Lundi soir, à minuit,
s’achèvera un énième cessez-le-feu
entre Israël et le Hamas.
Au Caire, où se poursuivent les négociations, les belligérants se préparent à l’idée que les armes se taisent sans qu’aucun accord ne soit conclu. Cette perspective les condamne à une nouvelle confrontation militaire. Quels autres enseignements peuvent être tirés ?
Le Hamas, reconnu de facto
Ni l’un, ni l’autre ne s’acceptent. Pourtant, au siège des renseignements militaires égyptiens, même en faisant chambre à part, les représentants d’Israël et du Hamas communiquent et échangent. La loi de la guerre, et désormais celle de la diplomatie, les obligent à se reconnaitre une légitimité. Un affront pour l’aile dure du cabinet de sécurité israélien, incarnée par Naftali Bennett et Avigdor Lieberman, deux irréductibles partisans de la manière forte et opposés à toute négociation avec une organisation terroriste. Ils ne peuvent aujourd’hui que déplorer les effets de la realpolitik régionale. Grâce à Khaled Mechaal, incontournable dans la plupart des chancelleries arabes, le Hamas a brisé son isolement. Sur la scène diplomatique, ses revendications sont ardemment défendues par le Qatar et la Turquie, respectivement cautions bancaire et idéologique du mouvement islamiste palestinien. Dans un Moyen-Orient en pleine ébullition, où aucune puissance n’émerge, ces deux pays en profitent pour livrer à l’Egypte une lutte d’influence.
La menace des roquettes
Le 7 juillet dernier, au moment de déclencher l’opération « bordure protectrice » contre le Hamas, le gouvernement israélien s’était fixé un objectif clair : en finir avec la menace des roquettes contre le sud d’Israël. Un mois plus tard, sur les 10.000 projectiles aux mains du Hamas et du Jihad islamique, près d’un tiers a été tiré contre le territoire de l’Etat hébreu, jusqu’au nord du pays, tandis qu’un second tiers était détruit par les frappes aériennes de Tsahal. Selon les estimations, les factions palestiniennes disposeraient encore d’un stock de 3.000 roquettes, essentiellement de courte portée, et de milliers d’obus de mortier, difficilement détectables au radar et véritable hantise des résidants des kibboutz frontaliers de Gaza.
Si les hostilités devaient reprendre, cet arsenal est amplement suffisant pour pilonner le territoire israélien, voire pour mener une guerre d’usure. En outre, le Hamas dispose toujours de moyens de production artisanaux. Ses roquettes M-75, capables d’atteindre Tel Aviv ou Jérusalem, sont assemblées dans des fabriques souterraines. D’ici la fin de l’année, si aucune démilitarisation de la bande de Gaza n’est engagée par la communauté internationale, le mouvement islamiste n’aura aucun problème à renouveler une partie conséquente de ses stocks de missiles. La découverte et la neutralisation des tunnels d’infiltration du Hamas auront permis de masquer ce semi-échec. Dans les faits, Benyamin Netanyahou s’en est servi pour éviter un enlisement et, sitôt la mission accomplie, ordonner un retrait des forces terrestres.
Tsahal a-t-il rétabli
sa force de dissuasion ?
Cette question obsède les généraux israéliens. Dans un conflit asymétrique, la dissuasion est pourtant un concept éphémère. A l’inverse du Liban, Etat souverain, la bande de Gaza est sous le joug d’une organisation terroriste. La logique du Hamas n’est donc pas celle d’une entité responsable et bienveillante. Les destructions de zones habitées, la mort de civils ou même l’afflux de réfugiés ne sont pas de nature à remettre pas en cause son engagement militaire ou sa stratégie. Au contraire, ces critères servent la propagande du mouvement et la cohésion du peuple de Gaza face à l’«ennemi sioniste ». Les hommes du Hamas sont galvanisés par le chaos qu’ils génèrent. D’autre part, l’immense réseau souterrain qu’ils ont bâti, cinq années durant, de Bet Hanoun à Rafah, leur donne un avantage tactique permanent. Avec les tunnels, ils peuvent combattre et se déplacer clandestinement, sans être repérés par les appareils de l’aviation de Tsahal.
Il n’empêche, le fait que le Hamas soit parvenu à pilonner Israël jusqu’à l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu ne signifie pas qu’il n’a pas été ébranlé. En quatre semaines de guerre, la quasi-totalité de son appareil militaire a été détruit ou, au mieux, lourdement endommagé par la puissance de feu de Tsahal, y compris lors de la phase terrestre de l’opération. A chaque fois qu’un poste de commandement est détruit, le mouvement islamiste est coupé de ses unités. Dès qu’un tunnel est détruit, des dizaines d’hommes sont pris au piège et leurs stocks de munitions perdus.
Mais la force de dissuasion se mesure aussi dans le sens inverse. A l’exception de quelques tentatives d’infiltrations audacieuses, notamment en ayant recours à des drones et des commandos marins, le mouvement islamiste n’a porté aucun coup sérieux à l’arrière-front israélien. Frustré, il tente vainement de tenir la dragée haute dans les négociations au Caire. Sa posture fait planer la menace d’une nouvelle guerre.
Bibi, fin stratège
N’en déplaise à ses ministres les plus belliqueux, Benyamin Netanyahou a joué juste de bout en bout. Sur le plan tactique, la dizaine de trêves humanitaires acceptées par Israël et le retrait rapide des troupes de Tsahal de Gaza ont privé les factions armées palestiniennes de tout prétexte à la poursuite de l’escalade. Indéniablement, ce constat empêche le Hamas de remporter la bataille diplomatique qui se joue en Egypte. Ses principales exigences – comme la construction d’un port et d’un aéroport – ont été balayées d’un revers de manche par le président al-Sissi, hostile à tout renforcement de l’organisation islamiste, émanation des Frères musulmans à qui il a livré une lutte à mort. Vu d’Israël, le principe de dissuasion réside à présent dans la capacité du Hamas à comprendre que la lutte armée ou le terrorisme ne lui permettront jamais d’obtenir gain de cause. Entendra-t-il la leçon ?
par Maxime Perez
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