Le but d’un conflit n’est pas la violence,
mais la survie.
Quand celle-ci se joue au corps-à-corps, c’est moins la force brutale que la maitrise de soi et les moyens proportionnés qui sont mis en œuvre. En Israël, le combat relève d’un certain nombre de valeurs.
C’est l’expérience de la guerre et donc une nécessaire adaptabilité qui a enrichi les techniques israéliennes de combat à mains nues ou armées, inspirées du Krav Maga (combat rapproché en hébreu) mais aussi d’autres techniques d’art martial et de close combat : le Kapap-Lotar (corps-à-corps en hébreu) et le Hagana (défense en hébreu), mélange d’art martial, boxe anglaise, jiu-jitsu et lutte gréco-romaine. On y fait usage d’armes à feu, d’explosifs, de couteau ou du bâton, selon la tactique ‘’pieds-poings’’ dont l’essentiel se fait au sol.
Un ‘’dialogue’’ avec l’adversaire permet d’évaluer le danger qu’il représente et sa capacité de réaction. Visant ses points sensibles, physiques mais aussi psychologiques, le combat devient un art combiné de légitime défense et d’attaque qui utilise les armes naturelles du corps comme toutes celles à portée de main. Le but recherché est donc d’éliminer une menace en fonction de l’idée que l’on se fait d’elle. L’évaluation rapide de cette menace est déterminante pour répondre de manière adaptée. Il s’agit de prendre l’initiative, de contrôler l’assaut et de neutraliser le danger par un déplacement-avant, offensif mais limité (forward drive) qui ne cherche pas systématiquement à infliger le maximum de dégâts mais à contenir l’adversaire.
Le Krav Maga est sûrement la technique israélienne de combat la plus connue. Elle est utilisée par les unités d’élite de Tsahal et du Mossad et par d’autres forces de sécurité dans le monde, comme le GIGN et le RAID en France, mais aussi le FBI, le DEA (Drug Enforcement Administration) et le SWAT (Special Weapons and Tactics) aux Etats-Unis. Aussi bien pratiqué par les militaires que par les civils, les professionnels que les amateurs, les hommes que les femmes, le Krav Maga est couramment employé par l’armée française sous le nom de TIOR (Technique d’intervention opérationnelle rapprochée). C’est aussi le cas dans la Légion étrangère (revue Képi blanc n° 723, juillet 2010).
Cette technique de self-défense a été importée en France dans les années 1980 par Richard Douieb, lui-même formé par le père du Krav Maga, Imi Lichtenfeld.
Imrich (dit Imi) Lichtenfeld est un jeune juif né à Budapest. Il grandit à Bratislava (Slovaquie actuelle) auprès d’un père ancien acrobate de cirque et instructeur en chef de la police. Très sportif, il se distingue dès l’âge de 15-20 ans dans des compétitions de boxe et de lutte. Cumulant médailles et prix, il acquiert les premiers réflexes pour éviter les coups et les blessures, ce qui lui sert au quotidien dans les rixes de rue. Imi comprend que face à la violence anti-juive des années trente, des méthodes simples de mouvements adaptés et souples sont des ripostes graduées, alternant phases intenses de combat et récupération brève.
Les années qui suivent lui permettent d’améliorer ces principes de base. Fuyant les Nazis par le Danube, il arrive en 1942 en Palestine mandataire, entre dans la Haganah (armée juive) en 1944 puis dans Tsahal créé en 1948 (fusion de la Haganah avec deux autres groupes armés l’Irgoun et le Lehi) Il devient instructeur dans les unités d’élite de combat, perfectionne ses méthodes de lutte sans exclure une forme d’apprentissage sur soi : « N’essayez pas de prouver qui vous êtes » dit-il à ses élèves.
Il a formé près de 80 000 militaires hommes et 12 000 soldats femmes.
Retraité de l’armée en 1964, il adapte les techniques du Kra Maga à la vie civile. A Netanya, en 1972, il développe un centre de pratique destiné à tous avec un système de ceintures (blanche à noire) comme dans les autres arts martiaux. Imi Lichtenfeld est mort à l’âge de 87 ans.
