Coupe du monde : la fête ou le chaos ?

Ça y est, nous y sommes !

A partir de ce soir et jusqu’au 13 juillet,

la XXème Coupe du monde

revient accomplir son pèlerinage

dans la Mecque du football, le Brésil.

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Souhaitée par tous comme la plus belle chose qui puisse s’imaginer en termes de ballon rond, elle démarre pourtant dans une drôle d’ambiance, entre soupçons de corruption au sein des plus hautes instances de la FIFA et mouvements sociaux en terre auriverde, tandis que l’équipe du pays organisateur, grandissime favorite, devra vaincre une pression démesurée autant que le fantôme du désastre de 1950.

Le Brésil sous pression… la FIFA aussi

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Michel Platini et Joseph Blatter

La première impression est mitigée. Ce qui devait être une fête sans nuance, une trêve magique dans un monde en crise, s’avance dans un ciel chargé de nuages menaçants. Le Brésil, éminent représentant des BRICS, ces pays en pleine mutation sur la route d’une très inégalitaire prospérité, peine à répondre aux aspirations de son peuple, tout autant qu’à se débarrasser d’une corruption endémique.
Les préparatifs du mondial en témoignent, entre stades inachevés et douteuse déperdition d’argent qui alimente la grogne d’un peuple au sein duquel les écarts de richesses ne cessent de se creuser. Dans ce contexte, les grèves à répétition qui affectent les transports, du métro aux aéroports, ainsi que les manifestations quotidiennes laissent augurer de quelques couacs et de potentielles crises de nerfs pour les nombreux visiteurs attendus. Pour qu’un pays, dont le football est élevé au rang de religion, tourne en partie le dos à son dieu de cuir, il faut que l’exaspération ait atteint un seuil qu’il nous est difficile de mesurer vu d’ici. Une chose est certaine en revanche, la pression qui pèse désormais sur les joueurs de Luis Felipe Scolari dépasse de loin le cadre du football. Si on peut imaginer qu’un sacre de la Seleçao le 13 juillet prochain flattera l’orgueil de la nation et en pansera provisoirement nombre de plaies, tout autre résultat risque de rapprocher le pays du chaos autant qu’il ravivera le cauchemar de la finale 1950 où le fier Brésil s’était vu terrassé sur ses terres par la laborieuse Uruguay de Ghiggia, Maspoli et Schiaffino.
Ironie du sort et des temps, la Celeste, demi-finaliste de la dernière édition et championne du continent sud-américain en titre, présente l’équipe la plus solide dont elle a pu disposer depuis son dernier sacre mondial. Avec les Cavani, Suarez, Forlan et autres Godin ou Pereira, elle s’avance sans complexe et pourrait bien faire bégayer l’Histoire. Nous n’en sommes pas là et le premier match des Brésiliens contre les très techniques Croates donnera le La de la destinée carioca dans ce mondial. Espérons seulement, à l’heure ou la FIFA est dans l’œil du cyclone après les attributions logiquement controversées des Coupes du Monde 2018 et 2022 à la Russie et au Qatar, que l’instance suprême du football ne se mêlera pas de faire respecter la logique des pronostics, dans une maladroite tentative d’assurer la paix sociale de Rio à Porto Alegre.
Là aussi, ce n’est que conjectures, mais la récurrence des doutes qui entourent un monde du football arrivé au paroxysme de sa « financiarisation », ne peut que conduire l’observateur à la prudence, même si un excès de pessimisme pourrait lui aussi alimenter l’échec, alors même que d’autres facteurs laissent augurer de la qualité de la fête, à commencer par la présence de l’intégralité des pays qui ont déjà remporté la compétition, à savoir, le Brésil, l’Uruguay, l’Italie, l’Argentine, l’Allemagne, l’Angleterre et, bien sûr, la France, sans oublier le multiple finaliste Néerlandais et la très prometteuse Belgique.

