Depuis le 8 Juillet 2014, et jusqu’à l’heure où j’écris cet article, les médias du monde entier ont l’œil braqué sur Israël et Gaza. La perception simple, vulgarisée, et manichéenne d’un conflit « asymétrique » où l’entité sioniste ultra-armée et protégée, massacre des populations palestiniennes, donc musulmanes, a forcément touché toutes les consciences, même les moins impliquées et les moins informées dans le monde entier.
YORAM SALAMON
La sympathie et le soutien exprimés pour la population gazaouïe a même dépassé le cadre habituel des pays arabes ou des pays opposés à Israël.
Notre ère sociale a connu de mouvements sans précédents qui ont bouleversé les écrans des utilisateurs de Twitter, Facebook, Youtube. Des millions de tweets, de commentaires, de discussions ont été diffusés pendant le conflit, des milliers de groupes et de pages ont vu s’affronter les partisans des deux camps. Internet a été le champ d’affrontements silencieux dont la portée a généré des mobilisations que jamais nous n’avions connu auparavant.
CHAR 4Spectre graphique des mouvements de tweets pendant le conflit Israél / Hamas
Du côté des médias traditionnels (tv, radio, presse), le champ éditorial a été occupé à 80% par le conflit, et le champ journalistique est devenu un champ de bataille où beaucoup d’encre a coulé…
Au niveau politique, peu d’acteurs sont restés à l’écart, représentants de la nation, partis politiques, syndicats se sont mobilisés comme à l’heure des grandes causes nationales ou des grands combats sociaux.
De manière plus large, toute la communauté internationale a été secouée de réactions en chaîne, et un nombre impressionnant de pays ont porté leur voix, envoyé des émissaires, fait jouer leur réseau d’influence pour mettre fin à ce que certains ont désigné comme un crime contre l’humanité, voire d’autres comme un génocide.
Enfin, peu de conflits dans l’histoire depuis l’après-guerre, n’ont eu autant d’emprise sur les populations, notamment les minorités musulmanes des pays occidentaux, qui se sont senties concernées par le sort de leurs « frères palestiniens », et qui se sont mobilisées comme jamais on ne l’avait vu auparavant dans tout le monde entier pour dénoncer ce massacre commis par l’entité sioniste. Cette mobilisation a exacerbé le rejet du sionisme, et de son porteur légitime, Israël, de manière très violente, et nombre de manifestations ont eu lieu aux quatre coins de la planète, dont certaines ont fini en émeutes violentes, et parfois en agressions verbales ou physiques contre les juifs, assimilés de facto à Israël. L’appel au boycott contre l’Etat Juif, s’est étendu pour la première fois, à certains magasins désignés comme juifs en Europe, ou à l’inverse certains magasins ont été interdits aux sionistes, c’est à dire aux ju
Ce 8 Août 2014, un mois après le début du conflit, le conflit entre Israël et le Hamas a fait 1843 morts du côté palestinien, et 66 du côté israélien. Voilà pour la vérité factuelle.
A présent, je vais être de mauvaise foi. De très mauvaise foi. Je vais considérer qu’il n’ y a pas eu de conflit entre Israël et le Hamas.
Je vais oublier, quelques instants, l’existence même du conflit, les morts, les blessés, les raids aériens, les roquettes…rien de tout cela ne s’est passé. Rien…
Mais si rien ne s’est passé entre Israël et le Hamas du 8 Juillet au 8 Août 2014 , alors que s’est-il passé ?
Y’a t-il eu d’autres guerres, d’autres morts, d’autres drames humains . Avez-vous suivi l’actualité ? Ou plutôt est ce que l’actualité est arrivée jusqu’à vous ? Bénéficiez-vous d’une grille de lecture suffisamment large et précise sur ces 30 jours ? Non ?
En effet, à part la coupe du monde de Football au Brésil, il y a fort à parier que rares soient ceux d’entre nous capables de pouvoir se souvenir d’autres choses que des images de Gaza ou de ce qui tourne autour. Une sorte d’amnésie collective et sélective s’est emparée de chacun de nous, et je sens que vous êtes perturbé par ce constat. Vous avez beau vous concentrer, chercher, réfléchir. Rien…, juste le néant.
