Pour la troisième année consécutive, la marine israélienne a engagé des manœuvres conjointes en Méditerranée avec la Grèce et les Etats-Unis. Une alliance discrète qui pousse Ankara à revoir sa stratégie régionale agressive.
L’exercice se nomme « Noble Dina » et s’inscrit dans la continuité de « Mermaid Reliant », interrompu en 2010 suite à la rupture diplomatique entre Israël et la Turquie. Depuis, les forces navales grecques ont remplacé celles d’Ankara, ouvrant leurs eaux territoriales à des manœuvres de coopération auxquelles reste associé l’EUCOM (Commandement des forces américaines en Europe), en particulier la VIème flotte de l’US Navy.
Au regard de ses moyens en Méditerranée, l’engagement américain apparait néanmoins modeste : deux destroyers, un cargo militaire de ravitaillement et un avion de reconnaissance aérienne. Sans doute par volonté de ne pas s’attirer les foudres de la Turquie, toujours membre de l’OTAN, avec qui les Etats-Unis sont contraints de marcher à pas comptés. A l’inverse, la Grèce a engagé cette année des chasseurs-bombardiers F-16 aux côtés de ses meilleurs bâtiments en service, tandis qu’Israël a dépêché au large de la Crète une corvette de type Sa’ar 5, deux frégates et un sous-marin Dolphin. En somme, l’intégralité de sa IIIème flotte.
La presse hellénique y voit un message de dissuasion adressé à la Turquie. A premier abord, il est vrai qu’Athènes et Jérusalem ont davantage de raisons de montrer leurs muscles que leur allié américain. En dépit d’un apaisement sur la question chypriote, les relations qu’entretient la Grèce avec son voisin turc restent intrinsèquement conflictuelles. Pour l’Etat hébreu, Chypre s’apparente à un dénominateur commun face aux velléités régionales d’Ankara, notamment sur la question des gisements de gaz en Méditerranée dont l’acheminement vers l’Europe passe par une entente avec la Turquie.
S’entrainer contre l’Iran
Après avoir un temps menacé d’envoyer sa marine de guerre à l’encontre des navires israéliens qui viendraient sécuriser le bassin du Léviathan, puis s’être aventuré dans des manœuvres contestées au large de Limassol, le gouvernement de Recep Erdogan a finalement opté pour une approche bien plus sage et pragmatique. Comme si les enjeux financiers du gaz avaient subitement davantage de valeur que sa logique de domination régionale, la marine turque est revenue à quai, et Ankara s’est résolu à accélérer les négociations visant à la réunification de Chypre, dont les troupes occupent toujours la partie nord de l’île.
En attendant une normalisation avec la Turquie, l’exercice « Noble Dina » donne à Israël l’occasion de tester ses moyens maritimes dans l’optique, confie-t-on, d’une confrontation avec l’Iran. L’INS Eilat, qui prend part à ces manœuvres de quinze jours, est conçu pour des missions de longue distance. Furtif, le navire dispose de moyens polyvalents, à l’instar des missiles anti-aériens Barak, de ses torpilles anti-sous-marines, ou même son hélicoptère Panther – de fabrication française – destiné à la collecte de renseignements en mer. Avec ses missiles de croisière, le sous-marin Dolphin semble parfaitement complémentaire.
Précisément, « Noble Dina » inclut des simulations de guerre sous-marine, utiles à l’US Navy si elle venait à bloquer le Détroit d’Ormuz, ainsi que des opérations de recherche et de sauvetage. Selon une source au sein de l’état-major de Tsahal, l’objectif est de mettre en place un « scénario iranien » impliquant la défense de ports israéliens contre d’éventuelles attaques, et la mise en œuvre d’un « essaim tactique ».
Maxime Perez
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