Réseaux et sites : une déferlante de commentaires haineux

Le conflit israélo-palestinien, mais aussi Christiane Taubira et l’Ukraine, déclenchent actuellement une déferlante sans précédent de commentaires haineux sur les sites des médias et les réseaux sociaux, que les modérateurs tentent de bloquer.
« Dès qu’on parle d’Israël, cela cristallise les passions, avec parfois jusqu’à 20.000 ou 30.000 commentaires sur un article, dont on ne laissera passer que 5% à 10% », souligne David Corchia, président de Concileo, l’une des principales sociétés de modération. « Sur Christiane Taubira (après la condamnation pour insulte raciste d’Anne-Sophie Leclère, ndlr), des 10.000 commentaires sur un article nous n’en avons publié que 500, alors qu’un article sur un sujet inoffensif ne génère que quelques centaines de commentaires ».

TAUX DE REJET : 90%

metimo155Aidés par des logiciels qui signalent des mots-clés suspects, les modérateurs filtrent les messages selon les critères légaux (interdiction des messages racistes, antisémites ou discriminatoires, des appels à la violence, de la pédopornographie) et les demandes de leurs clients. Décidant souvent en quelques secondes, ils bloquent généralement 25% à 40% des commentaires, mais sur le conflit israélo-palestinien le taux de rejet atteint 90% à 95%.
« Il y a trois fois plus de commentaires qu’à l’accoutumée, tous liés au conflit israélo-palestinien », dit Jérémie Mani, patron de Netino, leader du secteur, qui gère notamment les sites du Monde, d’Europe 1 et de France Télévisions. Ses 250 modérateurs, la plupart basés à Madagascar, traitent des dizaines de millions de messages par mois.
« Nous voyons des messages racistes ou antisémites, très violents, qui s’en prennent aussi aux gouvernants et aux médias, parfois en donnant les coordonnées de journalistes. Ce contenu nauséabond est particulier à ce conflit: la guerre en Syrie ne déclenche pas ce type de commentaires », souligne M. Mani.
« Côté propalestinien, des messages identiques sont postés sur des dizaines de sites. Côté pro-israélien, les messages sont moins nombreux mais plus organisés. Mais c’est un dialogue de sourds. Les internautes neutres généralement renvoient les deux camps dos à dos et sont très énervés de voir leurs espaces de dialogue trustés par ce sujet ».

 » LE PROBLÈME EST

QU’IL Y A TROP DE JUIFS « 

Les commentaires violents se propagent partout. « Sur un article consacré au Tour de France, au bout de quatre messages on parle de Gaza. J’ai vu sur un article sur la pêche au saumon un commentaire disant :  » +Arrêtez de parler de ça, le problème est qu’il y a trop de juifs+ », poursuit le patron de Netino.
Les articles des médias ne sont pas les seuls à susciter des messages violents: ils apparaissent aussi sur les pages Facebook des personnalités, où tout commentaire est automatiquement publié et ne peut être retiré qu’a posteriori.
Pour Concileo, qui emploie 15 modérateurs en France et une trentaine à Rabat, pour gérer entre autres les sites du Figaro, de TF1 et Libération, « le moindre fait divers génère des commentaires racistes, le sport aussi. Dès qu’on a su le prénom de la femme qui a poignardé l’institutrice à Albi — Rachida — ça s’est déchaîné », se souvient son patron David Corchia. « Nous guettons les associations de mots. Par exemple toute allusion à la Seconde Guerre mondiale est éliminée ».

C’EST LA FRANCE EN DIRECT

Même constat pour Pierre Duhau-Laurent, directeur marketing d’Atchik Services, société toulousaine qui gère le site de l’Élysée et ceux du Parisien, de RTL et le portail d’Orange, notamment avec une quarantaine de modérateurs en France. « Nous traitons 40 à 100 millions de messages par mois.
Nous voyons même en ce moment des propagandes organisées sur les réseaux sociaux, de nuit, surtout par Israël. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a acheté des tweets sponsorisés pour ses messages. Et la riposte du Hamas est tout aussi organisée ».
« Les appels au meurtre sont notre quotidien. C’est parfois dur psychologiquement pour nos modérateurs. C’est la France en direct. Mais une parole institutionnelle peut aider à éduquer et calmer », conclut-il.
Laurence Benhamou pour AFP
 

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