Rassurez-vous j’ai fait ce travail pour vous. Cela a été très fastidieux et très long, mais j’ai décortiqué, fouillé, analysé l’information. J’ai été recueillir l’ensemble des sources , quelque soit la distance qui les séparaient de moi. Après presque 24 heures de collecte j’ai pu établir une comptabilité froide des victimes (de pays en conflit ou en instabilité politique) durant la période du 8/07/2014 au 08/08 2014 :
Force est de constater, que pendant que vos yeux étaient rivés sur Israël et Gaza, le monde a continué de compter ses morts, ses blessés,seexactions, persécutions, tueries, massacres…
Je n’ai pas dressé ici l’ensemble des causes de décès de chaque victime recensée mais entre conflits, répressions, affrontements ou attentats, le monde a connu le pire, avec ou sans Gaza.
A présent, et afin de compléter ma démarche, sur cette comptabilité morbide, il me fallait comprendre les motivations. Je me suis donc intéressé à la géopolitique des conflits, ce qui a donné le constat suivant :
1. Afghanistan : Insurrection islamique djihadiste (Talibans , Al-Qaïda et autres groupes djihadistes islamistes armés)
2. Pakistan : Insurrection islamique (Talibans, Al-Qaïda)
3. Iran : Répression du pouvoir en place (chiite) avec l’aide du Hezbollah, contre le peuple.
4. Irak : Insurrection islamique sunnite contre le pouvoir en place et la population (chiite) (Hamas en Irak, Armée Irakienne libre, l’EEIL (Etat Islamique en Irak et au Levant…) lié à Al-Qaïda.
5. Syrie : Guerre civile entre le pouvoir allaouite soutenu par le Hezbollah chiite contre le Front Islamique (sunnite salafiste), et l’EEIL. L’ALS (Armée de Libération Syrienne) n’est plus majoritaire.
6. Liban : Embrasement du pays depuis le soutien officiel du Hezbollah chiite au pouvoir syrien. Attaques de groupes sunnites salafistes.
7. Egypte : Attaques et attentats par des groupes islamistes pro-Hamas, en réaction au pouvoir militaire central en place qui a chassé les Frères Musulmans.
8. Lybie : Insurrection islamique provoquée par des groupes djihadistes
9. Soudan (Darfour) : Nettoyage ethnique du pouvoir en place, soutenu par les milices arabes Janjawids contre les tribus non arabophones noires-africaines.
10. Tunisie : Attentats et affrontements provoqués pour déstabiliser le pays par des groupes islamistes radicaux salafistes et notamment l’AQMI (Al-Qaïda au Maghreb Islamique, section tunisienne d’Al-Qaïda)
11. Algérie : Attentats et affrontements provoqués pour déstabiliser le pays par l’AQMI
12. Mali : Insurrection islamique de groupes armés salafistes et indépendantistes contre le pouvoir en place.
13. Nigéria : Insurrection islamique menée par Boko Haram (« l’Education occidentale est un péché »). Mouvement sunnite djihadiste salafiste visant à instaurer la Charia. Massacres et persécutions des chrétiens.
14. Cameroun : Extension de l’insurrection menée par Boko Haram dans le nord du pays : exactions, enlèvements…
15. République Centre-Africaine (RCA) : Affrontements initiés par les milices musulmanes Seleka. Représailles des groupes d’auto-défense chrétiens. Nettoyage ethniques dans les 2 camps contre les populations civiles chrétiennes et musulmanes.
16. Ouganda : Tentatives de déstabilisation du pays par le groupe islamiste somalien Al-Chabaab, lié à Al-Qaïda. Attentats au cœur de la capitale pendant la coupe du monde . 74 morts (acte le plus meurtrier depuis 12 ans en Afrique de l’Est)
17. Kenya : Extension des actions du groupe islamiste Al-Chabaab afin de se venger du pouvoir qui a soutenu la Somalie. Attentats terroristes spectaculaires dans un centre commercial, et une discothèque de la capitale .
