Daniel Burman, surnomme le Woody Allen argentin, est issu d’une famille juive polonaise, Il est né dans le quartier juif de Buenos Aires, El Once, auquel il consacrera un documentaire.
Sa carrière de réalisateur débute dans les années 1990 avec ‘Un crisantemo estalla’, chronique de la vie d’Erasmo qui veut se venger de la mort de sa mère adoptive. Son cinéma se décline aussi en interrogations sur la judéité, avec ‘En attendant le messie’ et l’histoire d’un juif argentin qui cherche à prendre ses distances avec ses origines, ou encore ‘Le Fils d’Elias’, recherche éperdue d’une patrie et d’un paternel.
FELICIDAD, son dernier film, une joyeuse comédie sur l’amitié et le couple sera en salles le 29 octobre prochain.
L’histoire :
Santiago et Eugenio sont amis de longue date mais aussi associés dans le travail. Ils se comprennent sans se parler, se complètent et ne se quittent pratiquement jamais. Des parties de tennis au rendez vous d’affaires, ils sont inséparables et aucun n’a de secret pour l’autre. C’est du moins ce que pensait Santiago avant la mystérieuse disparition de son associé. Comble du sort, voilà Santagio obligé de supporter Laura, l’épouse d’Eugenio qu’il a toujours pris soin d’éviter
Daniel Burman a accepté de se confier à Tribune Juive
Entretien
Tribune juive.info : Comme à votre habitude, vous avez endossé trois casquettes pour Felicidad : celle de scénariste, de réalisateur et de producteur. Comment faites vous pour être sur tous les fronts ?
Daniel Burman : selon moi, ce n’est pas du tout incompatible. Toutes ces casquettes sont la manifestation d’un seul et même désir : celui de créer. Le besoin A partir d’une idée est de faire un film qui soit visible par le plus grand nombre.
Le fait d’être à la fois scénariste et réalisateur permet de rester fidèle à l’esprit du scénario et produire, c’est réaliser les rêves du réalisateur et du scénariste.
C’est du moins le sentiment que j’ai eu pendant ces 20 dernières années.
Mais à la quarantaine, l’écriture a pris une place de plus en plus importante.
Et je pense que je vais sans doute finir par m’y consacrer exclusivement
Avec le temps, la production et la mise en scène peuvent avoir un côté répétitif. Mais l’écriture est l’activité qui me rend de loin le plus heureux
Tj.info : Félicidad est un film qui parle d’amour et d’amitié mais qui va au-delà.
Pouvez vous nous en dire un peu plus ?
D.B : Ce film traite aussi des pactes qu’on peut passer avec certaines personnes et la tension que cela crée avec le temps. Souvent les sentiments qui ont donné lieu à ces pactes disparaissent et pourtant il nous arrive d’y rester fidèle et de négliger ce qu’on ressent au moment présent.
Le dilemme de ce film repose sur la façon dont on peut mettre un terme à cette tension liée à l’évolution de ces sentiments, sans pour autant qu’il s’agisse d’une trahison.
Il n’est pas rare qu’un homme, après des années de mariage, demande le divorce à sa femme et que celle-ci accepte, sachant que ce mariage ne constituait plus rien qu’un pacte vide de sens.
Dans FELICIDAD, le but n’est pas qu’Eugenio revienne, mais de comprendre ce qui lui est arrivé et de savoir qu’il se trouve quelque part. Le reste importe peu.
Tj.info : Vous explorez dans chaque film la quête de l’identité, est ce un peu la votre que vous recherchez ?
D.B : L’identité et le bonheur se confondent, tant les deux sont des notions fondamentales pour justifier son existence. Mais d’un autre côté, on ne peut jamais réellement les atteindre. Personne ne sait vraiment qui il est et personne n’est jamais complètement heureux.
Tj.info : Guillermo Francella et Ines Estevez sont des acteurs époustouflants. Comment s’est passé le casting?
D.B : Guillermo Francella est devenu une figure emblématique du cinéma latino-américain. Il a un talent certain pour passer de la comédie au drame, naviguer entre les deux lui est naturel. Il a un jeu très intuitif. Travailler avec quelqu’un qui a une si bonne connaissance du public a été très enrichissant.
J’ai toujours souhaité travailler avec Inès mais nous n’avons jamais trouvé le bon timing. Elle ne jouait plus mais quand je lui ai proposé le rôle, elle l’a accepté. Le fait qu’elle fasse son come back avec ce rôle m’a rendu très fier, d’autant plus que c’est elle que j’avais en tête depuis le début. Je n’avais aucun doute sur le fait qu’elle était la personne idéale pour ce projet car c’est un personnage très complexe et j’étais certain qu’Inès pourrait tout à fait incarner les différents aspects de sa personnalité
Tj.info : L’engagement, la fidélité des sentiments sont des thèmes très présents dans votre film.
D.B : L’idée de départ du film était de réfléchir à la façon dont se contruisent les pactes que j’ai précédemment évoqué. Puis comment une tension se crée entre la fidélité à un pacte ou la fidélité à ses sentiments. FELICIDAD a été écrit dans le but de comprendre ce phénomène. Je ne l’ai toujours pas compris mais du moins, j’ai pu faire un film sur ce sujet .
Tj.info : Laura et Santiago qui ne s’apprécient pas sont obligés de se rapprocher en l’absence d’Eugenio, ce qui donne naissance à des moments très drôles. Vous vous êtes beaucoup amusé en tournant ces scènes ?
D.B : Réaliser Envoyé de mon iPad
Tj.info : L’absence est au coeur de votre œuvre (Le fils d’Elias, Les enfants sont partis). Comment justifiez vous cette quête ?
D.B : On ne peut pas ressentir ce qu’est la mort L’absence est la seule chose que l’on connaisse.
Et cette peur, qui est la somme de toutes les peurs, est omniprésente dans mon travail. Même la plus infime des absences sert de référence à l’absence la plus absolue, la mort de quelqu’un.
L’abandon c’est être mis en condition pour la plus grande souffrance qui puisse arriver, celle de la perte d’un être cher. L’absence est le moteur de mon œuvre.
Si je savais que tout ce que j’aime sera éternellement présent, je n’aurais sans doute jamais écrit la moindre chose, et la vie n’aurait absolument aucun sens.
Propos recueillis par Sylvie Bensaid
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