Le ministère de l’Intérieur a tenté de se justifier face à une vive polémique après les ratés qui ont permis à trois jihadistes de s’évaporer dans la nature à leur retour de Turquie, malgré des mesures de sécurité renforcées face au risque accru d’attentat.
Les trois hommes se sont finalement rendus à la gendarmerie du Caylar (Hérault). Après trois heures de garde à vue à Lodève, ils ont été transférés à l’hôtel de police de Montpellier. Ils devaient être remis aux policiers de la Direction générale de la sécurité intérieure
Comment trois hommes connus des services de renseignement ont-ils pu atterrir mardi en France sans que les autorités en soient averties? Comment ont-ils pu passer le plus légalement du monde entre les mailles des contrôles de l’aéroport de Marseille? Et comment le ministère de l’Intérieur a-t-il pu annoncer leur interpellation à l’aéroport d’Orly alors qu’elle n’avait jamais eu lieu?
L’affaire « ne s’est pas déroulée comme il aurait fallu », a jugé le Premier ministre Manuel Valls, venu défendre à l’Assemblée nationale l’engagement militaire français en Irak. Le ministre de la Défense Jean-Yves le Drian a reconnu un « gros cafouillage », un « couac » entre Paris et Ankara.
Pour de nombreux observateurs, il s’agit surtout d’un inquiétant fiasco alors que la menace terroriste s’est accrue ces derniers jours avec l’appel au meurtre de Français par l’organisation jihadiste Etat islamique (EI) et l’exécution d’un randonneur français en Algérie par un groupe lié à EI.
Fustigeant l' »amateurisme » du gouvernement, plusieurs députés de l’UMP ont réclamé des enquêtes administrative ou parlementaire.
Longtemps silencieux la veille, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a balayé mercredi une polémique « excessive » et « politicienne ». Pour autant, il a annoncé une enquête de l’Inspection générale de l’administration et de la « police des polices ».
LA NOTE EST ARRIVÉE TROP TARD
Le Parlement recevra les conclusions de cette inspection « dans les meilleurs délais » pour déterminer « les modalités du contrôle qu’il entend exercer sur le gouvernement », a-t-il ajouté. Il a aussi promis de se rendre « prochainement en Turquie » pour éviter de nouveaux « dysfonctionnements ».
Les responsables des services de police et de renseignement seront auditionnés jeudi par la délégation parlementaire au renseignement, a annoncé la présidente de la commission de la Défense de l’Assemblée, Patricia Adam (PS).
Imad Jjebali, Gael Maurize et Abdelouahab El Baghdadi, détenus en Turquie après leur retour de Syrie, devaient être expulsés mardi vers Paris, selon le ministère. Le pilote ayant refusé de les embarquer, les services turcs les ont renvoyés par un vol pour Marseille, a expliqué la place Beauvau. Problème: les services français ont été informés du changement de vol après leur arrivée en France.
Selon une source policière, une note prévenant de leur arrivée a bien été diffusée à la police aux frontières mais a été reçue à Marseille une heure trop tard.
Le système de contrôle Cheops, qui centralise quasiment tous les fichiers de police et de gendarmerie, était en outre en panne mardi. Est-ce l’origine du cafouillage? Difficile à dire, car les contrôles de passeports ne sont pas systématiques pour les Français, relèvent des sources policières.
Après une nuit dans la nature, les trois hommes se sont donc rendus.
Abdelouahab El Baghdadi, 29 ans, est le conjoint de Souad Merah, soeur de Mohamed Merah, tué par la police en mai 2012 après avoir assassiné au nom du jihad sept personnes – dont trois enfants d’une école juive – à Toulouse et Montauban.
Gaël Maurize était domicilié à Albi où une autre filière jihadiste a été démantelée cet été. Le troisième homme, Imad Jjebali, 27 ans, « très lié » à Mohamed Merah et qui a grandi dans le même quartier toulousain, les Izards, avait lui été condamné en 2008 dans une affaire de filière jihadiste en Irak, dite filière d’Artigat, du nom d’un village d’Ariège supposé être la base de repli de l’équipe.
Alexandre Hielard et Rémy Zaka pour AFP
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