Montebourg, Hamon et Filippetti se rebellent : la mort de la gauche est proche

Manuel Valls remanie. François Hollande aussi. Ce qui devait se faire après les élections sénatoriales, avec les départs déjà programmés de Christiane Taubira et Aurélie Filippetti, aura lieu un mois plus tôt que prévu.
Pourquoi attendre encore puisqu’en cette fin de mois d’août, Arnaud Montebourg, ministre de l’Économie, et Benoit Hamon, ministre de l’Éducation nationale, applaudis par Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, venaient de se moquer du président de la République et du Premier ministre toute la journée du 24 août 2014 ? la_gauche_peut_mourirCe dimanche, c’était la Saint-Barthélémy des autorités présidentielle et gouvernementale. Attendre, encore attendre, c’était s’exposer à un mois de lazzis, quolibets et moqueries. Manuel Valls et François Hollande n’avaient plus le choix. Il fallait frapper vite. Et fort.
Mais pourquoi diable Montebourg et Hamon, qui avaient tant œuvré à la chute de Jean-Marc Ayrault, alliés objectifs de Manuel Valls, ont-ils trahi ce dernier ? Et pourquoi Aurélie Filippetti a-t-elle éprouvé le besoin de se joindre à la récréation, saluant leur provocation par un tweet sans ambiguïté (et qui ne nécessitera pas d’enquête sans résultat, comme celle ordonnée après la publication sur le compte de la ministre d’un tweet hostile à Ségolène Royal) ?

Depuis des mois, Montebourg préparait sa sortie

Depuis des mois, Montebourg préparait sa sortie du gouvernement. Il fallait être aveugle, sourd et surtout mal informé pour ne pas le savoir. Depuis des mois, Montebourg avait calculé son affaire, estimant au doigt mouillé, as usual, le moment où il lui faudrait quitter la barque Hollande avant que la réalité de son bilan n’apparaisse.
Ce n’est pas pour rien, tout au long de son discours de Frangy, que l’ancien député du coin (qui ne l’est plus) a passé la majeure partie de son discours à dresser les vertus de son bilan. « Je m’en vais après avoir réussi, je laisse les autres échouer. Et rendez-vous plus tard », c’est la version Montebourg de la chanson de Gainsbourg « Je suis venu te dire que je m’en vais ».
En vérité, Montebourg avait soutenu Valls parce que ce dernier était l’instrument nécessaire à la marginalisation de François Hollande. Parce qu’il était l’instrument de la première partie de l’opération de l’après-Hollande.
Valls devait être le Premier ministre de la marginalisation du président, qui devait l’effacer des perspectives en vue en de 2017 tout en se carbonisant lui-même pour l’avenir. Coup double.

Hamon et Filippetti ont suivi le mouvement

Mais l’ancien ministre de l’Intérieur, en dépit des espoirs de Montebourg, s’est avéré un Premier ministre conforme à la Ve République. La force des institutions, l’habileté de Hollande et la prudence de Valls se sont conjuguées pour ruiner le rêve Montebourg. Depuis la fin du printemps, il était devenu clair que Valls ne serait pas le Premier ministre de la rupture avec la logique de la Ve République.
Il fallait donc préparer sa sortie, dès la rentrée suivante, opération facilitée par le fait que, collant à Hollande, Valls coule avec lui. Qui sait si le sondage du JDD, titré « La cote de Valls dévisse », paru dans la matinée du discours de Frangy, n’a pas incité Montebourg à durcir encore le ton l’après-midi, cherchant délibérément à ouvrir un front sans laisser de porte ouverte à l’apaisement ?
Benoit Hamon a suivi le mouvement. Pour les mêmes calculs que Montebourg. Pour ne pas laisser à celui-ci l’opportunité de fédérer toutes les contestations socialistes. Pour s’emparer à terme du parti, qui, aux yeux d’un apparatchik comme Benoit Hamon, vaut plus que le ministère de l’Éducation nationale.
« Quand on a des ambitions comme ça, on ouvre une épicerie, on ne gouverne pas un pays ! » dit le héros du film « Le Président » à un spécialiste en combinaisons politiques sans envergure. On y pense quand on contemple la vie et l’œuvre gouvernementale de Benoit Hamon, dont le bilan à la tête de l’Éducation nationale (s’il vient à quitter ce ministère) sera d’avoir laissé Farida Beghoul, Alain Soral, les fachislamistes et Civitas imposer leur volonté à l’école de la République, sapant les fondations de la laïcité.
Mais non, Benoit Hamon, à la veille de la rentrée scolaire, plutôt que de se situer dans les pas de Jaurès et de Blum, a préféré, une fois de plus, ceux de Guesde et Mollet…
Quant à Aurélie Filippetti, elle a suivi le mouvement, via Twitter, se sachant condamnée à brève échéance, pour avoir, entre autres erreurs, mal géré le dossier des intermittents en colère, ou constitué un cabinet comportant des collaborateurs issusde France télévisions, ayant travaillé sous les contestés et contestables présidents Carolis et Pfimlin (son actuel directeur de cabinet étant du reste en position de témoin assisté dans les enquêtes du juge Van Ruymbeke sur la gestion de ces deux présidents).
Aurélie Filippetti est entrée en rébellion parce qu’elle allait être punie. Ni plus, ni moins…

