En 2008, j’eus l’opportunité de me rendre à Bucarest pour la convention du Bnai Brith. Ce fut l’occasion d’aller à la découverte de la ville natale de mon père, Tulcea.
Pendant longtemps cette ville n’eut pour moi, aucune réalité. Je ne la trouvais pas sur les cartes. Je doutais presque de son existence.
Tulcea se trouve à l’entrée du delta du Danube. A quelques kilomètres de là, la frontière avec l’Ukraine longe un des bras du fleuve.
A 300 km de Bucarest, Tulcea est un des cœurs de la Dobroudja vaste et riche région que se partagent la Roumanie et la Bulgarie. Ville très ancienne, fondée par les Daces (les Gètes) au VIIème siècle avant JC, Ovide la cite sous son nom « Aegyssus ».
Aujourd’hui c’est une ville d’environ 100 000 habitants, une ville touristique, la « porte » sur le delta du Danube. Site classé au Patrimoine mondial de l’Unesco, Réserve de la biosphère, le delta est aussi une réserve ornithologique.
Mais cette région n’est pas seulement une voie de passage pour les oiseaux. De nombreux peuples l’ont traversée ou s’y sont installés : les Grecs, les Romains qui l’ont conquise plusieurs fois, mais aussi les Bulgares, les Russes, les Tatares , les Ottomans. Et parmi eux de nombreux Juifs.
C’est ainsi que la famille de mon père fuyant les pogroms en Ukraine, s’y établit dans les dernières décennies du XIXème siècle. Mon grand-père était né à Kichinev vers 1863. Ma grand-mère naquit à Tulcea vers 1865, et mon père vers 1891.
Monsieur Faimblat, responsable de la communauté juive de Tulcea, m’accueillit, me fit visiter la synagogue et les cimetières juifs de la ville. Il me présenta les membres de la petite association juive qui rêvait de redonner à la synagogue son lustre d’antan.
Projet utopique, vu l’état du bâtiment, délabré et dangereux.
J’adhérai à l’association et à son projet.
De retour à Marseille, j’essayai de sensibiliser les associations : on organisa des conférences sur les Juifs de Roumanie, avec l’aide du professeur Carol Iancu, des brunch, des diaporamas, une exposition de photos au Centre Edmond Fleg .
Les travaux débutèrent enfin.
Et, le vendredi 22 août 2014, le Temple Israélite de Tulcea en Roumanie, a été inauguré. Evénement rare et symbolique.
ÉTINCELANTE DE BLEU ET D’OR
L’ancienne synagogue, entièrement rénovée, étincelante de bleu et d’or, ouvrit ses portes aux nombreux visiteurs venus assister à cet événement : roumains de Tulcea mais aussi de Bucarest, de Costanza, de Focsani …. israéliens de Haifa, Tel Aviv,… et même français venus de Marseille et de Paris .
Au moment du dévoilement des plaques commémoratives par le Maire de Tulcea et le Président de la Fédération des Communautés juives de Roumanie, les autorités civiles et religieuses se pressaient dans le hall d’entrée de la synagogue.
L’Etat roumain était largement représenté au niveau communal, départemental(Judet) et national par le Dr Constantin Hogea, maire de la ville, par M. Simion Eduard, préfet, par M.Strat Vasile, vice-président du Conseil départemental, et enfin par M.Téodore Opanschi, représentant du gouvernement roumain, Ministre des cultes.
Toutes les communautés de Tulcea étaient présentes, grecque, turque, italienne, russe, ukrainienne, rom, macédonienne….On remarquait plus particulièrement la présence de l’Evêque, du Pope et du Mufti de Costanza.
Dans leur allocution, tous évoquèrent les communautés très nombreuses en Roumanie, réunies en ce jour dans la synagogue et la nécessité d’œuvrer pour maintenir l’harmonie dans le pays.
La communauté juive était représentée par le Dr Aurel Vainer, député et Président de la FCER, fédération des Communautés juives de Roumanie , par le Directeur du Joint en Roumanie, Israël Sabag, et par les Présidents des communautés de Tulcea, Costanza, Focsani…..