18. Somalie : Insurrection islamique du groupe Al-Chabaab qui contrôle la moitié du pays.
19. Yemen : Insurrection islamique. Répression féroce du pouvoir en place. Crise sunnite /chiite.
20. Thaïlande : Insurrection islamique menée par des groupes islamistes djihadistes contre le pouvoir en place.
21. Philippines : Insurrection islamique menée aujourd’hui en partie par le groupe islamiste armé Abu-Sayyaf, proche d’Al-Qaïda. Massacre le 28 Juillet dernier de 21 musulmans dont 1 enfant qui se rendaient à l’Aïd.
22. Chine : Insurrection islamique du Mouvement islamique du Turkestan oriental, proche d’Al-Qaïda. Attentats en août 2014 au couteau : 100 morts .
23. Donbass : Conflit territorial entre l’Ukraine et la Russie.
24. Haut-Karabagh : Conflit territorial entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.
A l’appui des faits, force est de constater que sur 24 conflits en cours :
2 seulement sont liés à des conflits territoriaux.
2 sont liés à une répression étatique contre le peuple.
83% donc des conflits sont imputables à des insurrections menées par des groupes islamistes armés.
La carte qui se dessine est sans appel, et montre l’action extrêmement prononcée de mouvements musulmans insurrectionnels visant à établir la Charia dans une partie du monde, et cela de manière violente.
3ème étape de cette analyse, le regard de l’ensemble de ces conflits sur non plus 30 jours, mais sur toute leur période d’existence. Cette observation nous permet de connaître le nombre de victimes pour chacun d’entre eux :
Le constat est encore une fois sans appel, et ce à quoi il faut préciser que l’étude ne tient compte que des pays où des victimes ont étérecensées pendant la période étudiée. D’autres pays sont eux aussi en proie à des insurrections islamiques violentes: Inde, Comores, Maldives, Caucase, Russie, Tchéchénie, Birmanie, Turquie, Cachemire, Ethiopie…
Devant ce mouvement planétaire sans précédent, on peut se poser plusieurs questions, rhétoriques certes, mais des questions quand même . Pour cela réintégrons le conflit Israël-Hamas au sein même de notre analyse.
1. Jusqu’à quel point l’Occident peut fermer les yeux sur la nature même des motivations du Hamas, et penser encore aujourd’hui que celui-ci défend les intérêts des palestiniens, alors que le mouvement n’est qu’un prolongement d’une tendance djihadiste à l’échelle planétaire ?
2. Beaucoup ont qualifié l’intervention israélienne comme ayant au minimum provoqué un « crime contre l’humanité » au pire un « génocide », mais qu’en est t’il des situations décrites ci-dessus ? Pourquoi 80% des conflits en cours, dans lesquels interviennent des forces islamistes djihadistes ou des guerres entre sunnites et chiites n’émeuvent pas l’opinion publique, et encore moins les mêmes minorités musulmanes se sentant proches de leurs frères palestiniens ou les fronts de gauche unanimes à dénoncer les barbaries humaines ?
3. Pourquoi le camp de Yarmouk en Syrie où ne vivent plus que 20% des 150 000 réfugiés palestiniens , et où 2900 palestiniens ont été massacrés pendant la guerre n’a pas soulevé une once d’indignation des minorités musulmanes se sentant proches de leurs frères « palestiniens » ou les fronts de gauche unanimes à dénoncer les barbaries humaines ?
4. Pourquoi la fermeture des frontières aux réfugiés palestiniens de Syrie par la Jordanie, le Liban, l’Irak, laissant ses populations livrées au massacre, ne soulèvent pas l’indignation des minorités musulmanes se sentant proches de leurs frères « palestiniens » ou les fronts de gauche unanimes à dénoncer les barbaries humaines ?
5. Pourquoi y’a t’il un décalage aussi important entre le taux de préoccupation médiatique, politique et civil lié au conflit Israélo-Palestinien, et celui lié aux conflits insurrectionnels islamistes dans le monde entier ?
6. Pourquoi est-il si compliqué d’établir la comptabilité des victimes des insurrections islamistes dans le monde, alors que cette même comptabilité est tenue chaque jour concernant les victimes du conflit Israélo-palestinien ?
