Issu d’une ancienne famille juive alsacienne, Marc Gilbert s’appelait Gilbert Lévy, avant la seconde guerre mondiale. Son père, Jérôme Lévy était marchand de chevaux à Strasbourg et sa mère était Yvonne Metzger.
Ce journaliste, aujourd’hui méconnu du grand public, qui écrivait pour le Progrès de Lyon, Le Nouvel Observateur, Planète, le Reader’s Digest et le magazine Life, accompagnait la vie des français, du temps de l’ORTF, en présentant l’émission littéraire du vendredi soir, Italiques.
Entre 1966 et 1974, il apparait d’abord ponctuellement dans Objectifs, Un certain regard, L’invité du dimanche, Dim, Dam, Dom, Pourquoi et Eurêka, l’émission de Pierre Schaeffer, puis plus régulièrement dans Volume, pour laquelle, il fait des films sur la bande dessinée, l’espionnage industriel et l’Institute for Advanced Study de l’université de Princeton.
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En 1971, Pierre Sabbagh lui propose de créer une émission littéraire hebdomadaire. Ce sera Italiques, dont il devient le producteur et l’animateur de 1971 jusqu’en décembre 1974. En septembre 1972, il demande à Jean Michel Folon de lui créer un générique pour son émission et à Ennio Moricone une musique pour le générique. Celui-ci possède dans ses tiroirs la musique d’un film qui n’a pas du tout marché, A l’aube du 5e jour. Cet air devient un tube.
Il engage des chroniqueurs comme Max-Pol Fouchet, la voix de la France Libre à la BBC pendant la seconde guerre mondiale, Georges Walter, le présentateur du journal télévisé, Marc Ullmann, rédacteur en chef adjoint de l’Express et Jean-Jacques Brochier, le fondateur du Magazine Littéraire.
De nombreuses personnalités de la littérature et du cinéma apparaissent dans l’émission comme : Alberto Moravia, César, Elia Kazan, Elie Wiesel, Ettore Scola, Federico Fellini, Félicien Marceau, François Truffaut, Italo Calvino, Ivry Gitlis, Jean Hamburger, Jean-Louis Barrault, Jean-Pierre Melville, Joseph Kessel, Marcello Mastroianni, Norman Mailer, Möebius, Philippe Druillet, Robert Badinter, Roland Topor, Susan Sontag, Salvador Dali et Vladimir Jankélévitch.
Mais le 26 janvier 1973, Marc Gilbert refuse de recevoir Jean-Edern-Hallier dans Italiques, pour présenter La Cause des peuples, alors qu’il se trouve en régie. Max-Pol Fouchet réagit en direct et déclare que l’émission a été placée sous la protection de la police. C’est l’époque de l’Affaire des vedettes de Cherbourg, de la Prise d’otages des Jeux olympiques de Munich et de la Guerre du Kippour ; des tensions entre l’administration pompidolienne et l’ambassadeur d’Israël en France, Asher Ben Nathan.
Au moment de l’éclatement de l’ORTF en janvier 1975, Marc Gilbert est écarté de la Télévision . Le gouvernement de Giscard donne des directives : il est considéré comme un homme de gauche (il a créé le Syndicat des Producteurs de télévision) qui n’a plus sa place sur le petit écran.
En 1975, sous l’impulsion de Jacqueline Baudrier, Marcel Jullian et Xavier Larère remplacent Italiques par Apostrophes de Bernard Pivot. Jacques Chancel et Patrick Poivre d’Arvor récupèrent un générique de Folon et la chaine Antenne 2, lui commande un indicatif de clôture des programmes qui durera plus de 30 ans.
Si Josy Eisenberg est le plus ancien présentateur de télévision de France, Marc Gilbert est l’inventeur du talk-show littéraire à l’américaine.
Alexandre Gilbert
LQue de souvenirs qui me reviennent. Et tant de choses que je ne savais pas. Merci!
J’étais bien jeune à l’époque, tout juste bachelière, mais j’attendais Italiques avec toujours la même impatience et l’émission me transportait dès le générique dans un monde fait d’ouverture d’esprit, de tolérance, de partage, de respect mutuel. Du coup, par réaction, je n’ai jamais supporté Apostrophes et je me suis éloignée des émissions littéraires, ce que je regrette à présent. Je suis contente d’avoir des nouvelles de Marc Gilbert, même si cet article ne nous dit pas vraiment ce qu’il est devenu.
bonjour, hélas, sans emploi durant de longues années il s’est suicidé en 1982. Son épouse a raconté que durant plusieurs années il n’en sortait plus de son lit et regardait la télé sans rien faire d’autre.
Apostrophes… cette émission littéraire présentée par un homme qui, et il suffisait de l’observer et de l’entendre parler pour le comprendre, détestait la littérature et les écrivains et n’aimait que le vin et le football.
Quand on voit les chroniqueurs qui entouraient Marc Gilbert et qu’on les compare avec ceux des émissions culturo-mondaines d’aujourd’hui, on mesure le chemin parcouru…