«Paris a mon coeur dès mon enfance. Je ne suis français que par cette grande cité, grande surtout et incomparable en variété, la gloire de la France et l’un des plus nobles ornements du monde.» – Montaigne
TRIBUNE JUIVE : Etes-vous prête pour une reconquête collective de Paris ?
Je pense que les Parisiens sont plus que jamais en droit d’attendre beaucoup plus de leur ville que ce qu’elle leur donne aujourd’hui. La municipalité sortante vit dans un monde où il n’y a pas d’insécurité, pas de problème de fiscalité ou de logement, pas de pollution.
L’alternance que je souhaite amènera une équipe soudée et renouvelée à l’hôtel de Ville. C’est un engagement que j’ai pris face aux Parisiens lors de la primaire et je m’y tiens.
C’est dans cet esprit que nous avons composé des listes d’union dès le premier tour avec Marielle de Sarnez et Christian Saint-Etienne (NDLR : représentants du MoDem et de l’UDI à Paris), deux personnalités que j’estime avec lesquelles nous avons de vraies valeurs en partage.
TJ.INFO : Vous risquez de vous retrouver face à des candidatures dissidentes à droite ?
Je peux comprendre l’amertume de ceux qui ne sont pas retenus pour être sur les listes mais s’il avait fallu reconduire les mêmes qu’en 2001 et 2008 alors les Parisiens ne m’auraient pas choisie lors de la primaire. Il faut être capable de tirer les leçons de ses échecs précédents. Vous savez, il est difficile de bousculer les vieilles habitudes, surtout quand elles sont mauvaises. Mais j’ai l’objectif de faire émerger une majorité avec une nouvelle génération d’élus, quitte à créer des crispations et des tensions.
TJ.INFO : La classe moyenne va-t-elle arbitrer la bataille de Paris ?
Les Parisiens arbitreront cette campagne, ils en seront les seuls juges, c’est une certitude. Mais concernant les classes moyennes, avec des prix moyens de 8 500 euros et de 24 euros le mètre car- ré selon que l’on achète ou que l’on loue, Paris leur est devenu inaccessible et je souhaite que cela change ! Non seulement la municipalité sortante cherche à se défausser de cet échec mais elle montre sa volonté de le voir amplifier en acceptant les propo- sitions plus qu’irréalistes du Parti Communiste avec lequel elle s’est alliée.
Pour endiguer la fuite des classes moyennes hors de la capitale, je propose que toute création de logement social soit obligatoire- ment accompagnée de la création de logement intermédiaire en faisant par ailleurs un effort en faveur des logements familiaux type 4 ou type 5 dans les programmes de logement intermédiaire ou d’accession à la propriété.
TJ.INFO: Que pensez-vous de la situation au Proche-Orient ? Comment voyez-vous les choses évoluer pour Israël ?
Le dossier du nucléaire iranien m’inquiète et je demeure circonspecte après la signature de l’accord intermédiaire de Genève face à un enthousiasme collectif auquel je ne participe pas. Selon moi, la première phase de l’accord de Genève est un contrat à durée déterminée passé avec l’Iran. Comme tout CDD, il com- porte plus d’inconvénients que d’avantages et vraisemblablement le grand gagnant semble être l’Iran. Il est aujourd’hui malheureusement impossible d’affirmer que grâce à cet accord, l’Iran ne pourra pas se doter de l’arme nucléaire à terme.
Pour ce qui est du conflit, je veux croire en l’aboutissement du processus de paix. Israël est pays magnifique, riche de sa diversité qui a le droit à la sécurité. C’est un préalable fondamental à toute négociation.
TJ.INFO : Vous avez déclaré récemment que Tel-Aviv est une ville start-up et que vous souhaitez vous en inspirer si vous êtes élue. Quelle stratégie allez-vous appliquer pour intensifier la coopération entre Paris et l’Etat hébreu ?
Ce n’était pas la première fois que j’allais en Israël mais dans le cadre de l’élaboration de mon projet pour Paris, j’ai voulu lancer plusieurs voyages d’étude avec pour objectif de m’inspirer avec mon équipe de ce qui se fait de meilleur ailleurs. C’est donc tout naturellement que je m’y suis rendue. Visiter le pays qui a le plus grand nombre d’ingénieurs au mètre carré, moi qui suis ingé- nieur de formation, ça me parle ! (rires)
C’est donc avec deux questions précises en tête que je m’y suis rendue. La première était de comparer l’écosystème des start-ups israéliennes avec celui existant à Paris afin d’en tirer des enseignements pour développer le nôtre. La seconde consistait à trouver des «pépites» que l’on pourrait transposer d’une manière ou d’une autre pour transformer le quotidien des Parisiens.
Ce voyage a été pour moi comme un retour à mes responsabilités de secrétaire d’État à l’Economie numérique tant l’écosystème israélien est pétillant et avant-gardiste à l’image des Parko, Waze, Silentium ou SkyTran, toutes ces start-ups que j’ai pu visiter.
TJ.INFO : Êtes-vous la meilleure pour répondre aux attentes de la communauté juive parisienne ?
Avec la communauté juive, j’ai un lien ancien et fort que je prends plaisir à entretenir de manière très régulière.
Pour ce qui est des attentes de la communauté, je veux seule- ment dire une chose : dans la vie, comme en politique, il y a ce que l’on dit et ce que l’on fait. En 12 ans, la municipalité sortante a beaucoup dit mais peu fait pour la communauté juive parisienne. C’est bien sous la mandature de Bertrand Delanoë et de Madame Hidalgo que le portrait de Guilad Shalit n’a jamais été mis sur le parvis de l’Hôtel de ville, que Salah Hamouri a été reçu à l’hôtel de ville par le Maire et que le conseil de Paris a voté des vœux appelant au boycott des produits israéliens. Ce n’est pas sous ma mandature, si les Parisiens me font confiance, que cela se passera.
