Bien des singes en hiver par Mario Neshev

Bien des singes en hiver :

« L’antisionisme  » fait partie du kit bien-pensant

 « L’antisionisme » est « tendance ». Avouons-le.
Sésame à l’accès de certains salons de causerie médiatique et universitaire, autant que porte-voix d’une partie de l’intelligentsia, « l’antisionisme » est devenu l’outil indispensable d’une modernité en toc, qui joue en boucle le pire de son passé. En même temps, l’information biaisée et à sens unique, l’éducation orientée, ou le manque total de connaissances, ont donné libre cours à une parole privée de moins en moins « complexée ».
De quoi « l’antisionisme », devenu quasi-foi, comme le communisme en son temps, est-il le syndrome ?
Pierre-André Taguieff parle de « nouvelle » judéophobie. A mes yeux, seule sa nature « 2.0 », lui confère un aspect moderne. Certes, si des catégories socio-professionnelles inédites se sont rassemblées sous l’étendard « antisioniste », il n’en continue pas moins de graviter sur l’ensemble des échelons de la citoyenneté. S’appuyant, au passage, sur les haines librement fomentées et déchaînées sur le web, ou, plus insidieusement, sur les « bons mots » et autres « jugements équitables » de novlangue, dans les émissions télévisées. Nul besoin de recourir aux « classiques » de la « pensée » judéophobe, les raccourcis suffisent, au vu du contexte socio-économique actuel, en France, et en Europe. Les origines, le positionnement politique, culturel, éducatif, comptent bien moins, dans une société ouverte, libre, multiculturelle et surinformée. Ainsi, il faudrait être sacrément dupe devant les motivations et ressenti véritables de « l’argument antisioniste », pour ne pas en saisir la portée.
Preuve, s’il en fallait une en particulier, que l’on refourgue du vieux dans un emballage neuf, « l’antisionisme » ne manque pas d’hurler au « communautarisme », surtout là où il est inexistant. Cette volonté de stigmatisation, pour ce qu’elle rappelle automatiquement la propagande antijuive de l’Occupation, parvient aussi à produire les mêmes effets. D’une, elle ressuscite la figure de « l’Autre », insinuant, au mieux, le soupçon et l’humiliation, au pire, la violence. Ainsi, est-il vraiment sérieux de faire une enquête sur « l’intégration » républicaine des citoyens Juifs, en France ? Preuve d’une « démocrature » de « l’opinion » que l’on s’attendrait plutôt à retrouver dans la Russie de Poutine ou la Chine de… Mao. Et l’on se rassure des résultats des pourcentages…Tout en constatant que les personnes âgées de plus de 60 ans portent en eux infiniment moins de préjudices que leurs petits-enfants. Ces derniers, soumis aux hurlements des sirènes « antisionistes » et leurs slogans de sacro-sainte critique PERMANENTE d’Israël, ne prennent même pas la peine de se renseigner sur l’abyssale absurdité de leur « combat » contre un sionisme dont l’étymologie est aisément consultable. Sans parler de son historique…
Ainsi, un collègue d’Université restera ébahi de mon refus face à  « l’évidence » que les sionistes soient des « enc… ». Et quand je campais sur mes positions, manœuvrant au mieux pour éviter le cours magistral, vu qu’il était 2 :00h du matin et que j’étais passablement alcoolisé, années FAC oblige, il tenta la conciliation en déclarant que, de toute façon, il « rentrait pas dans ces délires », sa petite-amie étant Juive… Un autre m’aura confié, en privé, que parce que son père est pompier « ils n’aimaient pas trop les Juifs », et s’il ne développa pas cette remarque ubuesque, il s’étonnera que je sois complétement ignorant du fait que « la France (soit) en guerre avec les Etats-Unis. » Paris. 2007. CQFD.
Comment s’étonner, dès lors, qu’une certaine masse, figée dans le respect – vide, puisque inconséquent dans la pratique – de la parole énoncée ou de l’écrit, ne réapprend à écouter, visionner, lire, que sous l’injonction des charlatans du pire ?

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Quelle suite logique ? Ira-t-on délivrer des brevets de bonne conduite à nos concitoyens et compatriotes Juifs ? Créera-t-on des postes de « plombiers » ou des coopératives agricoles uniquement destinées à ces Juifs, qui, apparemment, n’aiment que les métiers nobles de l’esprit ou de la science et ignorent le « vrai pays » ? Cette méfiance poussera à l’incrédulité hargneuse certains, face aux exemples – rapidement pris – suivants : lorsqu’une collègue d’Université, Juive, me confie qu’Israël n’est pas « du tout un pays qui (l)’attire », quand un autre me dit que ce n’est pas parce que Juif qu’il est « nécessairement rattaché à Israël »…
Plus généralement en Europe, « l’antisionisme » n’est-il pas l’expression d’un manichéisme pervers, issu de la mauvaise conscience de l’Occident ? En transformant « l’antisionisme » en arme politique, intellectuelle, culturelle, l’Europe cherche-elle à se donner le beau rôle, celui de donneuse de leçons et défenseur sans esprit critique de la cause des « gentils » Palestiniens ? Avec le désir presque charnel de rendre les Israéliens « méchants » ? Est-ce cela, la réponse européenne au déclinement majeur de son influence mondiale ? On pousse l’infantilisme d’exiger d’Israël une démocratie parfaite, comme pour se rassurer de nos propres dysfonctionnements et failles démocratiques, mais est-ce que l’on cherche, in fine, à se « déresponsabiliser » de la Shoah ?
L’on commet, parallèlement, une maladresse toute aussi lourde de conséquences morales, en assénant un abrégé de l’Histoire de l’Holocauste, à l’aide des outils culturels de masse et des facilités qu’ils offrent. Je rejoins Nicolas Bedos, si, si, et on ne peut qu’être d’accord lorsqu’il juge Elle s’appelait Sarah – et Elisabeth Lévy est d’accord aussi – comme n’étant pas une œuvre fameuse. Ce n’est  pas, là c’est moi qui le dis – et je rajouterai La RafleShoah, Holocauste, Le Choix de Sophie, A l’Ombre d’un Géant, Exodus, Portier de Nuit, Black Book. On notera la présence d’un unique réalisateur européen pour ces quelques exemples d’œuvres majeures : Claude Lanzmann, le reste étant des productions américaines… Ainsi, je ne m’étonne guère de cette réflexion, faite par une collègue sur « Les feujs (sic) dont on entend trop parler. Faudrait parler des Homos, des Roms ». La transmission juste de l’Histoire, et du pire de ce qu’elle a connu, passe non seulement par un engagement de qualité artistique, mais également par la création d’un état d’esprit dans la société. Infantiliser en permanence cette dernière, alors qu’elle n’est plus directement responsable des crimes du IIIe Reich, contribue au climat de tensions permanentes, et au glissement vers le bord « antisioniste ».
J’en termine avec cette phrase d’Alan Dershowitz, avocat de Woody Allen et légitime défenseur d’Israël : « On ne juge pas une démocratie sur son degré de perfection, mais sur sa capacité à résoudre ses imperfections. »
Et alors que je m’interroge combien il me faudrait me justifier – si je décidais de l’évoquer – de mon possible choix d’inscription à l’Ecole Internationale de l’Université de Haïfa, en précisant que je ne suis pas Juif, je pense à Gabin s’adressant à Belmondo. Et je me dis que les singes courent les rues, et que l’hiver est bien long, une fois encore, en Europe…
 Mario Neshev
 

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