Sera-t-il bientôt interdit d’éditer un quotidien gratuit en Israël ? C’est en tout cas le sens d’une loi en préparation à la Knesset.
Officiellement, elle s’appelle « loi d’avancement et de protection de la presse écrite en Israël », mais elle est bien plus connue sous le nom de « loi Israel Hayom », du nom du journal qu’elle vise – officieusement – à contrer.
Le quotidien gratuit Israel Hayom (Israël aujourd’hui) est le plus lu du pays. Or il est également la propriété du milliardaire américain Sheldon Adelson, magnat de casinos.
Le quotidien de gauche Ha’Aretz explique : « Depuis sa création en 2007, Israel Hayom n’a poursuivi qu’un objectif : Benyamin Nétanyahou. Il a soutenu sa candidature comme Premier ministre et, depuis sa réélection en 2009, il a servilement appuyé sa politique et défendu le Premier ministre et sa famille contre la critique ».
… Brèche politique et gouffre financier
« L’état financier du journal est un secret jalousement gardé, selon Ha’Aretz, mais certains spécialistes des médias israéliens estiment qu’Adelson a dépensé au moins 50 millions de dollars jusqu’à présent. » Si la loi passe, un exemplaire d’Israel Hayom devra coûter au moins la moitié de son concurrent le moins cher. De toute évidence, cela aurait une influence très négative sur la diffusion du journal, mais ne devrait pas le déstabiliser financièrement « puisque le journal est en pertes de toute façon et que Sheldon Adelson ne voit aucun problème à mettre sa fortune personnelle à contribution ».
Mercredi 12 novembre, la loi a recueilli une majorité lors d’un vote préliminaire en séance plénière. Soutenue par des députés issus de six partis (dont trois sont représentés au gouvernement), elle a reccueilli 42 voix pour, 23 contre, et doit maintenant être examinée en commission. « C’est une honte pour la Knesset », a marmonné Benyamin Nétanyahou, à l’issue du vote, relate le Jerusalem Post.
Péril démocratique ?
Dans une tribune titrée « Je suis fier de travailler pour Israel Hayom », un journaliste du titre dénonce l’hypocrisie de ceux qui promeuvent la « loi Israel Hayom » en invoquant des motifs tels que la liberté de la presse et la protection des autres journaux contre la concurence des gratuits. Il y écrit en préambule : « Sans doute devrais-je mettre au clair que personne ne m’a forcé à écrire cette chronique » et conclut en affirmant qu’il a toujours voté pour le parti de gauche Avoda, mais qu’au vu de l’attitude de ce parti (qui est à l’origine de la proposition de loi), on ne l’y reprendra plus.
Malgré ses profondes divergences avec ce journal partisan et très ancré à droite, Ha’Aretz s’inquiète lui aussi de ce que cette mesure signifierait pour la démocratie israélienne : « Aucune loi ne devrait être faite sur mesure pour une personne ou une entreprise » et, a fortiori, pour un journal. C’est l’autorité de la concurence qui aurait dû se saisir de ce problème, avance encore Ha’Aretz. Et le fait que, à défaut, le Parlement s’en charge, « est un symptôme de la faiblesse de la démocratie israélienne ».
« Le Figaro », « Le Monde »
En France , les deux quotidiens nationaux qui dominent sont » Le Figaro » adossé au groupe Dassault et » Le Monde » soutenu par MM Bergé, Niel, Pigasse . Ils ne sont pas gratuits mais ils recrutent des abonnés en les gratifiant. Et ce sont leurs propriétaires qui assurent les augmentations de capital et garantissent les emprunts. En Israël, Sheldon Adelson a choisi un modèle économique transparent : gratuité, tirage important, lectorat fidèle, tarifs publicitaires en conséquence et subventions personnelles pour l’équilibre financier. Les systèmes sont différents mais poursuivent le même but : l’entregent, la facilitation, la renommée et l’insertion dans le monde des idées.
Avec Courrier International et Ha’Aretz
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