Entre un gouvernement israélien sans réelle stratégie et des islamistes prêts à tout pour faire entendre leurs revendications, la situation s’enlise autour de Gaza. N’en déplaise à Benyamin Netanyahou.
S’il n’était pas embourbé dans des problèmes judiciaires, le général Gaby Ashkénazi n’aurait pas manqué de s’élever contre la gestion de l’actuelle escalade dans la bande de Gaza. L’ancien chef d’état-major de l’armée israélienne, grand artisan de la restructuration de Tsahal après la seconde guerre du Liban en 2006, avait une doctrine basée sur trois points fondamentaux : la conquête rapide de territoires ennemis, un engagement total dans la bataille qui, à son issue, détermine de manière irrévocable un vainqueur et un vaincu ; enfin, l’utilisation d’une puissance de feu à même de rétablir durablement la force de dissuasion israélienne.
Près de cinquante jours après le déclenchement de l’opération « Bordure protectrice », aucun de ces paramètres n’a été totalement appliqué. Tsahal s’est retiré sans condition des zones-tampons qu’il occupait du nord au sud de la bande de Gaza et pourrait de nouveau être amené à investir l’enclave palestinienne ; le Hamas continue de pilonner à sa guise le territoire israélien, principalement au sud, sans que les frappes de l’aviation ne portent atteinte à ses capacités de tir ; pire, l’ampleur des destructions à Gaza et le fait que 400.000 Palestiniens soient sans abris ne suffisent pas à dissuader l’organisation islamiste de poursuivre la confrontation.
De facto, les responsables israéliens misent sur un essoufflement du Hamas, convaincus que ses stocks de roquettes et d’obus de mortier finiront par s’épuiser et qu’en parallèle, les coups assénés à ses chefs militaires le pousseront à accepter un cessez-le-feu durable et à revenir à la table des négociations au Caire. Pour l’heure, force est de constater que ni la tentative d’élimination de Mohamed Deif, ni la mort de Raed el Attar, son principal lieutenant, n’ont calmé les ardeurs belliqueuses du mouvement islamiste palestinien.
Bien que le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou se refuse à l’admettre, une guerre d’usure s’est bel et bien installée autour de la bande de Gaza, Sur le terrain, l’aviation israélienne opère désormais seule, limitant ses actions à du renseignement et des frappes ciblées contre toute cible associée au Hamas. Sans pression terrestre, cette stratégie affiche ses limites. Les brigades Ezzedine al Qassam, qui circulent d’un point à un autre de Gaza par des tunnels, ont réinvesti sans problème le nord de la bande de Gaza, en particulier les localités de Chajaya et Bet Lahya desquelles sont tirées aujourd’hui la plupart des roquettes contre le territoire de l’État hébreu.
L’absence de stratégie claire du cabinet de sécurité israélien pose problème pour plusieurs raisons. Elle démontre d’abord que le renversement du Hamas n’est pas une option envisagée et qu’une nouvelle incursion terrestre à Gaza, si elle a lieu, sera limitée dans l’espace et dans le temps. D’autre part, cette situation d’enlisement est néfaste pour l’image d’Israël. Au Liban, que doit penser le Hezbollah de l’incapacité de Tsahal à mâter le Hamas, lui qui dispose d’une force de frappe dix fois plus importante ? Enfin, pour l’opinion israélienne, malgré les performances du système antimissile Dôme de fer, le sentiment d’insécurité commence à gagner le centre du pays.
Six semaines après le début des hostilités, l’alerte antiaérienne continue de retentir à Tel Aviv, la plus importante métropole du pays. La routine des roquettes n’est plus seulement celle du sud du pays et de la région du Neguev.
Sans règlement rapide du conflit en cours, militaire ou diplomatique, une grave crise politique et morale menace Israël.
Maxime Perez
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