Le 21 mars 2014, le rapporteur du Conseil des Droits de l’Homme (CDH) à l’ONU, Richard Falk, attaquait violemment la politique israélienne dans les territoires palestiniens. Les accusations de « nettoyage ethnique, apartheid, discrimination systématique, recours excessif à la force, punitions collectives, colonisation et persécutions diverses » ont été prononcées. Jamais une telle virulence n’avait été utilisée contre l’État d’Israël, seul pays inscrit à l’ordre du jour permanent du CDH et défouloir préféré de l’organisation des Nations Unies.
Le 28 mars, le même Conseil, constitué de 47 membres élus par l’assemblée générale et siégeant à Genève, a adopté, à une large majorité, cinq résolutions contre Israël.
Depuis deux ans, l’État hébreu s’est retiré de ce Conseil pour protester contre un acharnement qui vise à sa mise au ban des nations. Le ministre israélien des affaires étrangères, Avigdor Lieberman, a parlé d’un « organisme hypocrite qui n’a rien à voir avec les droits de l’homme. (…) Son parti pris et son manque d’objectivité sont évidents » (le Point, 26 mars 2012). Il y a quelques jours, Benyamin Netanyahu regrettait une nouvelle fois ces condamnations à répétition « au moment où le massacre se poursuit en Syrie, où des innocents sont pendus au Moyen-Orient, et où les droits de l’homme sont violés » (AFP, 30 mars 2014). La Ligue anti-diffamation (ADL) a dénoncé cette volonté de discréditer Israël et d’appeler au boycott.
Le rapport du CDH préconise, en effet, l’arrêt de toute activité commerciale avec les implantations israéliennes hors des frontières de 1967, ce qui revient à impliquer l’ONU dans l’Axe Durban-BDS (Tribune Juive, 10 mars 2014). Ce mouvement se distingue par un antisémitisme et un antisionisme récurrents qui remettent en question l’existence même de l’État juif, sous prétexte de défendre les droits de l’homme aux côtés des Palestiniens.
Les sites d’information pro-arabes se réjouissent naturellement d’un tel appel au boycott. On y parle de « mesures appropriées (pour) punir les autorités israéliennes (qui) tentent de judaïser la ville de Jérusalem et de se l’approprier (… alors que) les Palestiniens souffrent (à cause) d’un contrôle abusif et illégal des frontières » (Ajib.fr, 25 février 2014). « Dénoncer les crimes commis par Tel Aviv n’est pas de l’antisémitisme » (Oumma.com, 31 décembre 2012). Avancer cet argument est de « la malveillance » alors que l’ONU essaie d’être « objectif et honnête » (Hicham Hamza, ‘’journaliste indépendant’’ à Palestine Solidarité).
Dans la même veine, le journal l’Humanité accuse l’entreprise Dexia et son principal actionnaire, la France, d’investir dans les « colonies israéliennes d’Hébron et de Samarie » (Sebastien Crépel, 4 mars 2014). Le député PCF du Nord, Jean-Jacques Candelier, évoque une « complicité d’occupation».
Est-ce le rôle de l’ONU d’entrer dans les positionnements hostiles, les débats politiques tranchés et les polémiques contre-productives, alors même que cet organisme international est régulièrement suspecté « d’inégalité de traitement et de considération (…), de passivité aberrante et de corruption endémique » (Agoravox, 18 janvier 2006) ?
L’éminente organisation
est devenue l’instrument de pressions partisanes.
Ce qui pose la question de sa crédibilité.
En 2006, la journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien fut l’occasion pour l’ONU de présenter au cours d’une conférence, une carte erronée où l’État d’Israël était absent, puis de diffuser un film très engagé dans lequel était soutenue la solution d’un État unique, sans susciter la moindre remarque des hauts responsables internationaux présents.
Pour le spécialiste des relations internationales, Philippe Moreau Defarges, l’assemblée des Nations Unies est « dominée par les pays du Sud ». Elle échappe d’ailleurs au secrétaire général lui-même. Ban Ki-moon se disait, en 2007, « déçu » de l’emprise du dossier israélo-palestinien « malgré l’étendue et la portée de violation des droits de l’homme dans le monde entier ». Aveu d’impuissance ?
