Le 14 janvier 2014, dans une vidéo téléchargée par ‘’l’Arabe nazi’’, un homme masqué, façon ‘’Anonymous’’, avertit les Juifs que les supplices qui les attendent seront pires que l’Holocauste. Des images de cadavres décharnés défilent sur l’écran. « Le temps viendra où nous vous anéantirons tous ». La vidéo se termine par un salut nazi (source MEMRI TV).
Le 15 février 2013, sur la chaine égyptienne Al-Mihwar TV, Hasaballah El Kafrawy, ancien ministre du logement de Moubarak, affirmait que les Juifs sont responsables de l’attentat du 11 septembre, des révoltes du printemps arabe, et même de l’assassinat de Sadate. « Je le jure sur Dieu, il y a une conspiration juive». Sur la chaine Sada Al-Balad TV, le même homme a récemment confirmé ces propos : « les Juifs gouvernent le monde ».
La propagande antijuive dans la presse et la télévision des pays arabes et musulmans est quotidienne. La haine est pensée, écrite, planifiée, organisée. La Syrie, l’Egypte, l’Iran, les pays du Golfe, en sont les principaux fiefs. On y attaque le juif pour le rejeter, on l’insulte pour l’humilier, on le déshumanise pour le détruire. Cette propagande s’inspire autant des composantes propres au monde arabo-musulman que des stéréotypes européens d’extrême droite (néofascisme et littérature antisémite) et d’extrême gauche (la théorie du complot sioniste).
Les séries télévisées diffusées aux heures de grande écoute exploitent ces thématiques. Elles propagent l’image du Juif ennemi des nations arabes et de l’islam. En novembre 2002, la télévision d’Etat égyptienne diffusait un feuilleton en 41 parties intitulé « Cavalier sans monture » basé sur le Protocole des Sages de Sion. Dans le monde arabe, ce faux rapport de la police tsariste (1901) relatant la volonté des Juifs de conquérir le monde a été largement diffusé et associé à « un complot sioniste ».
En décembre 2004, la chaine iranienne Sahar 1 TV diffusait la série hebdomadaire « Les yeux bleus de Zahra ». Un Israélien, meurtrier et sans scrupule, prélève les yeux d’une petite réfugiée palestinienne dont le frère, Ismaël, promet de se venger en commettant un attentat-suicide.
Dans le feuilleton ‘’historique’’ «Le peuple de la caverne», les Juifs sont montrés en tueurs de Chrétiens et assassins du Messie (Sahar TV). Dans le feuilleton « Al-Shatat » (Diaspora) diffusé sur Sahar TV après l’avoir été sur la chaine libanaise du Hezbollah Al-Manar (interdite en France), on y parle d’un gouvernement secret dirigé par l’horrible famille … Rothschild. Des scènes insupportables montrent un crime rituel perpétré par un Juif sur une non-juive.
Beaucoup de ces chaines de télévision sont visibles en France sous forme de bouquets-satellite : Al Jazeera par exemple, la chaine qatarienne pro-islamiste est la « chaine ethnique » par excellence (Lahouri Besma, l’Express, 10 avril 2003) loin devant la saoudienne Al Arabiya (sondage Ipsos-Sigma, publié en mai 2013). Ces médias sont les principaux canaux de diffusion de l’antisémitisme dans les familles arabo-françaises. Nos banlieues sont islamisées par ces médias propagandistes.
Dans la presse écrite, les débats restent occasionnels, les introspections critiques isolées, les condamnations sans appel rares. La plupart des écrivains ont soutenu la diffusion de ces feuilletons. Rien d’étonnant compte tenu de l’abondante littérature antisémite. Dès 1925, le Protocole des Sages de Sion parait en langue arabe pour la première fois. Depuis, il demeure une référence rarement remise en question. Certaines personnalités comme le syrien Sadeq Jalal al-Azm (philosophe), les égyptiens Oussama El-Baz (conseiller politique) et Abdel Wahhab Al-Massiri (historien), ont reconnu qu’il s’agit d’un faux. Le livre n’en resterait pas moins une vision prémonitoire de la volonté des Juifs de « piller toutes les richesses de la planète » comme l’a écrit l’intellectuel libanais Ghassan Tueni dans le journal à grand tirage Al Nahar.
Cette propagande antisémite n’a pas pour seule origine l’opposition moderne à Israël. Il existe une tradition antijuive bien plus ancienne.
