Le magazine de mode vient de reproduire un shooting d’une couverture de 1988. Sauf que le top-modèle israélien Michaela Bercu a été remplacé par le mannequin palestinien Gigi Hadid.
En 1988, la première couverture de l’édition américaine de Vogue conçue par Anna Wintour a fait couler beaucoup d’encre. C’était la fin de l’été et la jeune et brillante rédactrice en chef, qui avait travaillé au Harper’s Bazaar et à l’édition britannique de Vogue, préparait le numéro de novembre. Réputée pour son regard aiguisé et sa vision nouvelle et esthétisante, elle avait fait appel pour l’occasion au top-modèle israélien Michaela Bercu.
Celle-ci, alors âgée de 18 ans, travaillait pour l’agence française Elite et connaissait un grand succès sur la scène internationale. Mais un imprévu est venu perturber la séance photos : les vêtements que le mannequin devait porter – un chemisier et une jupe noirs dessinés par Christian Lacroix – ne convenaient pas : la jupe était trop petite. En désespoir de cause, Michaela a fini par garder le jean élimé qu’elle portait ce jour-là.
La montée en force des photos de rue
Une règle tacite, chez ses prédécesseurs, était de publier un gros plan d’un top-modèle à l’allure élégante. Mais en voyant la photo de Michaela en jean, qui souriait naturellement dans une rue de Manhattan, la rédactrice a décidé d’en faire la couverture de Vogue.
Elle raconte que, comme cette photo représentait un changement important par rapport aux couvertures publiées depuis des décennies, l’imprimeur a cru bon de la rappeler pour s’assurer que ce n’était pas une erreur. On sait aujourd’hui qu’il ne s’agissait pas d’une erreur mais d’un risque calculé qui s’est avéré très payant.
Non seulement la photo a créé une onde de choc dans le milieu de la mode et braqué les projecteurs sur la nouvelle rédactrice en chef, mais elle a révolutionné la manière dont le public perçoit la mode populaire et la haute couture. Cette couverture symbolique a également ouvert la voie à une autre révolution : la montée en force des photos de rue, jusque-là marginales, dans les magazines de mode les plus populaires.
Une chose distingue les deux femmes : leur origine
Il n’est guère étonnant, pour toutes ces raisons, que la rédaction en chef du magazine ait choisi d’inaugurer son nouveau site en recréant la fameuse couverture du numéro de novembre 1988. Gigi Hadid, un mannequin américain de 19 ans très connu dans le milieu de la haute couture, a été sélectionné comme modèle. Avec ses cheveux blonds, sa peau claire et son sourire naturel, elle présente une ressemblance frappante avec Michaela Bercu.
Une chose, cependant, distingue les deux femmes : Gigi Hadid a des origines arabes. Son père, issu d’une famille palestinienne qui a immigré aux Etats-Unis est le magnat de l’immobilier Mohamed Hadid, tandis que sa mère, Yolanda Foster, est top-modèle et actrice néerlandaise. La question qui se pose est de savoir jusqu’à quel point Anna Wintour a pris en compte le milieu familial du top-modèle lorsqu’elle l’a choisi. Prévoyait-t-elle un déchaînement des médias en raison du conflit israélo-palestinien, une réaction qui pourrait faire de la publicité à son magazine et à son nouveau site ?
Gigi Hadid, le mannequin du moment
Il ne serait pas juste que Gigi Hadid, qui doit défiler pour la première fois pendant la semaine de la mode de New York (du 4 au 11 septembre), ait été choisie parce qu’elle est palestinienne par son père, car Michaela Bercu, elle, ne l’a pas été en raison de ses origines israéliennes.
En réalité, Anna Wintour avait d’autres raisons d’arrêter son choix sur elle. En dehors de sa ressemblance physique avec Michaela, la carrière de la jeune Gigi a vraiment décollé ces derniers mois. Comme la rédaction en chef du magazine l’explique sur son site : « Avec tous les défilés des semaines internationales de la mode qui se profilent à l’horizon, Gigi apparaît comme le mannequin du moment. »
Ha’Aretz| Shahar Atwan
http://www.courrierinternational.com/article/2014/09/11/le-conflit-israelo-palestinien-s-invite-en-une-de-vogue
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