Son premier groupe d’élèves était composé d’Elie Aviksar, Haim Zut et Raphi El Grissy devenus à leur tour des instructeurs de renom. En 1976, Elie Aviksar devient formateur à Tsahal puis crée en 1987, le KAMI (Israeli Krav Magen Association) reconnu par le ministère israélien de l’éducation.
Aujourd’hui, il existe une quinzaine d’organisations mondiales de Krav Maga. La plus importante, en nombre de pratiquants, est la Fédération européenne de Krav Maga (FEKM). Elle revendique environ 13 000 adhérents à travers 10 pays.
Chaque fédération développe son propre style avec, pour point commun, des techniques toujours plus sophistiquées et nouvelles qui ne nécessitent pas obligatoirement la force ni l’agressivité. N’exigeant pas de condition physique contraignante, elles restent généralement très faciles à acquérir. Seule compte la perception de ce qui nous entoure, laquelle évolue selon l’âge et l’expérience, la personnalité et la morphologie, les capacités de blocage, de déviation et d’esquive. Feinte, parade, gestion de la peur, du souffle et du stress, vitesse lente ou appuyée, tout doit permettre de donner le meilleur avec lucidité et assurance.
Car chaque situation de danger est spécifique et exige une réponse adaptée : obscurité, position assise ou debout, environnement familier ou inconnu, espace étroit ou en hauteur, un seul ou plusieurs agresseurs …
La préparation mentale est déterminante : dépasser ses émotions, exploiter ses propres échecs et difficultés, affiner sa détermination, sont des qualités utiles de dépassement de soi. Car gagner un combat, c’est d’abord se battre contre soi-même.
Comme tout art martial, le combat en Israël relève d’une éthique : le conflit est un pis-aller, un dernier recours. Il est conseillé de négocier avant d’agir (tout en se préparant au pire), de fuir ou de faire fuir pour éviter si possible le conflit, de s’engager uniquement pour se désengager. A tout moment, l’adversaire doit pouvoir sortir de la lutte et revenir au calme. Aucune agressivité gratuite n’est tolérée. Toute susceptibilité d’ego est strictement prohibée. Le respect de l’autre est déterminant.
No rule train real. La première qualité, on l’aura compris, est l’entrainement et l’habitude. Parce que le terrorisme et le violence évoluent en permanence, parce que les agressions parfois envahissent ou influencent notre vie et nos comportement sociaux, il serait vain d’ignorer le danger. Prendre conscience des menaces est souvent la meilleure façon d’éviter l’escalade.
Qui mieux que les Israéliens le savent.
Fuir la réalité est le pire des dangers.
Se préparer à tous les défis est une initiative sage
et parfois vitale.
Les jeunes sont de plus en plus attirés par ce type de combat défensif, et accessible, loin des performances virtuelles des jeux vidéo. Le cinéma est une bonne entrée en matière.
Dans des films comme « Taken » (L’enlèvement, 2008) et « Unknown » (Sans identité, 2011), l’acteur principal, Liam Neeson, pratique le Krav Maga. Qu’il incarne un ancien agent secret (Taken) ou un assassin (Unknown), on y voit un quinquagénaire et non un super héros qui vient à bout de ses assaillants de manière habile et non spectaculaire. Il se défait avec succès de toutes les situations imaginables.
En Israël, le sport de combat rime sans cesse avec sens des réalités et éducation.
Eli Leffler, 47 ans, ancien garde du corps pour célébrités, utilise le Hashita, autre méthode de combat et de survie qu’il a créée sur la base de l’improvisation et de la réactivité, non de la maitrise de techniques pointues. Il s’adresse au “combattant urbain” qui, sans paranoïa, se doit de gérer toutes les agressions intempestives de la vie quotidienne. Aujourd’hui le Hashita est enseigné dans cinq clubs pour enfants en Israël. Même les personnes âgées peuvent le pratiquer car « c’est le Hashita qui s’adapte à eux et non le contraire ! » (Haaretz, 21 juillet 2008).
