Haïm Korsia, élu dimanche grand rabbin de France,
c’est un choix d’ouverture pour le judaïsme orthodoxe
incarné par le Consistoire,
appelé à dialoguer davantage avec la société,
et à rassurer une communauté juive inquiète.
L’aumônier général des armées et ancien rabbin de Reims, âgé de 50 ans (bien 50), a battu Olivier Kaufmann, directeur de l’école rabbinique, par 131 – contre 97 – des voix de l’assemblée générale du Consistoire, composée de rabbins et surtout de laïcs représentant les communautés locales et régionales.
L’élection du chef religieux de la première communauté juive d’Europe (500.000 membres) intervenait dans un contexte très particulières après la démission de l’ancien Grand Rabbin.
Sans sortant, le scrutin a été disputé comme jamais : six rabbins y ont pris part, un désistement de dernière minute n’ayant pas été acté officiellement par le Consistoire.
« LA CONJUGAISON DE TOUTES LES TENDANCES »
Petit homme affable à la barbe taillée court, Haïm Korsia l’a emporté sans grande surprise, lui qui a acquis une fine connaissance de l’institution consistoriale à travers ses différents postes en province comme à Paris.
Le nouveau grand rabbin de France, élu pour sept ans, devra donner un nouvel élan au Consistoire central, mis en place en 1808 par Napoléon pour représenter les juifs de France, mais qui ne les fédère plus tous, loin de là : certains courants comme les massortis et les libéraux lui reprochent de s’être replié sur une trop stricte observance de la loi juive (la « halakha »).
Haïm Korsia a d’ailleurs fait campagne avec un profil de rabbin orthodoxe plus moderne que la plupart de ses concurrents, notamment sur la place des femmes, et redit après sa victoire sa volonté de « parler à l’ensemble de la société ».
« La pérennité du judaïsme en France passe par l’ouverture et la conjugaison de toutes les tendances, de toutes les énergies », a-t-il souligné dimanche devant la presse, au Palais des congrès à Paris.
« N’AYEZ PAS PEUR ! »
« Quand on voit le nombre de personnes qui partent en Israël, qui font l’+aliyah+ et font diminuer d’autant la communauté… Il faut impérativement qu’on aille chercher les déçus, ceux qui ne trouvent pas leur place dans les
synagogues », a ajouté le nouveau grand rabbin de France.
« La question de l’ouverture est la base même de la vie d’une synagogue. On ne peut pas fermer les portes des synagogues, il faut les ouvrir ».
Haïm Korsia a estimé que son « premier défi » serait de « restaurer la confiance dans l’institution » consistoriale et « dans la France », beaucoup de juifs se posant selon lui « des questions » face à une certaine « indifférence » de leurs concitoyens après des actes antisémites.
« Après Carpentras (le cimetière juif profané en 1990, NDLR), il y a eu un million de personnes dans les rues ; après Toulouse et Bruxelles, il y en a eu beaucoup moins, comme si finalement on nous rejetait la propre responsabilité de ce que nous subissons. C’est quelque chose de terrible. Il faut impérativement retisser des ponts, retravailler sur le dialogue inter religieux, poursuivre les efforts que le Consistoire mène depuis de longues années », a fait valoir Haïm Korsia.
« RETROUVEZ DU BONHEUR »
Le nouveau grand rabbin de France a surtout souhaité « redire à la communauté juive de France » : « N’ayez pas peur, ayez confiance, retrouvez du bonheur à vivre ce que vous êtes, vous en avez besoin, et la France a besoin
que vous soyez heureux ».
Haïm Korsia devra cependant partager le pouvoir à la tête du judaïsme consistorial avec un laïc, Joël Mergui, homme fort de l’institution depuis 2008, qui cumule la présidence du Consistoire central et celle du Consistoire
de Paris, et dont le nouvel élu n’était pas forcément le candidat préféré.
La vie de ce nouvel exécutif à deux têtes a commencé sans répit : à peine l’élection proclamée, les deux hommes sont partis effectuer un premier déplacement en province, pour les 150 ans de la grande synagogue de Lyon, ville de naissance du nouveau grand rabbin.
Benoit Fauchet pour AFP
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