En décembre 2013, l’agence onusienne pour l’aide aux réfugiés palestiniens (UNRWA) dénonçait, en Cisjordanie, la démolition par Israël de maisons sans permis administratif. La même année, sur 26 résolutions onusiennes, 22 ont été prises contre Israël. Cette « promotion d’un récit unilatéral [montre] une hypocrisie, une sélectivité et une politisation stupéfiantes » (Hillel Neuer, président de l’ONG United Nations Watch).
Qui défend les droits de l’homme en Chine, à Cuba, en Russie, en Arabie saoudite, au Soudan du Sud ? Qui condamne les régimes répressifs et les massacres ? L’ONU se tait mais attaque sans répit la seule démocratie du Proche-Orient.
Ces positions polarisantes sont-elles constructives ? Cette obsessionnelle accusation d’Israël permet-elle d’avancer vers un accord de paix ? La stigmatisation perpétuelle est-elle un moyen d’y parvenir ? La nature même des griefs est-elle pertinente, alors que nombre d’observateurs trouvent ceux-ci disproportionnés, infondés et même grotesques ?
Absurdes, en effet, sont les termes utilisés par Richard Falk, le rapporteur onusien, dont la personnalité, sulfureuse et controversée, ne rend pas hommage au Conseil des Droits de l’Homme qu’il représente.
Ce professeur américain de droit international, diplômé de Harvard, s’est fait connaître par ses activités de militant et ses prises de position radicales. Il défend les attentats meurtriers anti-américains pendant la guerre du Vietnam, voit dans l’Ayatollah Khomeini le modèle d’une révolution populaire « non violente », soutient les thèses conspirationnistes à propos du 11-septembre, qualifie l’intervention militaire en Irak de guerre d’agression « passible d’un procès de Nuremberg », et approuve l’attentat du marathon de Boston.
Que penser de la lucidité d’un tel observateur et de la sagacité diplomatique de l’ONU qui l’a nommé ?
En 2001, Richard Falk est membre d’une commission d’enquête sur les territoires palestiniens aux côtés d’un certain John Dugard, ancien militant anti-apartheid. Soulignant dès lors les atrocités et la violation des droits des populations arabes placées sous l’autorité d’Israël, il n’a de cesse d’accuser l’Etat hébreu de tous les échecs d’accord de paix.
Le droit est toujours contre Israël,
Israël est toujours contre le droit.
En 2002, il parle d’une occupation israélienne « horrifiante », appelle la Seconde Intifada, « nouvelle forme de résistance ». En 2007, il dénonce des « opérations nazies », des « punitions collectives », un « holocauste », demande des sanctions économiques, et préconise une coopération avec le Hamas.
L’ONU applaudit, et en redemande.
Devenu, en mars 2008, rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme dans les territoires palestiniens, le forcené onusien réitère ses positions pour le moins agressives. Habitué des excès langagiers et des effets oratoires dont sont souvent friands les universitaires américains qui confondent leur amphithéâtre en salle de spectacle, Richard Falk (né en 1930) est un vieux briscard de la provocation. Obsédé par les références à la shoah dont il use et abuse sans grand discernement ni justification, ce juif repenti « qui a la haine de soi » (Richard Prasquier, ancien président du CRIF) est fréquemment dénoncé. L’israélien Yitzhak Levanon a regretté la curieuse façon des Nations Unies de collaborer avec son pays. John Bolton, pour les Etats-Unis, a parlé d’une erreur délibérée du grand siège new-yorkais.
En attendant, les condamnations calomnieuses de l’ONU continuent de pleuvoir.
En 2009, les frappes israéliennes sur Gaza ne seraient pas des représailles légitimes face aux tirs palestiniens incessants, mais des « crimes de guerre de grande ampleur » faisant fi des « mesures diplomatiques du Hamas pour rétablir un cessez le feu » (sic). Le CDH déplore qu’Israël « refuse de collaborer » et ne tienne pas compte de ses recommandations.
En décembre 2013, le rapporteur onusien évoque les « intentions génocidaires d’Israël envers les Palestiniens ». Le Canada et les États-Unis demandent la démission de Falk, condamnant des propos « scandaleux et abjects ». Maintes fois, le départ du vieil homme a été réclamé. Rien n’y fait. Manifestement protégé, Falk a toujours été maintenu dans ses hautes fonctions.
