël et les Etats-Unis. Mais pour la première fois, la France est devenue en 2013 le premier pays d’émigration vers Israël avec 4.566 migrants.
Alain Uzan, 59 ans, constate aussi une augmentation du phénomène. Né en Afrique du Nord, il dit avoir été « intégré complètement » à son arrivée en France en 1968, son fils, lui est parti en Israël il y a sept ans « parce qu’il sent qu’ici, il n’est plus très bien ».
La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH, autorité indépendante créée par le gouvernement) a, elle, relevé « une baisse de la tolérance » en 2013 concernant les juifs. Elle souligne la persistance d' »un certain nombre de clichés », en particulier par rapport à l’argent, dont l’agression de Créteil s’est révélée être une parfaite illustration.
Diane Falconer pour AFP
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