Le judaïsme n’a jamais eu de légitimité en terre d’Islam. Juifs et Arabes ont beaucoup cohabité mais dans une société hiérarchisée et discriminante. Les lois du calife Omar (1ère moitié du VIIIème siècle) ont fait du juif un citoyen de seconde zone, un être inférieur qui échangeait sa liberté de culte et de protégé (dhimmi) contre le paiement d’impôts (de capitation, Jizyah et foncier kharâj). Le juif devait être reconnaissable, physiquement distinct, proscrit des affaires de l’Etat. L’intolérance a augmenté proportionnellement à l’islamisation. Il n’y a pas eu de persécutions mais « l’âge d’or de l’égalité des droits est un mythe » (Bernard Lewis).
Famille de Juifs yéménites vers 1920
La référence injurieuse qui associe les juifs aux singes et aux porcs est présente dans de nombreux versets du Coran (2:65, 5:60, 7:166). C’est un châtiment contre ceux qui refusent d’embrasser ‘’la vraie foi’’. Un hadith (prophétie) affirme que, dans un ultime combat, les Musulmans battront les Juifs « dénoncés par les arbres et les pierres », et « nous leur couperont la tête ». Les fêtes juives (Pourim) seraient des crimes rituels où les gâteaux sont faits de sang humain. Les Juifs sont des assassins car ils ont tué le prophète Jésus « en enfonçant des clous et des pieux en fer dans son corps ». Ces accusations sont très courantes dans les journaux et les médias arabes aujourd’hui : « la matza juive est faite du sang arabe (journal égyptien Al-Ahram, 28 octobre 2000). Les Juifs sont perçus comme des bêtes, des êtres malfaisants et des criminels, qu’il faut soumettre ou châtier.
D’autre part, le projet politique de Nasser d’unification de tous les Arabes du Proche-Orient, a utilisé les juifs « poignard dans l’entité arabe », comme un ferment d’adhésion. Cette notion d’arabité antijuive a été reprise par tous les mouvements de ‘’libération’’ (OLP, Jihad islamique, Hamas, Hezbollah). « Expulser l’étranger », et le Juif est le symbole même de l’étranger inassimilable, demeure un intérêt commun indéniable. L’unité arabe n’a jamais été possible sauf dans la haine des Juifs, sorte de « sentiment d’appartenance ethnique » (Hazem Saghiyah, quotidien Al-Hayat).
Les pays arabes étaient proches de l ’Allemagne nazie. Le cas du grand mufti de Jérusalem, Hadj Amin al-Husseini pactisant avec Hitler est un exemple fameux. Il y avait des Musulmans dans les Waffen SS. On sait qu’il y en avait aussi dans les rangs du Parti Populaire Français (PPF) de Doriot. Après 1945, les leaders nationalistes arabes ont fait bon accueil aux officiers nazis en fuite.
Johann Von Leers, un proche de Goebbels, a été chef de la propagande égyptienne et conseiller personnel de Naguib puis de Nasser. Converti à l’islam, il s’est appelé Omar Amin. Il est aussi un rare théoricien nazi de l’antisémitisme musulman. Dès 1942, il défend la thèse d’un Islam antijuif. Aloïs Brunner, criminel nazi, réfugié en Syrie dès 1954, a été conseiller personnel de Hafez el-Assad. Il s’est fait appeler Ali Mohammed. Malgré un mandat d’arrêt international, la Syrie a toujours refusé son extradition.
Amin al-Husseini reçu par Hitler le 9 décembre 1941
La Shoah est d’abord peu contestée. Elle justifierait toutefois l’existence d’Israël pour effacer la culpabilité de l’extermination chez les Européens. Puis un rapprochement nazisme-sionisme sert de parallèle avec la cause palestinienne. « Les sionistes sont des nazis ». Cette absurdité sans nom est l’objet de la ‘’thèse’’ de doctorat de Mahmoud Abbas (1982, Institut des études orientales de Moscou). Puis l’adoption des thèses négationnistes importées de France par Garaudy, Faurisson, Pierre Guillaume et consorts, a transformé la Shoah en pure invention faite par les Juifs eux-mêmes. Cet élément est devenu de nos jours la force de frappe principale de l’antisémitisme arabo-musulman, aussi bien dans les médias que dans l’idéologie d’Etat des pays du Golfe et surtout de l’Iran, leader mondial du négationnisme.
