La double récompense qu’Adina Bar Shalom a reçue cette semaine de l’Etat d’Israël officialise une révolution qui a changé ces dernières années le destin de milliers de femmes israéliennes.
Deux récompenses en une seule semaine pour Adina Bar Shalom. La fille du Rabbin Ovadia Yossef est lauréate du prix d’Israël 2014 pour sa contribution à la société israélienne. Le prix Israël est depuis le début des années 50, la distinction la plus prestigieuse décernée par l’Etat d’Israël. Par ailleurs, elle sera une des douze femmes qui allumeront les douze flambeaux du Jour de l’Indépendance. (Cette année ce sont exclusivement des femmes qui allumeront les flambeaux de l’Indépendance lors de la cérémonie emblématique qui marque chaque année l’anniversaire de la création de l’Etat d’Israël, sur le Mont Herzl à Jérusalem)
Ni son passé familial, ni son mode de vie (elle est l’épouse d’un juge rabbinique) ne pouvaient faire prévoir une carrière de militante féministe. Pourtant, c’est bien une révolution féminine qu’Adina Bar Shalom a initiée avec l’ouverture de la première institution universitaire pour femmes ultra-orthodoxes. Cette université a d’ores et déjà transformé le destin de milliers de femmes que l’orthodoxie cantonnait dans des professions manuelles ou éducatives. L’université forme désormais des spécialistes en management, des psychologues, des juristes, des informaticiennes, des biologistes, des ingénieures.
Au début des années 2000, en appuyant de tout son poids le projet de sa fille et en acceptant l’intrusion de l’académie au sein de l’orthodoxie religieuse, le leader du judaïsme orthodoxe sépharade a frôlé le sacrilège. Des pamphlets véhéments signés de sommités rabbiniques ashkénazes qualifiaient sa décision de blasphématoire et appelaient au boycott de la nouvelle institution. Le rabbin séfarade a fait fi de ces critiques. Aujourd’hui plus de la moitié des étudiantes de l’institution de Bar Shalom sont des jeunes-filles ashkénazes et plus d’une dizaine d’institutions académiques identiques ont été ouvertes par des rabbins de l’orthodoxie ashkénaze qui avaient critiqué le rabbin Yossef !
Née en 1945 à Jérusalem, Adina Bar Shalom a grandi en Egypte où son père, qui n’était pas encore le leader du judaïsme séfarade, était responsable du tribunal rabbinique. Quand, à l’âge de six ans, Adina revient en Israël, son père exige qu’elle entre dans le Beit Yaacov, le réseau scolaire orthodoxe ashkénaze. Un quota sévère limite le nombre d’écolières séfarades dans ces écoles élitistes. À quatorze ans, Adina veut devenir institutrice, mais l’école lui impose un cursus de couturière. Quelques années plus tard, mariée, elle ouvre un atelier de confection et comprend alors qu’un autre destin doit s’ouvrir aux femmes orthodoxes;
Lors de mes rencontres avec Adina Bar Shalom, elle m’a expliqué que sa volonté brimée d’étudier lui a fait comprendre l’urgence d’un changement: » Je voulais changer fondamentalement la vie des femmes orthodoxes en leur donnant le droit de choisir. Je voulais faire quelque chose de grand, laisser l’empreinte de mon père. Les Israéliens n’accepteront plus de travailler pour financer le monde religieux. Nous devrons trouver nos propres moyens de subsistance. Sans farine, pas de Torah, dit la maxime. Et j’ai donc fondé cette université. »
La révolution d’Adina Bar Shalom est une révolution de l’intérieur. Bar Shalom revendique un autre quotidien sans remettre en question les lois de l’orthodoxie juive: le port de la coiffe, le bain rituel, la prière, le shabbat, les fêtes juives restent sacrés, mais la femme doit pouvoir étudier, professer, militer, diriger. L’approche est pragmatique. La démarche ne se veut pas féministe, elle n’a rien en commun avec les mouvements de libération de la femme. Cependant, Adina Bar Shalom sait que ces portes grandes ouvertes ne se refermeront plus. Une nouvelle femme orthodoxe est en train de naître.
Katy Bisraor Ayache Pour Tribune juive
www.endirectdejerusalem.com
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