Un spectacle dérisoire et inquiétant

Le spectacle offert ce week end par ces trois ministres était tout à la fois dérisoire et inquiétant.
Dérisoire les postures d’adolescents attardés de ces gens dépositaires d’une responsabilité qu’ils galvaudent pour les besoins de l’idée qu’ils se font d’eux-mêmes, donnant raison à cette partie de la droite qui juge que, décidément, l’exercice du pouvoir et les socialistes sont deux choses incompatibles.
Inquiétant quand on songe que ces gens là, légers, inconstants et immatures, ont participé au naufrage de la gauche au pouvoir auquel nous assistons depuis deux ans et que la biologie politique risque de nous les imposer encore pour vingt ans. C’est donc eux l’avenir de la gauche ?
Hypertrophie des égos, hypotrophie de la maturité : voilà ce qui caractérise les trois ministres en question. Ce 24 août, les Français ont pu constater que certains ministres de la République, et non des moindres (économie, éducation, culture), avaient plus leur place dans la maison de Secret Story 8 qu’à la table du Conseil des ministres.
Le pire étant qu’ils ne sont pas les seuls de leur espèce. La semaine passée, Cécile Duflot avait exhibé les mêmes travers, et à l’UMP, les candidats à la transformation de la vie publique en téléréalité des Narcisses en manque d’étang où se mirer ne manquent pas.
Ministres du « Moi je » est leur portefeuille commun. Comme le souligne Anne Sinclair :
« Comment ne pas être choqué par ce qui est une posture politicienne de responsables de la conduite du gouvernement de la France? »

Oui, la gauche peut mourir

Au-delà des formules, que l’on ne s’y trompe pas : Montebourg, Hamon, Filippetti et Duflot sont les signes annonciateurs de la mort prochaine de la gauche, prophétisée par Valls.
Car les éléments existent, qui montrent que le PS, et avec lui la gauche dans son ensemble, sont menacés d’être marginalisés, isolés, incapables de rassembler une majorité, dans le cadre d’un tripartisme émergent (PS/UMP/FN). Au train où vont les choses, le bloc de gauche pourrait finir par ne plus rassembler qu’un gros tiers des Français. Et être figé dans l’opposition pour un temps aussi long qu’incertain.
C’est le risque que pointe le politologue qui monte à gauche, Gaël Brustier :
« Qu’elle se déguise en Colbert ou en Georges Marchais, la gauche semble impuissante à imposer sa vision du monde, à susciter l’adhésion et le consentement des masses. Justement parce qu’il s’agit de déguisements (…) Le risque, qui se précise, est de sortir du quinquennat avec une gauche passée de vie à trépas et que les réalignements électoraux durablement opérés priveraient de capacités de rebond avant de longues, très longues, années. »
Et voilà. La gauche peut mourir, mais l’essentiel, aux yeux de Montebourd et Hamon, c’est de prendre le contrôle de l’aile gauche du PS et des frondeurs, tandis que pour Aurélie Filippetti, c’est de balancer un tweet provoc’, histoire de montrer que l’on est capable, comme Duflot, de rébellion grave. Le décalage entre le jeu et les enjeux est là, terrible et vertigineux.
Cette révolte de ministres, débouchant sur un remaniement ministériel, peut-elle être utile à la gauche au pouvoir ? On relira Léon Blum avec profit : « Les poisons sont quelquefois des remèdes, mais certains poisons ne sont pourtant que des poisons ».
bruno roger-petitPar 
Chroniqueur politique
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1234487-montebourg-hamon-et-filippetti-se-rebellent-la-mort-de-la-gauche-est-proche.html
 

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