Une hécatombe et des promesses

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Franck Ribery forfait dans l’équipe de France

Si tous les favoris historiques, tout juste mentionnés, sont au rendez-vous, on ne peut que regretter l’absence de très nombreuses stars, ayant laissé leurs espoirs de Mondial sur les terrains d’une interminable (et passionnante) saison qui aura plus que jamais usé les organismes, ou qui n’ont pu qualifier leurs pays respectifs. Aux forfaits sur blessure des Français Ribery, Mandanda et Grenier, on peut ajouter ceux du Colombien Falcao, de l’Allemand Reus, de l’italien Montolivo, de l’Anglais Walcott, du Belge Benteke, des Hollandais Willems et surtout Strootman, ainsi que des espagnols Navas, Valdes et Alcantara. On doit aussi avoir une pensée pour des ténors tels Zlatan Ibrahimovic, Gareth Bale ou Robert Lewandowski qui n’ont pour seule faute commise de n’être pas nés dans un pays à même de jouer un vrai rôle sur la scène internationale. Ainsi, avec Ribery, Falcao, Bale, Ibrahimovic, Lewandowski, ce sont cinq des 15 premiers du classement du dernier Ballon d’Or qui manqueront à l’appel. Quant aux deux premiers, Lionel Messi et Cristiano Ronaldo, ils affichent un état de forme pouvant faire naître quelque interrogation. Le premier, bien que revenu en forme après une saison délicate (relativement seulement) inquiète par ses nausées récurrentes sur le terrain, tandis que le second revient tout juste de blessure. Qu’importe puisqu’il se trouvera toujours, parmi les 736 joueurs présents au Brésil, quelques-uns qui vont se révéler, parfois à revers de tous les pronostics et sauront enthousiasmer les foules. Parmi eux, on peut espérer les Français Benzema et Pogba, les Brésiliens Neymar et Oscar, le Belge Eden Hazard, l’Anglais Barkley, les colombiens Cuadrado et Rodriguez, les Croates Rakitic, Modric et Mandzukic (suspendu au premier match) et bien d’autres…

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Zlatan Ibrahimovic un grand absent

 Les deux premiers joueurs,

Lionel Messi

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Cristiano Ronaldo

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Du côté des favoris, hormis le Brésil, les interrogations sont légions, tant nombre d’équipes se valent sur le papier et affichent des états de forme similaires. Si le moment est venu de rappeler qu’aucune équipe non-continentale n’a jamais remporté un Mondial en terre d’Amérique (du sud, comme du nord ou du centre), il ne faut pas oublier que les statistiques et les certitudes sont faites pour être un jour ou l’autre déjouées, ce qui permet de garder dans le jeu plusieurs équipes européennes. Si les Pays-Bas, traditionnels animateurs des Coupe du Monde, paraissent cette fois-ci un peu en dedans, en dépit de la présence des stars Robben et Van Persie, leur voisin Belge et sa génération dorée pourraient jouer les troubles fêtes, en dépit d’un préjudiciable manque d’expérience. Du côté Italien, l’incertitude plane. Comme souvent la Squadra Azzurra , s’avance masquée, bien que sortant d’un brillant parcours en qualification. Côté Allemand, la révolution culturelle entamée il y a une quinzaine d’années et fondée sur le jeu a donné le jour à une génération exceptionnelle, mais cette mutation esthétique semble s’être partiellement opérée au détriment du sens viscéral de la gagne qui caractérisait ses devancières. Quant au tenant du titre espagnol, s’il fait encore figure d’épouvantail, il s’appuie sur une génération qui commence à accuser le poids des ans, à l’image de Xavi, Iniesta ou Casillas et pourrait avoir du mal à consentir les sacrifices physiques propres aux vainqueurs. Dans tous les cas, une victoire Ibère ferait rentrer cette équipe dans la légende au delà de toute mesure. Reste l’Angleterre, toujours aussi difficile à étalonner quand il s’agit de son équipe nationale, le Portugal qui dépendra, comme en qualification de la forme de sa superstar Ronaldo (néanmoins très bien entouré par les Moutihno, Carvalho, Nani et Meireles), et… la France.

