Pour Israël, un enlèvement a une dimension stratégique, bien plus qu’un attentat aussi meurtrier soit-il. D’abord en raison des risques d’explosion sur d’autres fronts. Par ailleurs, l’apologie de la vie fait la force du peuple juif, mais aussi sa faiblesse que les ennemis d’Israël savent exploiter avec brio. Comme un guet-apens cauchemardesque, comme un piège kafkaïen. Katy Bisraor nous explique comment l’absurdité et les dilemmes de l’affaire Shalit, interpellent de nouveau Israël.
D’abord pardon pour le cynisme. Mais chacun sait très bien, que si jeudi soir, trois jeunes israéliens faisant de l’auto-stop avaient été victimes d’un attentat et tués ignoblement, Israël aurait été certes plongé dans le deuil. Les journaux, barrés de noir, auraient écrit de longs articles douloureux sur trois destins brisés. Les relations israélo-palestiniennes se seraient encore un peu plus crispées. Tsahal aurait mené des opérations de représailles contre les nids de la terreur islamique à Hébron, fief du radicalisme salafiste. L’armée de l’air aurait effectué des raids contre Gaza. Le sud d’Israël aurait essuyé quelques dizaines de tirs de roquettes. Puis au bout de quelques jours, l’attentat odieux aurait disparu dans la routine monstrueuse du deuil et des infamies qui accompagnent Israël depuis sa création.
UNE AFFAIRE
POTENTIELLEMENT EXPLOSIVE
Tout différent est l’évènement auquel Israël fait face depuis quelques jours. L’enlèvement des trois jeunes israéliens a une portée à dimension stratégique. Une crise majeure, dont les conséquences pourraient être multiples et complexes sur les équilibres de la région. En juillet 2006, la seconde guerre du Liban a éclaté en réaction à l’enlèvement par le Hizboulah des deux soldats israéliens Goldvasser et Reguev. ”Nous sommes face à une affaire potentiellement explosive” (dimanche 15 juin). Benny Gantz, le chef d’Etat-major sait de quoi il parle. Cet enlèvement peut déboucher sur une dégradation sécuritaire sur les autres fronts. C’est d’ailleurs pour cela, qu’après l’enlèvement de Shalit, discrètement, les soldats des unités d’élite avaient suivi une formation sur ”la mort, préférable à la captivité…”
Le choix du kidnapping par les organisations terroristes palestiniennes n’est pas un hasard. Pour eux, l’enlèvement est l’arme terroriste la plus attractive. Bien plus qu’un attentat aussi meurtrier soit-il. Selon les données révélées dimanche dernier par le porte-parole de Tsahal, 49 tentatives d’enlèvements (!) ont été déjoués par les forces de sécurité israéliennes depuis quelques mois.
Attractifs pour deux raisons. D’abord parce que le rapt d’un israélien est de leur point de vue, synonyme de libération de prisonniers et donc de soutien de la rue palestinienne au Hamas. Actions, très populaires auprès du public palestinien, au sein duquel rares sont les familles qui n’ont pas un proche ou un ami dans une prison israélienne. Les palestiniens savent très bien qu’au-delà du non catégorique d’Avigdor Libermann à un nouvel accord d’échange, les précédents prouvent exactement le contraire.
UN GUET-APENS
CAUCHEMARDESQUE
L’arme du kidnapping est aussi attractive car les palestiniens connaissent la psychologie du peuple juif. Nous sommes loin ici de la manière dont la presse américaine ou française traite l’enlèvement d’un de leurs concitoyens. La couverture est ici émotionnelle, passionnel, presque obsessive. Lorsque trois jeunes sont en danger, tout Israël, et la Diaspora, se mobilise, prie, pleure et espère. En quelques heures, Gil-Ad Shaer, Naftali Frankel et Eyal Ifrah sont devenus les enfants, les frères, les amis de chaque israélien. La puissance de l’union, du tous pour un, l’apologie de la vie fait la force du peuple juif, mais aussi sa faiblesse que les ennemis d’Israël savent exploiter avec brio. Comme un guet-apens cauchemardesque, comme un piège kafkaïen. Ces terroristes disent à Benjamin Netanyaou, à chaque officier, à chaque député, à chaque citoyen: nous les avons kidnappés, leur vie dépend maintenant de vous et de vous seuls.
Cette rhétorique omniprésente a accompagné le quotidien d’Israël pendant les cinq ans de captivité de Guilad Shalit. Aujourd’hui, l’absurdité de ces dilemmes, peut être inévitable dans le contexte géo-politique, interpelle de nouveau Israël.
Katy Bisraor Ayache
www.endirectdejerusalem.com
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