Après des mois d’efforts intensifs, les pourparlers de paix initiés par le Président Barak Obama et son secrétaire d’Etat John Kerry sont moribonds. Un échec qui n’aurait pas surpris, le Professeur Yehoshafat Harkabi, pour qui la résolution du conflit israélo-palestinien exigeait d’abord une reconnaissance de la détresse de l’autre, processus que ni les Israéliens, ni les Palestiniens ne sont prêts, pour l’heure, à assumer.
Au début des années 80, bien avant les accords d’Oslo, Yehoshafat Harkabi, avait prôné un règlement du conflit basé sur un retrait d’Israël de la Cisjordanie et de Gaza, sur un accord avec l’Olp, sur une reconnaissance sans faille d’Israël et d’une acceptation de la fin du conflit. Je suis une colombe machiavélique, aimait dire le général à la retraite, ancien chef des renseignements militaires. Ce qui m’intéresse ce sont les intérêts d’Israël
Décédé en 1994, il avait reçu un an auparavant le prix d’Israël pour ses travaux en Sciences politiques et ses écrits sur le conflit israélo-palestinien, à l’Université de Princeton et surtout à la direction de l’Institut des Relation Internationales de l’Université hébraïque de Jérusalem.
Théoricien et stratège de génie, Harkabi était devenu célèbre pour ses analyses précises sur les obstacles objectifs qui empêchaient le règlement du conflit. Pourtant au début des années 80, Harkabi avait présenté une toute autre analyse du conflit. J’étais alors étudiante en relations internationales à l’Université hébraïque de Jérusalem, Harkabi avait réuni ses élèves qui préparaient sous sa direction leur thèse de maitrise.
Dans certains conflits internationaux et notamment dans le conflit israélo-palestinien, il est essentiel d’intégrer une dimension psychologique. La résolution des conflits humains exige au préalable la reconnaissance de la détresse de l’autre. Cette théorie devait selon Harkabi être appliquée au conflit israélo palestinien.
Depuis les années 80, rien n’a changé. Les Israéliens ne comprennent pas l’ampleur du traumatisme palestinien hérité de 1948. Quelle que soit la part de la réalité historique et celle du mythe, de nos jours, des millions de palestiniens, qui n’étaient même pas nés en 1948, continuent à vivre les tourments du départ. Sentiment entretenu de génération en génération, dans les camps palestiniens du Moyen-Orient volontairement perdurés. Dernièrement en déclarant, devant la foule en liesse, « j’ai gardé intact le gage et le souvenir, » Mahmoud Abbas exprimait de nouveau la réalité de ce traumatisme.
Par ailleurs, les Palestiniens n’ont pas non plus intégré la détresse et les angoisses existentielles des Israéliens. Citoyens d’une puissance militaire et économique, les Israéliens gardent au fond d’eux, l’effroi de la fragilité. Hérité d’une histoire millénaire de persécutions et d’iniquités, de la destruction du Temple de Jérusalem à la Shoah, de l’Inquisition au nucléaire iranien, le peuple israélien pérennise le traumatisme du précaire. Le sentiment enfoui dans l’inconscient, qu’un jour Israël peur disparaitre.
Ces derniers jours, l’effondrement du processus a été expliqué par des raisons objectives et rationnelles: la non libération du quatrième contingent des terroristes, l’appel à l’Onu, le conflit sur les frontières, sur les arrangements sécuritaires, l’affaire de l’état juif etc.
Mais au fond, le Professeur Yehoshafat Harkabi, avait peut-être raison. Cette nouvelle initiative de paix a échoué car les peuples israéliens et palestiniens n’ont pas encore reconnu les tourments de l’autre. La résolution des conflits prennent du temps. Le conflit israélo-palestinien n’est pas encore arrivé au stade d’un dénouement historique.
Katy Bisraor-Ayache
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