Le Muay Thaï boxing est une discipline très bien représentée par des championnes israéliennes comme Sara Avraham, jeune fille qui étudie dans une école religieuse juive de Cisjordanie à Kiryat Arba. Sara est née en Inde dans une famille convertie au judaïsme en 2005 par un rabbin qui trouva la mort dans l’un des dix attentats islamistes de Mumbaï (2008, 166 morts). Traumatisée, la jeune fille a choisi ce sport pour garantir sa propre sécurité sans se douter qu’elle atteindrait le sommet mondial dans la catégorie des 60-63 kg. « C’est l’étude religieuse qui me permet d’avoir le sérieux, la rigueur et la mentalité d’un athlète, dit-elle avec fierté » (JN1 video et The Algemeiner, 6 juin 2013).
Le judaïsme est-il soluble dans le sport de combat et le sport de combat dans le judaïsme ?
« Absolument ! » nous dit Yaakov Lupolianski, 33 ans, père de cinq enfants, originaire de la Yeshiva de Nehalim (Centre d’Israël). Instructeur de Thaï boxing, Yaakov est rabbi le jour, coach le soir. Il pense que l’homme de religion doit s’intéresser à plein de choses pour honorer la Torah. Quels que soient les contextes, on est toujours confronté, avoue-t-il, aux mêmes exigences : se concentrer, travailler dur, suivre une discipline. « Prier c’est méditer, ce qui est une forme de contrôle de soi et de vie saine » (Ynet, 31 juillet 2013).
Le rabbi Yossi Eilfort encourage la pratique des arts martiaux dans sa communauté orthodoxe de Californie. Lui-même vient de gagner son premier match amateur au deuxième round ! (Haaretz, 15 janvier 2014).
En Israël, on sait évaluer les risques et les besoins dans un environnement hostile qui n’est jamais en reste pour inventer de nouvelles tentatives d’anéantissement.
Ce sont les mêmes valeurs de self-defense que Tsahal met en œuvre sur le front terrestre en ce moment même. User de forces dissuasives mais adaptées et humaines, ni disproportionnées ni gratuites, pour décourager l’agresseur d’aller trop loin. En cherchant à faire le moins de victimes possibles et des dégâts ciblés, les opérations militaires suivent et suivront toujours une même éthique de combat.
Jean-Paul Fhima
L’autodéfense,
une éthique de combat, par Jean-Paul Fhima
Le but d’un conflit n’est pas la violence, mais la survie.
Quand celle-ci se joue au corps-à-corps, c’est moins la force brutale que la maitrise de soi et les moyens proportionnés qui sont mis en œuvre. En Israël, le combat relève d’un certain nombre de valeurs.
C’est l’expérience de la guerre et donc une nécessaire adaptabilité qui a enrichi les techniques israéliennes de combat à mains nues ou armées, inspirées du Krav Maga (combat rapproché en hébreu) mais aussi d’autres techniques d’art martial et de close combat : le Kapap-Lotar (corps-à-corps en hébreu) et le Hagana (défense en hébreu), mélange d’art martial, boxe anglaise, jiu-jitsu et lutte gréco-romaine. On y fait usage d’armes à feu, d’explosifs, de couteau ou du bâton, selon la tactique ‘’pieds-poings’’ dont l’essentiel se fait au sol.
Techniques dites de « commando Krav Maga » (CKM).
Un ‘’dialogue’’ avec l’adversaire permet d’évaluer le danger qu’il représente et sa capacité de réaction. Visant ses points sensibles, physiques mais aussi psychologiques, le combat devient un art combiné de légitime défense et d’attaque qui utilise les armes naturelles du corps comme toutes celles à portée de main. Le but recherché est donc d’éliminer une menace en fonction de l’idée que l’on se fait d’elle. L’évaluation rapide de cette menace est déterminante pour répondre de manière adaptée. Il s’agit de prendre l’initiative, de contrôler l’assaut et de neutraliser le danger par un déplacement-avant, offensif mais limité (forward drive) qui ne cherche pas systématiquement à infliger le maximum de dégâts mais à contenir l’adversaire.