TJ.INFO : Comment envisagez-vous de lutter contre la montée de l’antisémitisme ?
Par la fermeté ! La fermeté en matière d’antisémitisme ça passe par la sanction immédiate et l’explication. L’explication relève des parents et des éducateurs. S’agissant de la sanction, je considère que la sécurité est la première des libertés à condition de s’en donner les moyens. C’est pour cette raison que je souhaite créer une police de quartier qui réinvestira les rues de Paris. Elle ras- semblera tous les effectifs dont dispose déjà la mairie qui seront renforcés et affectés à patrouiller sur la voie publique et aider la police nationale. Elle sera la préfiguration de la véritable police municipale que j’appelle de mes vœux et permettra de ne plus cantonner les quelques agents existants au parc et jardin où aux PV de stationnement… Et lorsqu’il y aura des soupçons de racket à la sortie d’une école, nous pourrons y positionner un agent.
TJ.INFO : Que vous inspire la polémique récente autour des spectacles de Dieudonné ?
Je suis pour l’application constante et systématique des textes et pour que les élus prennent leurs responsabilités. Nous devons nous garder de tomber dans le piège des provocations successives.
En responsabilité à la tête de la Mairie de Paris je serai naturellement intraitable sur l’ensemble de ces sujets.
TJ.INFO : Ne pensez vous pas que ce serait une bonne idée de faire comme à Tel Aviv des taxis collectifs payants sur l’itinéraire des bus qui accélèreraient les déplacements et les faciliteraient en ramassant et en déposant les voyageurs sur le trajet ( chirouts ) ?
Comme ministre des Transports en voyage en Israël, j’avais eu des discussions intéressantes à ce sujet mais je dois avouer ne pas l’avoir davantage étudié lors de mon déplacement cet été. Mais je sais que certains ont déjà importé la méthode pour les trajets menant aux aéroports parisiens !
TJ.INFO : Avez vous prévu de vous rendre à nouveau en Israël ?
Je ne pourrai y retourner avant les élections mais si les Pari- siens me font confiance, j’honorerai l’invitation que m’avais faite Myriam Fierdberg, la Maire de Natanya de revenir la voir une fois élue. Cette femme est incroyable. Depuis que je l’ai rencontrée, elle a été réélue à plus de 80%. Ca laisse rêveur ! (rires)
TJ.INFO : Quelle est votre position sur la stratégie à adopter face au Front national ?
J’ai toujours eu une position claire et de grande fermeté vis-à-vis du Front national. J’ai d’ailleurs tenu à l’écrire dans un livre.
Je pense que le Front national de Marine le Pen n’est en rien plus modéré que celui de son père. Le tour de force du FN nouvelle version est d’avoir réussi à adapter au temps présent son idéologie d’extrême droite. Le discours est rendu audible, et il est mis au service d’une stratégie de conquête du pouvoir. Le FN s’est modernisé. Mais il ne s’est pas modéré. Il demeure aussi une impasse économique et sociale dans ses propositions. Jouer avec les peurs n’a jamais fait une politique.
C’est notamment pour cette raison que je ne souhaite faire aucun compromis avec le FN car si le PS cherche à nous vaincre aux élections, le FN lui, cherche à nous faire disparaitre.
TJ.INFO : Quel est votre position Sur le Bouclier social à Paris ?
Mme Hidalgo propose de faire demain ce qu’elle n’a pas fait depuis douze ans ou même ce qu’elle a contribué à défaire. Elle veut un bouclier social après avoir supprimé à la machette la gratuité des cartes améthyste ou émeraude pour les personnes du troisième âge ou la carte Paris famille. C’est Dr. Jekyll et Mr. Hyde. Après autant d’années à l’hôtel de Ville, le minimum serait d’avoir un peu de cohérence !
TJ.INFO : Vous continuez à battre campagne contre la réforme des rythmes scolaires. Que lui reprochez-vous ?
Lorsque j’ai évoqué ce problème pour la première fois en septembre dernier, la municipalité sortante a dit de moi que je cherchais inutilement la polémique et que la mise en place de la réforme se passait parfaitement bien. En réalité, ce n’était absolument pas le cas. C’est pour cette raison que j’avais lancé un site Internet (nosenfantsmeritentmieux.fr) qui s’adressait aussi bien aux parents qu’aux enseignants, aux directeurs d’école ou aux personnels de maternelle afin qu’ils nous aident à faire la transparence sur la réalité de terrain des ratés du réaménagement des rythmes éducatifs. Et j’ai reçu des centaines de messages ! Du coup, l’équipe de Mme Hidalgo a reconnu devoir faire «quelques ajustements» mais personne n’est dupe. Ils ont tout simplement voulu être le meilleur élève d’une mauvaise réforme !
Si les Parisiens me font confiance, je souhaite agir localement sur trois points. D’abord la transparence sur les animateurs. Il est important que l’on sache qui s’occupe des enfants pendant les animations. Puis, la cohérence et l’utilité des animations qui sont proposées, car ce n’est pas la même chose que de faire pâte à sel ou de faire cours de langue. Il faut penser à l’égalité des chances !
Enfin, je veux que l’on conforte plutôt que l’on abîme l’autorité des enseignants et des directeurs d’établissement, largement mise à mal par la réforme.
Propos recueillis par Sylvie Bensaid
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