7. Pourquoi l’opinion publique et médiatique ne s’émeuvent que maintenant des persécutions exercées à l’encontre des minorités chrétiennes dans le monde, alors que celle-ci sont les plus persécutées parmi toutes depuis le début de ses insurrections islamistes ?
Au regard des questions légitimes que je me pose, et de celles que j’oublie très certainement, un fait reste avéré et vrai et incontestable.
Israël, a bel et bien perdu (encore) la bataille médiatique. Cet échec selon certains tient notamment à une victoire : celui d’avoir eu la capacité de se protéger grâce à un système hyper-moderne (Le Dôme de Fer), à qui chaque israélien, qu’il soit arabe ou juif doit sa vie. Sur ce raisonnement, on pourrait penser que les milliers de roquettes continuelles tombées sur le pays depuis le début des hostilités (sans parler de celles tirées en continu sur le Sud depuis 2001), aurait certainement permis si elle n’avaient pas été interceptées, provoquant ainsi des centaines ou milliers de morts, de faire bénéficier à Israël d’un positionnement plus positif de l’opinion internationale, publique et médiatique.
Je dis faux.
Bien qu’Israël ait communiqué sur son éthique, et montré des images d’opérations annulées au dernier moment.
Bien qu’Israël ait mené des interventions dont elle prenait soin quelques minutes avant, d’avertir les populations, afin que le moins de civils palestiniens ne meurent dans les raids aériens.
Bien que plusieurs journalistes de différents pays aient témoigné et diffusé les images prouvant que le Hamas envoient ses roquettes dans des zones d’habitations urbaines fortement peuplées, ou dans les foyers sensibles, se servant ainsi des populations civiles comme boucliers humains.
Bien que la BBC, et le New-York Times aient relayé le rapport du Haut commissaire des Nations unies aux droits de l’homme (OHCHR), dans lesquels la part des civils dans le décompte des victimes totales ait été fortement revu à la baisse et donc remis en question.
Bien que le Hamas ait pendant un mois montré qu’il pouvait attaquer n’importe ou et à n’importe quel moment sur n’importe quel endroit d’Israël, obligeant les populations civiles à vivre dans la psychose, impactant de fait de manière significative toute l’économie du pays.
Bien que l’intervention israélienne ait permis de détruire une trentaine de tunnels dont l’existence menaçait directement les populations israéliennes du Sud, et plus largement, Israël.
Bien que le Hamas soit reconnu par l’Occident comme mouvement terroriste….
… Quelque soit la position d’Israël, son droit de légitime défense, ou son attitude militaire, le jugement reste incontestablement disproportionné et la grille de lecture biaisée :
Ma dernière question en toute logique sera donc » Pourquoi » ?
Un article de Slate de décembre 2012 avait tenté de répondre à cette question : « Pourquoi les morts syriens passionnent moins que le conflit israélo-palestinien » ). Plusieurs facteurs sont évoqués par le média :
1. La capacité naturelle d’un drame, guerre ou catastrophe naturelle monopolise l’attention des médias occidentaux pendant environ 10 jours.
2. L’incapacité à pouvoir comprendre le conflit syrien avec la grille de lecture utilisée pour les révolution « Facebook » de la Tunisie et de l’Egypte. En effet le conflit en Syrie étant tellement complexe, du fait que les bons ne sont pas forcément que bons, et les méchants ne sont pas forcément que méchants.
3. La culpabilité ressentie à l’encontre de la colonisation, qui pousse les occidentaux à soutenir les populations faibles et aliénées
4. La culpabilité ressentie vis à vis de la Shoah et qui permet de ressentir un certain soulagement visant à exorciser la culpabilité du monde occidental.
Je rajouterai à ces 4 facteurs, le seul qui bien que souvent écarté ou déconsidéré, voire dénié manque : un seul que la plupart des politiques, médias, ou sociétés civiles n’osent réellement prononcer du bout des lèvres :
L’antisémitisme, facteur millénaire et redondant d’un monde qui va mal.
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