Merah, Breivik, Nemmouche: les loups et les meutes de la haine

Article de Caroline Fourest – Huffingtonpost.fr

Mohamed Mérah, Anders Breivik, Mehdi Nemmouche… L’Europe, sa démocratie, ses innocents, n’ont pas fini d’affronter les loups de la haine. Il suffit d’une arme et d’un salaud pour viser et tuer des êtres en pleine rue. Des jeunes socialistes lors d’un camp d’été en Norvège, des soldats musulmans en civil, des enfants juifs et leurs proches à Toulouse, des visiteurs israéliens et un réceptionniste kabyle au Musée juif de Bruxelles.

Caroline-Fourest
Caroline Fourest

J’entends déjà ceux qui ne veulent à aucun prix comparer les loups solitaires d’extrême droite aux loups islamistes. Rien ne ressemble pourtant plus à un homme qui tue par haine qu’un autre homme qui tue par haine.

Pas si seuls…

Au plan européen et du discours, les réservistes de la haine d’extrême droite sont plus nombreux. Mais il y a bien une différence. Les loups d’extrême droite comme Breivik ou l’homme qui a visé les journalistes de BFMTV comme Abdelhakim Dekhar sont des loups solitaires, qui s’auto-allument. Les loups islamistes, eux, sont téléguidés par une meute. Il y a bien plus de chances de les voir passer à l’acte en raison d’un cocktail mortel entre jihadisme et antisémitisme.
Le djihadisme a des camps et des filières. Il les nourrit, les entraîne, les équipe. L’antisémitisme leur dit qui tuer.
On se moque de savoir si ces loups-là ont eu des enfances difficiles, s’ils invoquent des causes géopolitiques comme la Palestine, ce sont des criminels. La question qui nous intéresse, c’est comment les désamorcer à temps.

Agir

Les familles des radicaux peuvent et doivent agir en priorité. En signalant lorsqu’un proche s’est radicalisé ou part en Syrie. Plusieurs l’ont fait grâce au numéro mis en place récemment par le ministère de l’intérieur.
L’école peut agir. Encore faut-il qu’on cesse ces campagnes pour nous expliquer qu’elle n’est pas là pour transmettre des valeurs de respect et d’égalité qui pourraient choquer les parents dans leurs convictions religieuses.
On peut aussi agir sur Internet. L’autorégulation, le refus des commentaires haineux, le signalement de toute incitation à la violence doivent devenir des réflexes d’internautes citoyens.

L’alternative à la prison-jihad

La prison est un lieu où il faut agir d’urgence. Elle transforme trop souvent de petits voyous en apprentis jihadistes. D’où l’importance de ne pas les gaver de petits délinquants pouvant purger des peines alternatives. N’en déplaise aux professionnels de la surenchère politicienne sur ces dossiers. Quand la case prison est nécessaire, il faut repenser ce passage obligatoire comme un sas de dé-fanatisation des esprits. La laïcité prévoit d’autoriser quiconque vit en vase clos à pratiquer son culte. Mais les aumôniers envoyés dans nos prisons ne sont pas assez formés ni assez armés moralement pour désamorcer les bombes humaines qui se fabriquent entre les barreaux. Il ne faut pas les laisser seuls. Imposer des cours de philosophie, de civisme. Transformer la prison en école de citoyenneté.
Et puis bien sûr, il y a la surveillance. Mérah aurait dû être mieux suivi, Nemmouche repéré dès son retour de Syrie. Qu’on mesure l’ampleur de la tâche. Plus de 700 jihadistes peuvent revenir de Syrie et plusieurs centaines sont déjà allées au Pakistan ou en Afghanistan. Là aussi, ne croyons pas les vendeurs d’illusions politiciennes. On ne peut pas se débarrasser du problème en transformant en apatride toute personne soupçonnée de radicalisation. Ni mettre un micro sur chaque personne passée par la case prison ou Syrie. Il faut se donner les moyens de bien évaluer et de désendoctriner tous ces revenants.
Des dizaines de tueurs sont arrêtés avant de passer à l’acte. Qu’il s’agisse de radicaux islamistes ou du militaire d’extrême droite qui voulait tirer sur une mosquée, arrêté à temps en août dernier. Ces réussites font moins de bruit que les échecs. Ce sont pourtant des réussites, et peut-être des vies épargnées.

Des actes aux discours

Il y a un autre moyen de retenir le bras des loups solitaires commes des meutes: de désarmer les discours qui les confortent dans leur haine. Je pense à ceux qui crient « l’islamophobie » dès qu’on met en garde contre l’islam radical. A ceux qui en profitent pour nier le racisme anti-arabes et parfois anti-musulmans. A ceux qui crient au « deux poids, deux mesures » quand des Juifs se font tuer en pleine rue… A ceux qui pointent à juste titre le danger du FN mais relativisent le danger Dieudonné, simplement parce que les cibles n’ont pas la même religion.
Cette meute qui aboie est presque aussi dangereuse qu’une meute de loups.
Et si on s’accordait pour répéter ensemble ces vérités simples: le racisme existe, mais le danger islamiste aussi, et l’antisémitisme est bien de retour, sous sa forme la plus virulente. Comme dans le passé, il peut unir tous les extrêmes. Comme lors du fameux congrès organisé en Belgique par Laurent Louis, quelques jours avant la tuerie de Bruxelles. Son parti, Debout les Belges, n’a recueilli que 3% des voix. Un score presque aussi ridicule que son ami Dieudonné aux européennes de 2009. Mais qui représente quand même quelques milliers de voix bien inquiétantes quand on sait l’alliance qui se noue derrière. D’excités proches de l’Action française comme Hervé Ryssen aux proches du Hezbollah comme Alain Soral, c’est bien la haine des juifs et un discours paranoïaque fascisant qui renaît.
Au lendemain de la tuerie de Bruxelles, Debout les Belges aurait pu faire profil bas. Pas du tout. Avant qu’on connaisse le profil du tueur présumé, Laurent Louis a osé écrire sur son blog que cet attentat était un « fake », un faux, une « prétendue tragédie ». Il a même rejoué l’éternel coup du complot sur le mode: « A qui profite le crime? ». À partir d’un argument ahurissant: il y a une photo des victimes. Or, d’habitude, il n’y a en a pas.
La logique des complotistes est imparable. Quand il n’y a pas de vidéo montrant un avion rentrant dans la façade du Pentagone le 11/09, c’est un complot du Mossad. Quand il y a des photos de juifs morts après avoir été tirés comme des lapins, c’est un complot… Juif? Décidément, le conspirationniste est le pire ennemi de l’homme. Et le meilleur ami du loup.
Caroline Fourest  – www.huffingtonpost.fr
http://www.huffingtonpost.fr/caroline-fourest/les-loups-et-les-meutes-de-la-haine_b_5442880.html?utm_hp_ref=tw

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