Une nouvelle pièce de théâtre,
dont la première se tient jeudi à Amsterdam,
promet de mettre en lumière l’identité d’Anne Frank,
l’adolescente, pour la sortir de l’ombre d’Anne Frank,
victime la plus célèbre de l’Holocauste.
Sur scène, les mots du célèbre journal, l’un des ouvrages les plus lus au monde, reprennent vie dans la première pièce, selon les auteurs, adaptée des trois versions consécutives du journal, rédigé par l’adolescente à Amsterdam avant sa mort dans un camps de concentration en 1945.
“Nous avons voulu présenter la fille derrière le symbole”, assure Theu Boermans”Anne” : au théâtre d’Amsterdam, Anne Frank, le directeur artistique de la pièce, sobrement intitulée “Anne”: “tout le monde a sa propre image d’Anne, tout le monde projette des sentiments sur Anne, et la fille en elle-même disparaît”.
“J’ai essayé de la ramener sous les projecteurs, cette adolescente qui grandit et qui ressent tout une gamme d’émotions, ajoute-t-il”, évoquant les réflexions d’Anne dans son journal, qui fut retrouvé par une amie de la
famille après la guerre.
Le texte fut édité par son père, Otto Frank, unique survivant de la famille, avant d’être publié. Afin de protéger les siens, il retira notamment des passages trop intimes, des critiques émises par Anne, ou les signes de sa sexualité naissante.
Le journal a ensuite été traduit en plus de soixante langues et lu par des millions de personnes à travers le monde. Deux autres versions ont été publiées plus tard, le texte originel et la version retravaillée par Anne Frank elle-même.
Les auteurs se sont également inspirés des nouvelles écrites par l’adolescente, qui désirait par dessus tout être publiée, et des archives familiales, mises à leur disposition par la Fondation Anne Frank.
SES ENDROITS DE SOLITUDE
La pièce de théâtre ne raconte pas uniquement l’histoire tragique d’une famille obligée de se cacher des nazis mais le passage à l’âge adulte d’une jeune femme en devenir: “elle arrive dans l’Annexe en tant qu’adolescente, pleine de colère, superficielle, elle essaie de faire face à ses parents mais elle devient une personne qui comprend les luttes des autres, elle devient un écrivain”, assure Jessica Durlacher, qui a co-écrit le script.
Ce n’est pourtant pas facile d’adapter au théâtre un journal intime, plein de réflexions et de pensées, en une pièce de théâtre dynamique.
L’équipe, qui ne manque pas d’ambitions ni de moyens, a créé une scène tournante et l’a installée dans un nouveau théâtre, construit pour l’occasion dans le port d’Amsterdam, à quelques kilomètres de la maison d’Anne.
Chacune des pièces de l’Annexe et de la société familiale ont été reproduites de manière réaliste, afin de pouvoir suivre les mouvements des différents protagonistes: “je ne voulais pas être hyper réaliste mais montrer ce que cela signifie de vivre avec tant de gens dans aussi peu de mètres carrés”, explique M. Boermans.
Grâce à cette dynamique et aux techniques de cinéma utilisées, comme l’utilisation d’archives, le “public ressent un sentiment de claustrophobie”, assure M. Boermans. “Avec les toilettes, son journal est le seul endroit où elle pouvait être seule”.
L’OPPRESSION EST PRÉSENTE
Pour les acteurs, peu connus, l’oppression est également présente: “parfois, je me dis que je veux sortir, que je n’en peux plus d’être avec tous ces gens”, assure Chava voor in ‘t Holt, l’actrice qui joue Margot Frank, la sœur aînée d’Anne. “Mais ce n’est pas du tout comparable avec ce qu’ils ont dû supporter pendant deux ans”.
Anne est jouée par Rosa da Silva, une étudiante en dernière année à l’école de théâtre d’Amsterdam, d’origine portugaise.
Près de 70 ans après la mort d’Anne Frank, faire une pièce de théâtre de son histoire n’était pas superflu, estime M. Boermans: “pour les nouvelles générations, la Seconde guerre mondiale, c’est les films de Steven Spielberg. Je voulais les rapprocher encore plus près de ce qu’il c’est passé”.
Et il y aura toujours des raisons de raconter l’histoire d’Anne Frank, “si ce n’est à cause de la popularité ces derniers temps de sentiments de nationalisme et de xénophobie”, ajoute le directeur artistique.
Malgré le prix du ticket, 75 euros par personne, il espère que la pièce “trouvera son public”. A partir de juillet, la pièce pourra être vue en 6 langues grâce à une “technologie multilingue”.
MAUDE BRULARD pour AFP
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