Regards croisés de jeunes Juifs de France
sur le débarquement de Normandie
La célébration du débarquement de Normandie :
qu’est-ce qu’en pensent
les jeunes de la communauté juive de France ?
Aujourd’hui la nation entière, voire une bonne partie de l’occident, célèbre les soixante-dix ans du débarquement de Normandie. Soixante-dix ans que l’on remercie les soldats des pays alliés d’avoir libéré notre pays de l’occupation nazie. Les derniers survivants du plus grand débarquement qu’a connu l’histoire seront présents tandis que les chefs des plus grands États du monde viendront sur les plages de Normandie rendre hommages aux valeureux soldats de 1944 qui ont payé de leur vie la libération de la France.
Tous ces soldats étaient jeunes, beaucoup d’entre eux ne reverront jamais leur pays tandis que d’autres trouveront en France leur future épouse au milieu des nombreux bals qui célébraient la Libération et ils en feront des citoyennes américaines.
Soixante-dix ans après, qu’en pensent les jeunes français de la communauté juive ? Se sentent-il redevables du peuple américain, et des alliés en général, d’avoir libéré de la barbarie nazie leur grands-parents ou leurs arrières-grands-parents ? Le 6 juin est-il une date importante pour eux ? En tant que jeune juif, pensent-ils que les américains et les alliés ont été les sauveurs des Juifs d’Europe ? Une chose est certaine, pour aucun d’entre eux, cette date n’est notée dans leur agenda ou rappelée par un bip tonitruant sur leur androïd.
On ne peut dire que les jeunes de manière générale se sentent concernés par cet événement international, mais en creusant un peu et en leur posant les bonnes questions, on se rend compte qu’ils ont des tas de choses à dire sur le sujet.
Pour Simon, 18 ans, « quand il y a un film sur cette période de la guerre, on en parle longuement avec mes parents et ils m’expliquent pleins de choses » tandis que son ami David considère que « Sans les States, les français auraient été mal ». Si Simon admet « ne pas être allé beaucoup à l’école » il avoue que les dates du débarquement sont des dates qu’il connaît et qui lui parlent.
Pour Sarah, 23 ans, ce sont des thématiques largement abordées à l’école même si pour elle, aujourd’hui, tout se mélange un peu dans sa tête et qu’elle ne se souvient pas exactement des péripéties du débarquement.
Jonathan et Nathan, tout deux âgés de 19 ans, se disent « concernés et redevables envers les alliés en tant que français mais pas en tant que Juifs ». Selon Nathan « Roosevelt a attendu longtemps avant d’intervenir alors qu’il connaissait l’existence des camps d’extermination ». Aucun d’entre eux ne considère l’intervention alliée comme une mission de sauvetage du peuple juif, bien que tous admettent que « l’on ne sait pas ce qu’il se serait passé s’il n’étaient pas intervenus ».
Eva et Paola appréhendent toute cette histoire avec leur regard de jeunes femmes d’aujourd’hui et considèrent que « On est plus redevables envers les Etats-Unis aujourd’hui. Tout ça c’est une façade. Les USA utilisent le débarquement pour justifier d’autres guerres au Moyen-Orient par exemple. Il se prennent tous pour des héros et veulent sauver la Terre entière pour avoir la main mise sur le Monde ».
Eva tient dans sa main ses fiches pour le bac et explique qu’elle en a plus de vingt seulement sur la période de 44 à 45, elle considère que cette période est largement abordée à l’école au détriment de d’autres épisodes de l’Histoire bien qu’il s’agisse d’une « date-clé dans l’histoire de France ». En tout cas cette année pour Sarah, « c’est plutôt le centenaire de la première guerre mondiale qu’on célèbre, on verra dans trente ans pour le débarquement ».
De tous les jeunes gens interrogés, aucun n’a manqué de préciser qu’il connaissait l’histoire du débarquement de Normandie et qu’il avait vu ou lu plein de choses à ce sujet. Chacun semble fier d’être né dans un pays qui a connu la Résistance mais pour la plupart d’entre eux, les alliés ont mis trop de temps à intervenir pour considérer les GI américains comme les héros des temps modernes ou comme les sauveurs des Juifs d’Europe, enfin comme l’a précisé Sarah « mieux vaut tard que jamais ».
Il est plutôt étonnant de constater que si les jeunes connaissent bien cette période de l’histoire, peu semblent sensibles aux hommages rendus aux soldats alliés, comme si tout ce qui s’était passé entre 44 et aujourd’hui avait balayé les traces de l’Histoire. Se souvenir, ne pas oublier et transmettre est un devoir de chaque instant.
Par Amandine Sroussi
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