En janvier 2005, dans le Tehran Times, le journaliste Hossein Amiri, écrivait sur « les mensonges de l’industrie de l’holocauste ». Les discours du président Ahmadinedjad (22 septembre 2012 à l’ONU) ont contesté la légitimité historique du génocide. En janvier 2013, le second festival iranien de la caricature (source Iran Daily Brief) tournait en ridicule l’Holocauste.
L’ex-président iranien Mahmoud Ahmadinejad
Enfin, la campagne assidue de diabolisation des Juifs est le meilleur relais de la théorie du complot diffusée par l’ultra gauche internationale. Selon elle, les attentats du 11 septembre auraient été causés par les agents du Mossad pour faire accuser les Arabes. Les tenants de cette thèse sont des représentants de la presse dite ‘’non-alignée’’, c’est-à-dire dissidente et révolutionnaire. Le Français Thierry Meyssan, fondateur du réseau Voltaire (porte-voix de la complosphère anti-impérialiste), ami de Kadhafi, Bachar Al-Assad, Hassan Nasrallah (Hezbollah), est l’auteur de l’effroyable imposture (deux tomes, 2002, 2007). Il est régulièrement l’invité des chaines Addonia TV et SSC (Syrie), News TV et AL-Manar (Liban), Al Alan (Iran), Dubaï TV (Emirats). Noam Chomsky, linguiste et philosophe, pacifiste américain et chef de file de l’antisionisme outre-Atlantique, est un anarcho-syndicaliste qui se dit « anti-pensée dominante ». Il a dénoncé la dictature médiatique et politique contre Oussama Ben Laden (Power and Terror, 2003). Le chef d’Al-Qaïda l’a remercié en personne (sic).
Cette influence de l’extrême gauche ‘’antisystème’’ a donné un crédit mondial à la diabolisation du Juif issu des médias arabo-musulmans. Par ricochet idéologique, ce discrédit alimente à son tour l’antisémitisme de la Dieudosphère européenne.
A la Channel 1 TV iranienne, le 11 novembre 2004, le professeur Heshmatollah Qanbari disait que les juifs « sataniques (…) ont toujours été subversifs dans l’histoire de l’humanité ». Peu de représentants de l’élite arabe se risquent à contester ce point de vue. Abd Al-Hamid Al-Ansari, de l’Université du Qatar, a critiqué dans le quotidien Al-Raya (20 septembre 2004) cette théorie « enracinée dans la tradition musulmane ».
Le Juif, en effet, est couramment perçu dans les mythes et légendes arabes comme un ‘’corrupteur’’ (Jean-Yves Camus, politologue). Déjà au XIVème siècle, Ibn Khaldun faisait un portrait peu flatteur : « les Juifs sont connus pour leur bassesse et leur fourberie ». Le processus de dénigrement a fonctionné depuis sans relâche. Pour les intellectuels, fonctionnaires, journalistes, chefs d’Etat et chefs religieux : « Le Juif répand le mal ».
C’est lui, par exemple, qui aurait inventé le sida pour décimer la population arabe. C’est lui qui diffuserait les maladies sexuellement transmissibles pour enrayer la fécondité. C’est lui qui corromprait la jeunesse et murmurerait aux oreilles des femmes des idées égalitaires. C’est encore à cause de lui si les masses arabes sont confinées dans le sous-développement et les échecs politiques. Il faut donc déjouer tous les pièges tendus par les Juifs. La démocratie réclamée par une partie de l’opinion publique n’est rien d’autre que l’émanation de cette ‘’décadence’’.
Le 26 janvier dernier, les manifestants de la « haine pour tous » voulaient se rendre rue des Rosiers pour « casser du juif ». On a entendu « Les Juifs dehors (…) Faurisson a raison ». Ce nouvel antisémitisme n’est pas seulement la résurgence des slogans des années trente. On y trouve une violence réactivée qui nous vient de terre d’islam où la propagande médiatique envahit les esprits faibles et incultes, touche aussi bien la bourgeoisie blanche des beaux quartiers, que la caillera marron des zones sensibles. Ce melting pot de frustrations et d’intolérances facho-catho-gaucho provoque, dans l’indifférence générale, les bonnes consciences qui se taisent, ou qui (et c’est pire !) trouvent qu’on en fait trop.
La loi est ouvertement bafouée. L’égalité est un vain mot. La laïcité, un piètre idéal. La République est déjà vaincue.
Chassée d’Europe après la guerre, la nouvelle détestation des Juifs nous revient en pleine figure avec une arrogance effrayante. C’est le miroir déformant de ce que nous avons produit de pire.
Jean-Paul Fhima
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