Le Krav Maga est sûrement la technique israélienne de combat la plus connue. Elle est utilisée par les unités d’élite de Tsahal et du Mossad et par d’autres forces de sécurité dans le monde, comme le GIGN et le RAID en France, mais aussi le FBI, le DEA (Drug Enforcement Administration) et le SWAT (Special Weapons and Tactics) aux Etats-Unis. Aussi bien pratiqué par les militaires que par les civils, les professionnels que les amateurs, les hommes que les femmes, le Krav Maga est couramment employé par l’armée française sous le nom de TIOR (Technique d’intervention opérationnelle rapprochée). C’est aussi le cas dans la Légion étrangère (revue Képi blanc n° 723, juillet 2010).
Cette technique de self-defense a été importée en France dans les années 1980 par Richard Douieb, lui-même formé par le père du Krav Maga, Imi Lichtenfeld.
Imi Lichtenfeld (1910-1998)
Imrich (dit Imi) Lichtenfeld est un jeune juif né à Budapest. Il grandit à Bratislava (Slovaquie actuelle) auprès d’un père ancien acrobate de cirque et instructeur en chef de la police. Très sportif, il se distingue dès l’âge de 15-20 ans dans des compétitions de boxe et de lutte. Cumulant médailles et prix, il acquiert les premiers réflexes pour éviter les coups et les blessures, ce qui lui sert au quotidien dans les rixes de rue. Imi comprend que face à la violence anti-juive des années trente, des méthodes simples de mouvements adaptés et souples sont des ripostes graduées, alternant phases intenses de combat et récupération brève.
Les années qui suivent lui permettent d’améliorer ces principes de base. Fuyant les Nazis par le Danube, il arrive en 1942 en Palestine mandataire, entre dans la Haganah (armée juive) en 1944 puis dans Tsahal créé en 1948 (fusion de la Haganah avec deux autres groupes armés l’Irgoun et le Lehi) Il devient instructeur dans les unités d’élite de combat, perfectionne ses méthodes de lutte sans exclure une forme d’apprentissage sur soi : « N’essayez pas de prouver qui vous êtes » dit-il à ses élèves.
Il a formé près de 80 000 militaires hommes et 12 000 soldats femmes.
Retraité de l’armée en 1964, il adapte les techniques du Kra Maga à la vie civile. A Netanya, en 1972, il développe un centre de pratique destiné à tous avec un système de ceintures (blanche à noire) comme dans les autres arts martiaux. Imi Lichtenfeld est mort à l’âge de 87 ans.
Son premier groupe d’élèves était composé d’Elie Aviksar, Haim Zut et Raphi El Grissy devenus à leur tour des instructeurs de renom. En 1976, Elie Aviksar devient formateur à Tsahal puis crée en 1987, le KAMI (Israeli Krav Magen Association) reconnu par le ministère israélien de l’éducation.
Aujourd’hui, il existe une quinzaine d’organisations mondiales de Krav Maga. La plus importante, en nombre de pratiquants, est la Fédération européenne de Krav Maga (FEKM). Elle revendique environ 13 000 adhérents à travers 10 pays.
Chaque fédération développe son propre style avec, pour point commun, des techniques toujours plus sophistiquées et nouvelles qui ne nécessitent pas obligatoirement la force ni l’agressivité. N’exigeant pas de condition physique contraignante, elles restent généralement très faciles à acquérir. Seule compte la perception de ce qui nous entoure, laquelle évolue selon l’âge et l’expérience, la personnalité et la morphologie, les capacités de blocage, de déviation et d’esquive. Feinte, parade, gestion de la peur, du souffle et du stress, vitesse lente ou appuyée, tout doit permettre de donner le meilleur avec lucidité et assurance.
