Un élu PS de Vaulx-en-Velin tient des propos antisémites : une gifle pour Manuel Valls
Un élu du Parti socialiste de Vaulx-en-Velin a tenu d’insupportables propos antisémites, et pour le moment, les socialistes de France sont silencieux. Cette situation est hallucinante, mais c’est pourtant une réalité.
Six mois après le combat mené par Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, contre Dieudonné, le PS ne dit pour le moment pas un mot sur le cas de l’adjoint au maire chargé des sports de Vaulx-en-Velin, Ahmed Chekhab. Cette affaire, aussi insupportable que sidérante, est une gifle pour Manuel Valls.
Les faits sont simples, et accablants.
Des propos dignes de Dieudonné et de Soral
Selon « Le Progrès de Lyon », il y un mois, « irrité par un courrier envoyé par le club d’athlétisme, le nouvel adjoint aux sports de Vaulx-en-Velin, Ahmed Chekhab (PS), a débarqué un soir d’entraînement pour donner libre cours à une colère et des propos indignes d’un élu. Dans un langage grossier et insultant, il revendique son statut d’adjoint pour intimider le dirigeant du club. Plus grave, très grave même : Ahmed Chekhab tient des propos à caractère antisémite ».
S’adressant au responsable du club en termes virulents, Ahmed Chekhab lui a lancé, mettant en cause un autre élu du conseil municipal de Vaulx-en-Velin :
« Tu préfères te faire niquer par un Zittoun, tu préfères te faire niquer par un juif, plutôt que te faire aider par quelqu’un qui te ressemble ? »
Des propos dignes de Dieudonné et de Soral, aussi glaçants qu’insupportables dans la bouche d’un élu de la République, de surcroit membre du Parti socialiste.
Depuis, l’adjoint aux sports, conscient qu’il s’était mis en fâcheuse posture, a tenté de minimiser le sens et la portée de ses propos en rédigeant une lettre d’excuse pour y présenter ses regrets. Cette missive est adressée à la fois au responsable du club et au conseiller municipal Philippe Zettoun, et elle reprend en guise d’argumentaire l’éternelle rengaine du fameux « Je est un autre » :
« Les mots que j’ai prononcés ne me ressemblent pas (…) Ils ne correspondent pas à mon engagement, à mon histoire personnelle et familiale. »
Aucune procédure disciplinaire engagée
Philippe Zettoun, sur son blog, estime que ces excuses relèvent de la facilité :
« Vos propos ne sont pas blessants que pour moi, M. Chekhab, ils le sont aussi pour nous tous, pour tous les Vaudais et les citoyens de ce pays qui refusent de voir se développer le racisme et l’antisémitisme, et aussi pour la République, une et indivisible, que vos propos sont venus bafouer. Vos propos méritent, vous le comprendrez, une réponse bien plus importante que ces quelques mots d’excuses envoyés, non pas juste après cette ‘colère’, mais cinq semaines plus tard après son étalement dans la presse. Ils méritent bien d’avantage que cette lettre envoyée à la presse dans la tourmente médiatique et qui ressemble d’avantage à une opération de communication qu’à de sincères excuses. »
Et Philippe Zettoun de demander, dans la foulée, à Ahmed Chekhab de rendre « volontairement l’écharpe d’adjoint que la République vous a confié et que vous avez bafouée à travers vos propos racistes ».
Car aussi incroyable que cela puisse paraître, non seulement Ahmed Chekhab n’a pas démissionné, aucune procédure disciplinaire n’est engagée par le PS, mais il est en outre protégé et excusé par la maire socialiste de Vaulx-en-Velin, Hélène Geoffroy.
Confronté à la verve antisémite odieuse de son adjoint, celle-ci a en effet déclaré : « Ahmed Chekhab est un jeune élu sous pression, il est en train d’apprendre, il faut le temps qu’il apprenne ». La maire a simplement demandé à son adjoint « de présenter ses regrets et ses excuses » (ce qu’il a fait, mais ce qui est bien évidemment insuffisant).
L’antisémitisme n’est pas une « faute de jeunesse »
La position de la maire de Vaulx-en-Velin est insupportable et intenable. L’ancien maire communiste de la ville, Bernard Génin, qualifie même cette position de « pire » encore que le comportement écœurant » de l’adjoint. Et les réseaux sociaux commencent à s’émouvoir, à juste titre, de cette terrible affaire.
Le Parti socialiste est le parti dépositaire du legs de Léon Blum. Peut-on être socialiste, en 2014, et oublier que l’un des pires représentants de la droite antisémite de l’époque, le futur responsable de la politique anti-juive de Vichy, Xavier Vallat, lanca à Blum, du haut de la tribune de la Chambre des députés : « Pour la première fois, ce vieux pays gallo-romain sera gouverné par un juif ».
Peut-on être socialiste, en 2014, et oublier le mot de Maurras sur Blum : « C’est en tant que Juif qu’il faut voir, concevoir, entendre, combattre et abattre Blum ».
Ce qu’a dit Ahmed Cherkha procède et relève du même antisémitisme. Que s’est-il passé, ces dernières années, au sein du Parti socialiste, pour qu’un tel fait puisse survenir et surtout qu’il ne déclenche aucune réaction des responsables du parti, et ce à tous les niveaux, local, fédéral et national ?
L’antisémitisme n’est pas une « faute de jeunesse », qui serait excusée par la « pression » et le temps d’apprentissage de la fonction par un jeune élu. Si le PS n’est pas capable de s’assurer que ceux qu’il présente au suffrage universel ne sont pas dignes de l’héritage de Jaurès le dreyfusard, ou de Blum, cible des pires attaques antisémites, alors qu’est-il devenu ?
Que pensent de cette affaire tous les militants socialistes de France qui sont restés fidèles à l’enseignement de Jaurès et de Blum ? Peuvent-ils encore donner du « camarade » à celui qui dit : « Tu préfères te faire niquer par un juif, plutôt que te faire aider par quelqu’un qui te ressemble ? »
Une gifle pour la mémoire de Jaurès et de Blum
Défendre celui qui tient des propos antisémites, plaider la jeunesse, la pression et l’inexpérience, c’est plaider de fait la défense de Dieudonné, celui contre lequel Manuel Valls a mené le combat au nom de la lutte contre l’antisémitisme en janvier dernier (et continue de la mener), c’est excuser l’inacceptable.
Dès lors que l’on trouve un excuse à un propos ou un comportement antisémite, c’est l’antisémitisme qui a gagné. Cette protection par un maire socialiste d’une grande ville de France d’un élu ayant tenu des propos antisémites est une gifle.
Gifle pour la mémoire de Jaurès et de Blum. Gifle pour tous les militants socialistes, passés et présents, qui, depuis 1905, ont lutté, toujours et partout contre l’antisémitisme. Gifle pour l’actuel Premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis. Gifle enfin, pour Manuel Valls, inlassable adversaire de Dieudonné, et qui se retrouve aujourd’hui, dans les rangs même d’un parti dont il est membre, face à un élu qui dit et fait pire que Dieudonné.
Si les choses demeurent en l’état, si aucune sanction n’est prononcée, aucune exclusion du PS engagée, alors on peut déjà imaginer tout le profit que Dieudonné et ses semblables vont tirer de cette affaire.
Attendez-vous à voir l’ancien humoriste proclamer sur toutes les scènes de France et/ou dans sa prochaine vidéo virale sur le net : « Même le PS glisse une quenelle à Manuel Valls… Rhooo… Tu la sens bien Manuel ? »
On parie ?
Par Bruno Roger-Petit
Chroniqueur politique
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