Les bleus, doutes et espoirs

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En ce qui concerne les bleus, tous les espoirs comme tous les doutes sont permis. Privée de son meneur Franck Ribery, mais « drivée », en la personne de Didier Deschamps, par l’entraîneur au monde (avec Mourihno et Guardiola) qui a sans doute le plus aigu sens de la « gagne », l’équipe tricolore a entamé une réjouissante rédemption depuis sa victoire lors du match retour des barrages contre l’Ukraine. Elle produit un jeu alléchant et enthousiaste, orchestré par une jeunesse insouciante et (c’est nouveau) fière de son maillot et de son drapeau. Mais l’édifice nouvellement élevé reste des plus fragiles. Si le forfait de Franck Ribery permet de redistribuer les cartes des responsabilités, notamment au profit de Karim Benzema, et de donner les clefs du jeu à un Mathieu Valbuena jamais aussi en jambes que sous le maillot bleu, il constitue aussi une perte considérable d’expérience. En effet, seuls Evra, Lloris, Valbuena, Landreau et Sagna, ont une vague idée de la signification d’un Mondial, et encore, ils l’ont surtout vécu du fond d’un bus qui n’a jamais démarré.

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Photo officielle de l’équipe de France de Football
pour la Coupe du Monde 2014.

Dans un groupe qui n’a rien d’effrayant, mais peut, comme en 2002, constituer le piège parfait, les bleus auront tout intérêt a remporter largement leur premier match contre les rugueux joueurs du Honduras s’ils ne veulent pas avoir à puiser dans des ressources psychologiques dont on ignore encore s’ils les possèdent. Si tous les observateurs se sont effrayés de l’engagement des Honduriens en amical contre l’Angleterre la semaine dernière (0-0), il ne faut pas oublier non plus que cette équipe a été balayée par Israël, il y a tout juste quinze jours. Si Israël y est parvenu, nul doute que les hommes de Didier Deschamps en ont les moyens, tout comme de renverser la Suisse, bien que détentrice de l’une des meilleures générations de son histoire, et le modeste Équateur. S’ils parviennent à s’extirper de ce groupe qui n’a rien « de la mort », les bleus peuvent rêver de jouer leur chance dans la grande loterie des matchs à élimination directe. Jusqu’où ? Nul ne peut le dire, mais un quart de finale serait un objectif honorable pour une équipe qui se projette avant tout sur l’Euro 2016 qui se déroulera dans l ‘Hexagone. On ne boudera néanmoins pas notre plaisir si les hommes de Deschamps viennent déjouer les pronostics et s’approchent d’un Graal pourtant promis à l’Amérique du Sud. Car, outre le Brésil, les autres nations d’outre-atlantique s’avancent cette année avec de très sérieux arguments, à commencer par l’Uruguay déjà évoquée et l’Argentine et sa pléiade de stars évoluant dans le sillage de Lionel Messi. Mais il ne faut pas oublier la Colombie, même orpheline de Falcao, et sa jeunesse flamboyante, pas davantage que le Chili d’Alexis Sanchez et Arturo Vidal, la pépite de la Juventus de Turin.
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Qui va la remporter

Au final, derrière un Brésil ultra favori, les jeux sont plus que jamais ouverts, dans cette période où l’internationalisation croissante du football voit la majeure partie des pays progresser par l’envoi de leurs meilleurs joueurs dans les plus grands clubs européens.
Derrière cet enjeu sportif, reste à savoir ce qu’il en sera de l’évolution des questions politiques et financières qui ont plongé cet avant mondial dans une ambiance paradoxale.
En espérant que le jeu reprendra ses droits autant qu’il ouvrira les portes du rêve.
 Par Benjamin Altman
 

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