Car chaque situation de danger est spécifique et exige une réponse adaptée : obscurité, position assise ou debout, environnement familier ou inconnu, espace étroit ou en hauteur, un seul ou plusieurs agresseurs …
La préparation mentale est déterminante : dépasser ses émotions, exploiter ses propres échecs et difficultés, affiner sa détermination, sont des qualités utiles de dépassement de soi. Car gagner un combat, c’est d’abord se battre contre soi-même.
Comme tout art martial, le combat en Israël relève d’une éthique : le conflit est un pis-aller, un dernier recours. Il est conseillé de négocier avant d’agir (tout en se préparant au pire), de fuir ou de faire fuir pour éviter si possible le conflit, de s’engager uniquement pour se désengager. A tout moment, l’adversaire doit pouvoir sortir de la lutte et revenir au calme. Aucune agressivité gratuite n’est tolérée. Toute susceptibilité d’ego est strictement prohibée. Le respect de l’autre est déterminant.
No rule train real. La première qualité, on l’aura compris, est l’entrainement et l’habitude. Parce que le terrorisme et le violence évoluent en permanence, parce que les agressions parfois envahissent ou influencent notre vie et nos comportement sociaux, il serait vain d’ignorer le danger. Prendre conscience des menaces est souvent la meilleure façon d’éviter l’escalade.
Qui mieux que les Israéliens le savent. Fuir la réalité est le pire des dangers. Se préparer à tous les défis
est une initiative sage et parfois vitale.
Le combat corps à corps est une forme d’égalité des sexes
Les jeunes sont de plus en plus attirés par ce type de combat défensif, et accessible, loin des performances virtuelles des jeux vidéo. Le cinéma est une bonne entrée en matière.
Dans des films comme « Taken » (L’enlèvement, 2008) et « Unknown » (Sans identité, 2011), l’acteur principal, Liam Neeson, pratique le Krav Maga. Qu’il incarne un ancien agent secret (Taken) ou un assassin (Unknown), on y voit un quinquagénaire et non un super héros qui vient à bout de ses assaillants de manière habile et non spectaculaire. Il se défait avec succès de toutes les situations imaginables.
En Israël, le sport de combat rime sans cesse avec sens des réalités et éducation.
Eli Leffler, 47 ans, ancien garde du corps pour célébrités, utilise le Hashita, autre méthode de combat et de survie qu’il a créée sur la base de l’improvisation et de la réactivité, non de la maitrise de techniques pointues. Il s’adresse au “combattant urbain” qui, sans paranoïa, se doit de gérer toutes les agressions intempestives de la vie quotidienne. Aujourd’hui le Hashita est enseigné dans cinq clubs pour enfants en Israël. Même les personnes âgées peuvent le pratiquer car « c’est le Hashita qui s’adapte à eux et non le contraire ! » (Haaretz, 21 juillet 2008).
Le Muay Thaï boxing est une discipline très bien représentée par des championnes israéliennes comme Sara Avraham, jeune fille qui étudie dans une école religieuse juive de Cisjordanie à Kiryat Arba. Sara est née en Inde dans une famille convertie au judaïsme en 2005 par un rabbin qui trouva la mort dans l’un des dix attentats islamistes de Mumbaï (2008, 166 morts). Traumatisée, la jeune fille a choisi ce sport pour garantir sa propre sécurité sans se douter qu’elle atteindrait le sommet mondial dans la catégorie des 60-63 kg. « C’est l’étude religieuse qui me permet d’avoir le sérieux, la rigueur et la mentalité d’un athlète, dit-elle avec fierté » (JN1 video et The Algemeiner, 6 juin 2013).
Le judaïsme est-il soluble dans le sport de combat et le sport de combat dans le judaïsme ?
