La cuisine du shabbat en 30 minutes
par Laurence Orah Phitoussi.
Aux Éditions Chêne, 2014.
Voilà une promesse qui va en faire rêver plus d’une… et qui, à la finale, fera saliver tout le monde. « La Cuisine du Shabbat en 30 minutes », livre de Laurence Orah Phitoussi a tout bon : c’est un bel ouvrage, on y apprend plein de choses, et il est bourré d’astuces pratiques et surtout de bonnes recettes pour s’organiser et offrir un Shabbat digne de ce nom sans passer sa vie en cuisine.
Tribune Juive Info-Préparer un repas de Shabbat en trente minutes, c’est une provocation ?
L.OP : Ce livre est le résultat de mon propre vécu. Pendant des années, étant donné mon emploi du temps toujours très chargé, je faisais appel à un très bon traiteur pour mes Shabbats, et j’ai réalisé un jour que la vraie mitsva du shabbat, c’est cuisiner soi-même pour partager. On y met tout ce que l’on ressent. Mais les femmes qui le pratiquent doivent s’y prendre souvent dès le mercredi : on y pense, on commence par faire les menus, le jeudi on fait les courses, le jeudi soir ou le vendredi matin, on est en cuisine, alors quand on travaille… Vendredi et samedi, vous êtes dans le Shabbat et le dimanche, vous mangez les restes du Shabbat ! Donc, ça fait presque six jours dédiés, de près ou de loin, au Shabbat !
J’ai aussi voulu dire, dans la première partie, ce que c’était pour moi préparer Shabbat : une belle maison, une jolie table, des bougies, de la joie, de la famille, des amis, tout ça autour de la table car malgré tout, c’est encore mieux quand c’est bon ! Et quand on cuisine à plusieurs, c’est encore mieux. A un moment, il faut prendre son temps et partager.
Alors j’ai commencé par récupérer toutes les recettes glanées ici et là auprès d’amies, écrites le plus souvent à la va-vite sur des bouts de papiers épars, des recettes rapides et simples. Ce livre, c’est beaucoup de souvenirs, du vécu et du partage.
Je l’ai voulu simple. Il est à la fois moderne, on y trouve les bonnes adresses, des blogs et des applications utiles, mais c’est aussi une cuisine du placard qui va à chacun car s’il faut cinquante ingrédients pour réaliser une recette, on passe à autre chose. Mes recettes sont très courtes et simples. Chacun peut ajuster ensuite en fonction de ses goûts, en y ajoutant plus d’herbes ou plus d’épices. On n’invente rien en cuisine, on s’approprie, on réinvente sans cesse. Toutes les recettes ont été testées au préalable.
TJI : Vous mélangez la cuisine ashkénaze et la cuisine sépharade… deux mondes pourtant…
LOP : Oui, mais c’est aussi le reflet de notre société. Tout cohabite, et les Ashkénazes avec les Sépharades. Nous vivons à Paris, une ville de mélanges et c’est encore autre chose en Israël ! Les contributions diverses qui font ce livre viennent de France, de tout le pourtour méditerranéen, d’Europe de l’Est et même d’Afrique.
Il y a par exemple une recette tunisienne qui me vient d’une amie et que je trouve excellente : elle se fait avec des boulettes de matza qui ne sont guère différentes des kneidler typiquement ashkénazes.
Et puis pour avoir grandi dans des communautés différentes, j’ai aussi essayé de rendre à chacune ce qui était important pour elle. C’était ma façon de leur rendre hommage. Il n’y a pas de Shabbat sans kemia ou sans boukha pour un Tunisien et c’est différent pour un Algérien. Chacun son kiff ! Ce sont des moments d’enfance partagée, des souvenirs, un métissage culturel qui s’est inscrit dans ma culture. C’est le livre d’un héritage culinaire.
TJI : Faire Shabbat, c’est un moment rituel important dans la vie d’une famille juive, une célébration religieuse, un instant de prières, de recueillement avant d’être une fête gastronomique.. Quelle est la vraie place de la cuisine ?
LOP : Shabbat est la fête la plus associée à la table. Sur ces vingt-cinq heures, on a trois repas et il n’y a pas une autre fête où l’on ait trois repas et où les trois repas sont importants. Entre ces trois repas, que fait-on ? On va prier, à l’extérieur ou chez soi, on se recueille, on se retrouve, on a du temps pour soi et pour les autres, on n’a pas de téléphone, on n’est pas sollicité par le monde extérieur de la même façon qu’en semaine, on peut lire, étudier… Je crois que c’est très important aujourd’hui dans cette société d’avoir cette parenthèse de fracture du temps. Cette quiétude du Shabbat est comme un moment de méditation qui permet de se ressourcer.
TJI : Mais ce livre ne s’adresse pas seulement à des Juifs…
LOP : Il s’adresse effectivement à tout public. C’est un livre de cuisine mais pas seulement. Les tajines, le poulet aux oignons, le magret de canard, tout le monde en mange, ça parle à tout le monde. Mais c’est aussi un livre de découverte sur un moment privilégié d’une autre religion, d’une autre culture.
TJI : Ce livre a changé votre perception du Shabbat ? Vous le préparez toujours sur six jours ?
LOP : Je le prépare de plus en plus tard, je crois. Le judaïsme, c’est de la culture, de la religion, de la mémoire, de la transmission. En plus il y a autant d’avis que de Juifs, et donc de recettes qui évoluent au fil des générations alors vous imaginez ! J’ai fait aussi ce livre pour simplifier les préparatifs, pour qu’un plus grand nombre de femmes, mais aussi d’hommes parce qu’il s’adresse aussi aux hommes, fassent Shabbat. Si je permets à plus de gens d’avoir envie de ce partage, de mieux s’associer, de mieux comprendre, sans contrainte, alors j’en serai heureuse.
Propos recueillis par Brigitte Thévenot
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