Sur la base exclusive d’un droit international auquel il devrait se conformer alors même qu’on lui refuse de s’en prévaloir, l’Etat hébreu est accusé sans relâche d’établir un système illégal de « lois différenciées », de « restrictions discriminatoires », d’« acquisition préférentielle de la citoyenneté ».
Israël n’aurait donc pas de légitimité, en droit, de contenir les menaces environnantes, en particulier la pression démographique. La paix, en somme, reviendrait à faire tôt ou tard de ce petit pays, équivalent à trois départements français, un Etat arabe comme les autres.
Implicitement, n’est-ce pas l’existence même
d’un foyer national juif qui pose problème à l’ONU ?
« L’antisionisme radical » est, selon Pierre-André Taguieff, une « hostilité systématique à Israël » doublée d’une « compassion exclusive pour les Palestiniens » (Dreuz.info, 11 avril 2014). Ce qui implique malheureusement la question du « rêve israélicide », autrement dit une adhésion aberrante aux pires thèses du Hamas pour lequel l’Etat-diable israélien doit être détruit, purement et simplement.
Car c’est bel et bien l’entité juive par elle-même qui serait une « occupation illégale » sur le territoire arabe du Proche-Orient. C’est l’Etat hébreu dans son ensemble qui serait une forme de colonisation digne de l’impérialisme européen d’autrefois. Bref, l’ONU (sans le savoir ?) est du côté d’un exclusivisme propalestinien qui veut à terme ‘’pousser les Juifs à la mer’’et nie, de facto, la viabilité de deux Etats. Les arguments tels que « revenir aux frontières de 1967 » ne sont que des prétextes et, au fond, des détails.
Falk est un virulent porte-parole de cette propagande antisioniste radicale dont le but est de transformer un peu plus chaque jour l’Etat juif en forteresse assiégée, puis en radeau de la Méduse.
Vivement interpellé il y a trois ans au sujet d’une caricature incitant à la haine antijuive postée sur le blog personnel de Richard Falk, Ban Ki-mon, nouvellement reconduit à la tête de l’ONU, a d’abord refusé de s’exprimer sur « une affaire privée », avec pour seule réponse : « Richard Falk parle indépendamment … il est libre de dire ce qu’il veut ». Alors même que ce dernier venait d’être condamné pour antisémitisme à deux reprises (en janvier et en juin 2011) par le premier ministre britannique, David Cameron.
Convaincu par le tollé général, la pression médiatique internationale et la remarquable action de UN Watch, le patron de l’ONU rejetait enfin, après plusieurs jours d’hésitation « (ce qui) porte atteinte à la crédibilité et au travail des Nations Unies ». Mais Falk, resté à son poste, soutenait en octobre 2012 un livre antisémite, The Wandering Who ? (Quel juif errant ?) de Gilad Atzmon, saxophoniste britannique et militant antisioniste, souffrant lui aussi de selbsthass (haine de soi).
En janvier 2013, le rapporteur du CDH récidivait en comparant le Hamas à « la résistance française pendant la seconde guerre mondiale ».
Le mandat de Richard Falk expire le 1er mai prochain. La Ligue arabe fait pression actuellement pour qu’un Indonésien, Makarim Wibisono, le remplace. La candidature d’une universitaire américaine, avalisée pourtant par un comité d’experts, ne sera pas retenue car, a précisé la Ligue arabe, « elle n’a jamais fait de déclaration indiquant clairement sa position sur les questions palestiniennes ». Comprenez : ‘’elle n’a jamais condamné sans détour Israël’’, condition sine qua non pour occuper le poste.
Wibisono par contre est bien connu pour ses positions anti-israéliennes. Il a parlé d’un usage de la force déraisonnable, gratuit et brutal, d’actes d’agression indéfendables, de politique de châtiment. Il a qualifié par ailleurs la lutte d’Israël contre les tirs de roquettes et le terrorisme de « prétexte fragile. » Son pays n’a pas de relation diplomatique avec Israël. Il a personnellement rencontré en 2010 les dirigeants du Hamas.
Alors, wait and see ?
Non, c’est tout vu.
Jean-Paul Fhima
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