« Absolument ! » nous dit Yaakov Lupolianski, 33 ans, père de cinq enfants, originaire de la Yeshiva de Nehalim (Centre d’Israël). Instructeur de Thaï boxing, Yaakov est rabbi le jour, coach le soir. Il pense que l’homme de religion doit s’intéresser à plein de choses pour honorer la Torah. Quels que soient les contextes, on est toujours confronté, avoue-t-il, aux mêmes exigences : se concentrer, travailler dur, suivre une discipline. « Prier c’est méditer, ce qui est une forme de contrôle de soi et de vie saine » (Ynet, 31 juillet 2013).
Le rabbi Yossi Eilfort encourage la pratique des arts martiaux dans sa communauté orthodoxe de Californie. Lui-même vient de gagner son premier match amateur au deuxième round ! (Haaretz, 15 janvier 2014).
En Israël, on sait évaluer les risques et les besoins dans un environnement hostile qui n’est jamais en reste pour inventer de nouvelles tentatives d’anéantissement.
Ce sont les mêmes valeurs de self-defense que Tsahal met en œuvre sur le front terrestre en ce moment même. User de forces dissuasives mais adaptées et humaines, ni disproportionnées ni gratuites, pour décourager l’agresseur d’aller trop loin. En cherchant à faire le moins de victimes possibles et des dégâts ciblés, les opérations militaires suivent et suivront toujours une même éthique de combat.
Jean-Paul Fhima
L’autodéfense,
une éthique de combat, par Jean-Paul Fhima
Le but d’un conflit n’est pas la violence, mais la survie.
Quand celle-ci se joue au corps-à-corps, c’est moins la force brutale que la maitrise de soi et les moyens proportionnés qui sont mis en œuvre. En Israël, le combat relève d’un certain nombre de valeurs.
C’est l’expérience de la guerre et donc une nécessaire adaptabilité qui a enrichi les techniques israéliennes de combat à mains nues ou armées, inspirées du Krav Maga (combat rapproché en hébreu) mais aussi d’autres techniques d’art martial et de close combat : le Kapap-Lotar (corps-à-corps en hébreu) et le Hagana (défense en hébreu), mélange d’art martial, boxe anglaise, jiu-jitsu et lutte gréco-romaine. On y fait usage d’armes à feu, d’explosifs, de couteau ou du bâton, selon la tactique ‘’pieds-poings’’ dont l’essentiel se fait au sol.
Techniques dites de « commando Krav Maga » (CKM).
Un ‘’dialogue’’ avec l’adversaire permet d’évaluer le danger qu’il représente et sa capacité de réaction. Visant ses points sensibles, physiques mais aussi psychologiques, le combat devient un art combiné de légitime défense et d’attaque qui utilise les armes naturelles du corps comme toutes celles à portée de main. Le but recherché est donc d’éliminer une menace en fonction de l’idée que l’on se fait d’elle. L’évaluation rapide de cette menace est déterminante pour répondre de manière adaptée. Il s’agit de prendre l’initiative, de contrôler l’assaut et de neutraliser le danger par un déplacement-avant, offensif mais limité (forward drive) qui ne cherche pas systématiquement à infliger le maximum de dégâts mais à contenir l’adversaire.
Le Krav Maga est sûrement la technique israélienne de combat la plus connue. Elle est utilisée par les unités d’élite de Tsahal et du Mossad et par d’autres forces de sécurité dans le monde, comme le GIGN et le RAID en France, mais aussi le FBI, le DEA (Drug Enforcement Administration) et le SWAT (Special Weapons and Tactics) aux Etats-Unis. Aussi bien pratiqué par les militaires que par les civils, les professionnels que les amateurs, les hommes que les femmes, le Krav Maga est couramment employé par l’armée française sous le nom de TIOR (Technique d’intervention opérationnelle rapprochée). C’est aussi le cas dans la Légion étrangère (revue Képi blanc n° 723, juillet 2010).
Cette technique de self-defense a été importée en France dans les années 1980 par Richard Douieb, lui-même formé par le père du Krav Maga, Imi Lichtenfeld.