750.000 JUIFS : IL N’EN RESTE QUE 6.000
Dans les années 30, la communauté juive de Roumanie était la 3ème d’Europe, après la Russie et la Pologne. Elle comptait environ 750 000 Juifs. La moitié disparut pendant la Shoah et l’autre moitié émigra, le plus souvent en Israël. Aujourd’hui elle comprend environ 6000 personnes réparties sur une soixantaine de communautés. Les nombreuses synagogues et les cimetières témoignent de la splendeur disparue. C’est le cas de Tulcea, dont la population juive atteignit plusieurs milliers de membres, et qui compte aujourd’hui une quarantaine de personnes ayant un lien avec le judaïsme.
Le Grand Rabbin de Roumanie, Rafaël Shaffer et le premier cantor Iosef Adler, ouvrirent les cérémonies par un office religieux. La mezouza fut posée aux sons de la musique Klezmer jouée dans la synagogue.
Dans son intervention, le Dr Aurel Vainer, Président de la FCER, salua l’œuvre accomplie, et sa signification symbolique pour les Juifs de Roumanie et pour le judaïsme. M. Faimblat, Président de la communauté juive de Tulcea, à qui l’on doit la renaissance de la synagogue, prit la parole ensuite ; il évoqua les difficultés rencontrées, la joie d’avoir réussi dans cette entreprise et remercia tous ceux qui l’avaient aidé. On notait dans l’assistance la présence du Président de la loge Bnai Brith de Bucarest , José Iacobescu, et l’ancien ambassadeur de Roumanie en Israël.
L’inauguration du Musée d’histoire des Juifs de la Dobrougea Nord eut lieu le lendemain, samedi 23 août 2014, suivi d’un colloque sur les Juifs de la Dobrougea qui se déroula dans la salle du Conseil départemental (consiliu judetean ).
Dans la galerie des femmes, à laquelle on accède par un bel escalier de bois en colimaçon, furent exposés des documents, des photos et des objets, qui constituent le début des collections à venir. Le musée sera administré au niveau national par Mme Janina Ilie, qui s’occupe déjà des huit autres musées juifs de Roumanie. Au niveau local, c’est Monsieur Faimblat, Président de la communauté juive de Tulcea et initiateur du projet, qui en a la responsabilité.
Les festivités furent nombreuses : le théâtre « Jean Bart » accueillit les participants pour un concert donné par le « Bucarest Klezmer Band » ; après l’office à la synagogue, car la synagogue est vivante et la communauté s’y retrouve pour le shabbat et les fêtes, un grand dîner avec un spectacle de musique et de danses folkloriques roumaines, fut offert dans un grand hôtel de la ville. Et bien sûr, une promenade dans le delta du Danube…
A la tombée de la nuit, la prière de Havdala fut récitée sur la rive du fleuve, face aux embarcadères en présence du Maire de la ville.
« C’est la première fois que cette cérémonie a lieu à Tulcea », me chuchota Monsieur Faimblat.
Renaissance ? Pérennité du Judaïsme. L’inauguration du Temple israélite de Tulcea en est le symbole.
Par Élise Leibowitch
Bonjour Madame,
Je suis professeur d’histoire et je mène des recherches sur un médecin juif roumain né à Tulcea dans le but d’écrire un livre sur son parcours qui l’a mené jusqu’en Normandie (où j’habite) avant d’être déporté à Auschwitz. Je tente donc de trouver des informations sur ses origines et ce n’est pas évident de France. Dans votre article, vous parlez d’un Musée d’histoire des Juifs de la Dobrougea Nord qui aurait ouvert à Tulcea mais dont je ne trouve trace nulle part et d’un colloque sur les Juifs de la Dobrougea. Est-il possible d’accéder au compte-rendu de ce colloque ? Peut-on contacter ce musée ? A qui puis-je m’adresser pour trouver des informations sur la communauté juive de Tulcea dans les années 1900-1930 ?
Je vous remercie d’avance de l’aide que vous pourrez m’apporter
Cordialement
Mme Savin
Beaucoup de noms sont cités dans l’article . Vous devriez essayer de leur écrire aux bons soins du maire de Tulcea.
Bonne chance!