Les dernières déclarations de Moshé Yaalon sur l’Iran irritent passablement la Maison Blanche. Mais passée l’indignation, cette nouvelle passe d’armes est révélatrice du manque de confiance des responsables israéliens envers l’administration américaine. Un cri d’alarme ?
« Nous sommes déçus de l’absence d’excuses » a laconiquement fait savoir le Département d’Etat américain, vendredi, en réaction aux propos polémiques du ministre israélien de la défense, Moshé Yaalon. Quelques jours auparavant, à l’université de Tel Aviv, « Boogie » avait laissé aller son amertume à l’égard de Washington : « Nous pensions que les États-Unis devaient mener la campagne contre l’Iran. Mais en cours de route, ils ont entamé des négociations avec l’Iran et malheureusement, pour marchander dans un bazar perse, les Iraniens sont meilleurs. » Selon des indiscrétions rapportées par le journal Haaretz, le successeur d’Ehoud Barak a aussi fustigé la « faiblesse américaine », ajoutant que celle-ci ne laissait d’autre choix à Israël que de ne compter que sur lui-même.
C’est la seconde joute diplomatique qu’adresse Moshé Yaalon à l’administration Obama. Mi-janvier, il s’en était pris ouvertement au secrétaire d’Etat John Kerry dont les efforts de paix au Proche-Orient relevaient, selon lui, d’«une obsession incompréhensible et une sorte de messianisme». Les dérapages du ministre de la défense israélien ne font pas qu’agacer la Maison Blanche, ils embarrassent fortement les leaders de la communauté juive américaine. Plusieurs de leurs lobbyistes chevronnés ont évoqué des déclarations « absurdes » qui, à l’évidence, sapent leur travail auprès des Congressmen du Capitole.
Une provocation calculée
Dans l’entourage du gouvernement à Jérusalem, on rapporte que le ministre de la défense a radicalement changé sa position à l’égard de la « menace iranienne » et qu’il serait désormais partisan d’une action militaire préventive, sans qu’on sache si ce revirement soudain découle d’une prise de conscience à l’égard de la politique américaine. Force est de constater que sa nouvelle frasque n’a guère ému Benyamin Netanyahou, dont le silence semble acter une rupture avec l’allié américain sur la question du nucléaire iranien.
Clairement, l’Etat hébreu n’est pas rassuré par l’évolution des négociations entre l’Iran et les grandes puissances dans lesquelles la Russie joue un rôle plus qu’ambigüe. Il observe aussi avec attention le bras de fer en Crimée et constate que les pressions exercées par les Etats-Unis n’ont en rien altéré les ambitions de Vladimir Poutine. La bataille syrienne autour des armes chimiques a résolument marqué les esprits en Israël. L’Amérique de Barack Obama est entrée dans le ventre mou de la communauté internationale et n’inspire plus la crainte de Moscou. Sûrs de leur bon droit, les Russes menacent désormais de saboter un accord avec la République islamique.
Les Israéliens n’ont assurément pas en tête de s’enliser une crise durable avec les Etats-Unis, d’autant qu’ils sont déjà soumis à de fortes pressions sur le dossier palestinien. Mais ils ont opté pour une diplomatie subliminale. Contrairement à ce que suggèrent les propos de Yaalon, Israël continue de miser sur Washington pour espérer neutraliser les velléités nucléaires du régime des Mollahs. Tout en espérant un retour au premier plan des Républicains lors des élections du mi-mandat, en novembre prochain, le gouvernement israélien tente désespérément de provoquer un sursaut américain. C’est dans ce sens qu’il convient également d’interpréter l’ordre donné à l’armée israélienne – et révélé cette semaine par des officiers de haut rang de Tsahal – d’accélérer ses préparatifs en vue d’une attaque contre l’Iran.
Maxime Perez
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