Imi Lichtenfeld (1910-1998)
Imrich (dit Imi) Lichtenfeld est un jeune juif né à Budapest. Il grandit à Bratislava (Slovaquie actuelle) auprès d’un père ancien acrobate de cirque et instructeur en chef de la police. Très sportif, il se distingue dès l’âge de 15-20 ans dans des compétitions de boxe et de lutte. Cumulant médailles et prix, il acquiert les premiers réflexes pour éviter les coups et les blessures, ce qui lui sert au quotidien dans les rixes de rue. Imi comprend que face à la violence anti-juive des années trente, des méthodes simples de mouvements adaptés et souples sont des ripostes graduées, alternant phases intenses de combat et récupération brève.
Les années qui suivent lui permettent d’améliorer ces principes de base. Fuyant les Nazis par le Danube, il arrive en 1942 en Palestine mandataire, entre dans la Haganah (armée juive) en 1944 puis dans Tsahal créé en 1948 (fusion de la Haganah avec deux autres groupes armés l’Irgoun et le Lehi) Il devient instructeur dans les unités d’élite de combat, perfectionne ses méthodes de lutte sans exclure une forme d’apprentissage sur soi : « N’essayez pas de prouver qui vous êtes » dit-il à ses élèves.
Il a formé près de 80 000 militaires hommes et 12 000 soldats femmes.
Retraité de l’armée en 1964, il adapte les techniques du Kra Maga à la vie civile. A Netanya, en 1972, il développe un centre de pratique destiné à tous avec un système de ceintures (blanche à noire) comme dans les autres arts martiaux. Imi Lichtenfeld est mort à l’âge de 87 ans.
Son premier groupe d’élèves était composé d’Elie Aviksar, Haim Zut et Raphi El Grissy devenus à leur tour des instructeurs de renom. En 1976, Elie Aviksar devient formateur à Tsahal puis crée en 1987, le KAMI (Israeli Krav Magen Association) reconnu par le ministère israélien de l’éducation.
Aujourd’hui, il existe une quinzaine d’organisations mondiales de Krav Maga. La plus importante, en nombre de pratiquants, est la Fédération européenne de Krav Maga (FEKM). Elle revendique environ 13 000 adhérents à travers 10 pays.
Chaque fédération développe son propre style avec, pour point commun, des techniques toujours plus sophistiquées et nouvelles qui ne nécessitent pas obligatoirement la force ni l’agressivité. N’exigeant pas de condition physique contraignante, elles restent généralement très faciles à acquérir. Seule compte la perception de ce qui nous entoure, laquelle évolue selon l’âge et l’expérience, la personnalité et la morphologie, les capacités de blocage, de déviation et d’esquive. Feinte, parade, gestion de la peur, du souffle et du stress, vitesse lente ou appuyée, tout doit permettre de donner le meilleur avec lucidité et assurance.
Car chaque situation de danger est spécifique et exige une réponse adaptée : obscurité, position assise ou debout, environnement familier ou inconnu, espace étroit ou en hauteur, un seul ou plusieurs agresseurs …
La préparation mentale est déterminante : dépasser ses émotions, exploiter ses propres échecs et difficultés, affiner sa détermination, sont des qualités utiles de dépassement de soi. Car gagner un combat, c’est d’abord se battre contre soi-même.
Comme tout art martial, le combat en Israël relève d’une éthique : le conflit est un pis-aller, un dernier recours. Il est conseillé de négocier avant d’agir (tout en se préparant au pire), de fuir ou de faire fuir pour éviter si possible le conflit, de s’engager uniquement pour se désengager. A tout moment, l’adversaire doit pouvoir sortir de la lutte et revenir au calme. Aucune agressivité gratuite n’est tolérée. Toute susceptibilité d’ego est strictement prohibée. Le respect de l’autre est déterminant.
No rule train real. La première qualité, on l’aura compris, est l’entrainement et l’habitude. Parce que le terrorisme et le violence évoluent en permanence, parce que les agressions parfois envahissent ou influencent notre vie et nos comportement sociaux, il serait vain d’ignorer le danger. Prendre conscience des menaces est souvent la meilleure façon d’éviter l’escalade.
