Berlin : un mémorial dédié aux handicapés massacrés

Après avoir rendu hommage aux victimes juives,

homosexuelles et tziganes du IIIe Reich,

Berlin a inauguré mardi un mémorial

dédié aux 300.000 personnes handicapées

massacrées en secret par les nazis.

« Voici un jour que nous avons longtemps attendu », a déclaré le maire de Berlin, Klaus Wowereit, devant 500 personnes réunies dans l’entrée de la célèbre Philharmonie, vaste enceinte de concerts qui jouxte le mémorial.
Après des années d’une campagne difficile, menée par les familles des victimes et par des militants berlinois, le parlement allemand avait voté en novembre 2011 l’érection d’un monument dédié aux victimes handicapées des nazis.
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L’édifice, qui rejoint les trois mémoriaux dédiés à Berlin aux victimes juives, homosexuelles et tsiganes du IIIe Reich, se compose d’un mur de verre aux reflets bleutés de 24 mètres de haut, posé sur un socle noir et flanqué de panneaux explicatifs.
Il se trouve au n°4 de la Tiergartenstrasse, sur les ruines de la villa cossue où fut élaboré en secret le programme « T4 », début 1940, cyniquement baptisé « programme d’euthanasie » par ses concepteurs.
Au son d’un poignant solo de violoncelle, plusieurs proches ont rendu hommage à leurs défunts. Au bord des larmes, Hartmut Traub a retracé la mort de son oncle Benjamin, schizophrène gazé à 27 ans en 1941.
« Benjamin s’est retrouvé enfermé avec 63 autres hommes nus, dans l’espace le plus restreint qui soit. Les portes se sont fermées », a raconté M. Traub, qui a mené ses propres recherches.
« Des pommeaux de douche est sorti le monoxyde de carbone. Benjamin s’est senti mal. Il a perdu conscience. Après quelques minutes, lui et ses 63 camarades de souffrance étaient asphyxiés », a-t-il poursuivi.

TEST POUR LES CAMPAGNE D’EXTERMINATION

Pour Sigrid Falkenstein, nièce d’une femme tuée en raison de ses difficultés cognitives, le programme T4 a « servi de test pour les campagnes ultérieures d’extermination de masse » sous le IIIe Reich.
« Plus de 70 ans après, nous devons à ces gens une place dans nos mémoires familiales, ainsi que dans la mémoire collective de notre pays », a-t-elle estimé, avant de se joindre au cortège déposant des roses blanches au pied du mémorial.
Pendant longtemps, les familles des victimes ont dû « se battre non seulement contre l’oubli, mais aussi contre des opposants puissants », a rappelé le maire de Berlin, évoquant « les organisations scientifiques qui ont nié toute implication » et « les scientifiques protégés qui sont devenus des criminels ».
Dans l’esprit de la soixantaine de bureaucrates et de médecins qui ont planifié ces massacres, en lisière du vaste parc de Tiergarten, il s’agissait d’éliminer les handicapés mentaux ou physiques considérés comme une charge pour la société.
Avisés du décès de Benjamin Traub par une simple lettre, ses parents avaient été priés d’accueillir sa mort « comme un soulagement », au motif qu’il souffrait « d’une maladie mentale sérieuse et incurable ».
Entre janvier 1940 et août 1941, plus de 70.000 personnes ont été gazées dans six lieux dédiés. Les protestations individuelles ont entraîné l’arrêt officiel du programme mais les meurtres ont continué sous d’autres formes – privation de nourriture, négligence, injections de doses létales d’antidouleurs par de prétendus soignants.
On évalue à plus de 300.000 personnes le nombre de victimes totales de ces massacres, jusqu’à la fin de la Deuxième guerre mondiale en 1945. Le mémorial berlinois sera le premier monument national à leur être dédié.
Malgré les grands procès de Nuremberg menés dans l’après-guerre, la campagne « T4 » a eu très peu de suites judiciaires et une grande partie des professionnels de santé impliqués avaient simplement poursuivi leurs carrières après la chute de la dictature nazie.
Déborah Cole pour AFP
 

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