Pour retrouver les trois adolescents israéliens kidnappés,
Tsahal investit méthodiquement
les villes palestiniennes de Cisjordanie,
comme au temps de la seconde Intifada.
Une opération complexe, menée jusqu’ici sans encombre. Pour combien de temps encore ?
Il y a deux façons d’analyser les efforts intenses conduits par l’armée israélienne pour tenter de retrouver la trace des jeunes Eyal, Gilad et Naftali. D’un coté, la détermination affichée sur le terrain confine à cette mission une dimension sacrée. En quelques heures, Tsahal a mobilisé des milliers d’hommes qui, jour et nuit, traquent le moindre indice pouvant mener à leur objectif dans un territoire à la fois dense et hostile, où il est difficile d’opérer. Des drones, ballons d’observation et un bouclage strict des zones de recherche, en zone palestinienne, complètent ce dispositif bien plus policier que militaire.
Il n’empêche, cette immense toile d’araignée tissée sur le terrain est aussi révélatrice d’un certain désarroi. En Cisjordanie, l’armée israélienne applique une stratégie d’étranglement qui, pour l’instant, peine à porter ses fruits. En traquant systématiquement tout Palestinien affilié de près ou de loin au Hamas, tout terroriste avéré ou potentiel, Tsahal espère resserrer l’étau autour des ravisseurs, les conduire à la faute en les contraignant à se manifester d’une façon ou d’une autre. Du coup, cette gigantesque chasse à l’homme d’abord menée dans et autour de Hébron – où vivent 600.000 Palestiniens – s’est élargie à d’autres secteurs de la Cisjordanie : Ramallah, ainsi que Jénine et Naplouse, deux anciennes places de la seconde Intifada.
Des progrès dans l’enquête
Ce travail de fourmi permet à l’enquête d’avancer. Aujourd’hui, l’identité des Palestiniens impliqués dans ce rapt est à priori connue. Leurs liens avec le Hamas sont établis, mais il ne semble pas exclus que ces derniers aient agi de leur propre chef, voire qu’un certain nombre d’entre eux puisse être lié à la mouvance salafiste. Autrement dit, bien que soutenu et encouragé par la direction du mouvement islamique palestinien, ce kidnapping n’a pas été directement commandité depuis Gaza. Une fois de plus, l’armée israélienne soupçonne les influences étrangères du Hamas, notamment en Turquie où réside Salah al-Arouri. Cet homme finance et entraine depuis de nombreuses années des cellules du Hamas dans le but d’enlever des Israéliens.
L’opération en cours présente aussi d’autres avantages : elle permet à l’armée, et indirectement aux services de sécurité intérieurs du Shabak, de collecter de précieuses informations sur les activités du Hamas et d’autres factions palestiniennes dans la région. Même si le travail de renseignement mené au quotidien par les forces de sécurité israéliennes, via des informateurs et des systèmes d’écoute essentiellement, a permis de déjouer une quinzaine d’attentats et de tentatives d’enlèvement depuis le début de l’année, rien ne remplace les arrestations et interrogatoires de suspects, la saisie d’armes, de documents et parfois, la découverte de structures souterraines qui pourraient servir à cacher les trois jeunes otages israéliens.
Risque d’embrasement
Sur le terrain, les soldats israéliens donnent l’impression d’agir avec maitrise et sérénité. Aucun moyen lourd n’est engagé, les unités progressent le plus souvent à pied au cœur de quartiers palestiniens où leur présence est susceptible de provoquer à tout instant des incidents, du simple jet de pierre et de cocktails Molotov à des échanges de tirs. Le chef d’état-major de Tsahal, Benny Gantz, a prévenu que ses hommes menaient un travail de longue haleine et qu’ils n’avaient aucune limite de temps. En réalité, le début du jeûne du ramadan, au début du mois, risque de considérablement limiter la marge de manœuvres de l’armée.
httpv://youtu.be/yMhJmnFMIHg
Plusieurs scenarii sont redoutés par Tsahal. D’abord, un enlisement des opérations à même de provoquer une troisième intifada dont le spectre ne cesse de croître à chaque nouvelle incursion dans les territoires palestiniens. Une révolte que pourrait sonner le Hamas, traqué et affaibli en Cisjordanie, mais suffisamment populaire pour convaincre la jeunesse palestinienne et ses sympathisants de tomber en martyr contre l’«occupant israélien». Autre cas de figure envisage : une nouvelle escalade dans la bande de Gaza, alors que les tirs de roquettes visent le sud d’Israël sont ininterrompus depuis une semaine. Selon l’armée, ces attaques sont le fait du Jihad islamique. Mais il n’est pas exclu, en désespoir de cause, le Hamas se décide à entrer brutalement dans la bataille.
Maxime Perez
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