Qui mieux que les Israéliens le savent. Fuir la réalité est le pire des dangers. Se préparer à tous les défis
est une initiative sage et parfois vitale.
Le combat corps à corps est une forme d’égalité des sexes
Les jeunes sont de plus en plus attirés par ce type de combat défensif, et accessible, loin des performances virtuelles des jeux vidéo. Le cinéma est une bonne entrée en matière.
Dans des films comme « Taken » (L’enlèvement, 2008) et « Unknown » (Sans identité, 2011), l’acteur principal, Liam Neeson, pratique le Krav Maga. Qu’il incarne un ancien agent secret (Taken) ou un assassin (Unknown), on y voit un quinquagénaire et non un super héros qui vient à bout de ses assaillants de manière habile et non spectaculaire. Il se défait avec succès de toutes les situations imaginables.
En Israël, le sport de combat rime sans cesse avec sens des réalités et éducation.
Eli Leffler, 47 ans, ancien garde du corps pour célébrités, utilise le Hashita, autre méthode de combat et de survie qu’il a créée sur la base de l’improvisation et de la réactivité, non de la maitrise de techniques pointues. Il s’adresse au “combattant urbain” qui, sans paranoïa, se doit de gérer toutes les agressions intempestives de la vie quotidienne. Aujourd’hui le Hashita est enseigné dans cinq clubs pour enfants en Israël. Même les personnes âgées peuvent le pratiquer car « c’est le Hashita qui s’adapte à eux et non le contraire ! » (Haaretz, 21 juillet 2008).
Le Muay Thaï boxing est une discipline très bien représentée par des championnes israéliennes comme Sara Avraham, jeune fille qui étudie dans une école religieuse juive de Cisjordanie à Kiryat Arba. Sara est née en Inde dans une famille convertie au judaïsme en 2005 par un rabbin qui trouva la mort dans l’un des dix attentats islamistes de Mumbaï (2008, 166 morts). Traumatisée, la jeune fille a choisi ce sport pour garantir sa propre sécurité sans se douter qu’elle atteindrait le sommet mondial dans la catégorie des 60-63 kg. « C’est l’étude religieuse qui me permet d’avoir le sérieux, la rigueur et la mentalité d’un athlète, dit-elle avec fierté » (JN1 video et The Algemeiner, 6 juin 2013).
Le judaïsme est-il soluble dans le sport de combat et le sport de combat dans le judaïsme ?
« Absolument ! » nous dit Yaakov Lupolianski, 33 ans, père de cinq enfants, originaire de la Yeshiva de Nehalim (Centre d’Israël). Instructeur de Thaï boxing, Yaakov est rabbi le jour, coach le soir. Il pense que l’homme de religion doit s’intéresser à plein de choses pour honorer la Torah. Quels que soient les contextes, on est toujours confronté, avoue-t-il, aux mêmes exigences : se concentrer, travailler dur, suivre une discipline. « Prier c’est méditer, ce qui est une forme de contrôle de soi et de vie saine » (Ynet, 31 juillet 2013).
Le rabbi Yossi Eilfort encourage la pratique des arts martiaux dans sa communauté orthodoxe de Californie. Lui-même vient de gagner son premier match amateur au deuxième round ! (Haaretz, 15 janvier 2014).
En Israël, on sait évaluer les risques et les besoins dans un environnement hostile qui n’est jamais en reste pour inventer de nouvelles tentatives d’anéantissement.
Ce sont les mêmes valeurs de self-defense que Tsahal met en œuvre sur le front terrestre en ce moment même. User de forces dissuasives mais adaptées et humaines, ni disproportionnées ni gratuites, pour décourager l’agresseur d’aller trop loin. En cherchant à faire le moins de victimes possibles et des dégâts ciblés, les opérations militaires suivent et suivront toujours une même éthique de combat.
Jean-Paul Fhima
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