Pour sa 41e édition, le plus grand festival de BD a su dans son palmarès marier l’exigence du talent et le plaisir de la lecture. Ainsi le fauve d’or du meilleur album (« Come Prima ») et le prix spécial du jury (« La Propriété »), qui récompensent deux romans graphiques à la fois riches et personnels.
Dans « Come Prima », album teinté de couleurs chaudes, Alfred nous offre un road-movie franco-italien. Au début des années 1960, un jeune homme à bord d’une Fiat 500 va en France chercher son frère, qui a mystérieusement quitté l’Italie au milieu des années 1940. Pourquoi a-t-il fui ? Est-ce vraiment pour répandre les cendres de son père qu’il doit rentrer en Italie ?
Dans « La Propriété », de Rutu Modan, traduit de l’hébreu, une petite-fille et sa grand-mère quittent Israël pour un voyage vers la Pologne. Leur but : tenter de reprendre possession d’un terrain que leurs ancêtres juifs ont abandonné lorsqu’ils ont quitté Varsovie dans les années 1930-1940. Le récit est drôle, porté par la grand-mère un peu têtue et la petite-fille un peu frivole.
Quant au fauve de la révélation, il a été remis à une BD très sombre, mais également accessible. « Mon ami Dahmer » est le troublant récit de la jeunesse d’un Américain qui deviendra l’un des pires tueurs en série de l’histoire des Etats-Unis. Le hasard fit que l’auteur, Derf Backderf, partagea les mêmes bancs de lycée que le déjanté Dahmer. Pouvait-on voir, à l’époque, que l’ado instable allait devenir un monstre ?
DRÔLE DE GENRE
Le prix du public Cultura a récompensé l’une des BD les plus primées de l’année, « Mauvais genre » de Chloé Cruchaudet. L’album raconte l’incroyable histoire vraie d’un déserteur qui, pour échapper à la boucherie de la Première Guerre mondiale, revient à Paris sous les traits d’un travesti. Non seulement Paul ne retournera pas au front, mais il restera dix années après la guerre dans la peau d’une femme pour ne pas être condamné pour désertion.
Enfin, le grand prix, qui récompense un auteur pour l’ensemble de son oeuvre, a été remis à Bill Watterson, le génial créateur de « Calvin et Hobbes » ou les désopilantes aventures d’un garçon de dix ans qui commet des mégaboulettes en compagnie de son ours en peluche – qui est en fait un tigre. Publié en « strip » dans la presse américaine de 1985 à 1995, ce successeur de « Snoopy » a tiré sa révérence, avant que l’inspiration de son créateur ne se tarisse.
Écrit par David BARROUX
dbarroux@lesechos.fr
Source: Les Echos (Copyrights)
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