Les Jeux olympiques d’hiver de Sotchi vont se dérouler du 7 au 23 février dans des conditions d’alerte maximale pour les services de sécurité … du monde entier.
Depuis les attentats de Boston du 15 avril 2013 perpétrés par les frères Tsarnaev (3 morts, 264 blessés), les Etats-Unis collaborent activement avec le Kremlin. D’importants moyens aériens et navals sont déployés dont deux bateaux en mer Noire prêts à évacuer les athlètes en cas d’attaque terroriste. Des forces spéciales américaines épaulent les quelques 40000 policiers russes chargés de protéger un vaste périmètre de 21 km2.
Ce « cercle d’acier » sera probablement conforté par la présence d’agents de sécurité israéliens. D’après le Debkafile (sources contre-terroristes), Poutine et Netanyahu se sont mis d’accord à Moscou le 20 novembre dernier pour coopérer étroitement contre les terroristes du Caucase Nord qui pourraient, selon les plans d’un complot d’Al-Qaïda, se déployer prochainement en Israël. On sait d’autre part que des membres des forces spéciales de la gendarmerie (GIGN) et de la police (Raid) accompagneront les sportifs français.
Jamais un tel déploiement quasi militaire ne s’est vu depuis la tuerie des Jeux de Munich en 1972 où 11 Israéliens avaient été enlevés et assassinés. Aux Jeux suivants de Montréal en 1976, le village olympique ressemblait à une forteresse avec barbelés protecteurs et patrouilles de gardes équipés d’armes lourdes.
Le 28 janvier, Anita DeFrantz, membre du CIO, évoquait dans le Wall Street Journal l’inquiétude des sportifs américains au sujet de leur sécurité sur place. Pour la première fois, l’idée de se rendre à ces Jeux olympiques ne soulève pas un fol enthousiasme. Gerard Kemkers, entraîneur de l’équipe néerlandaise de patinage de vitesse en longue piste, a même déclaré dans la presse : « Pour parler franchement (…) je n’ai pas le choix. Il faut que j’y aille, pour faire mon travail ». Bonjour l’ambiance !
Il y a de sérieuses raisons de s’inquiéter.
Les 60 km à parcourir entre Sotchi et les installations sportives de Krasnaïa Poliana sur des routes de montagne difficiles à surveiller vont multiplier les risques d’attentats, d’autant que les autochtones connaissent bien les chemins escarpés du massif du Caucase et les secteurs peu accessibles à une surveillance même aérienne. Plus grave, mardi 21 janvier, une terroriste islamiste Ruzana Ibragimova, 22 ans, dite Salima, aurait été vue dans une rue de Sotchi à l’intérieur même du « cercle d’acier ». Les policiers seraient toujours à sa recherche. Boiteuse et balafrée, elle serait aisément reconnaissable. Salima est l’une des veuves noires tchétchènes, daghestanaises ou turkmènes dont la presse russe redoute plus que jamais le passage à l’acte.
Attentats, menaces et provocations des dernières semaines relèvent d’un véritable harcèlement terroriste mené surtout par ces femmes, de jeunes veuves d’indépendantistes du Caucase.
A Volgograd, situé à 600 km au nord-ouest de Sotchi, une femme kamikaze Naida Asiyalova s’est fait exploser dans un autobus en octobre dernier (6 morts, une trentaine de blessés). Une de ses amies de 26 ans recherchée depuis juin 2012, Oksana Aslanov, est soupçonnée de l’un des deux autres attentats de Volgograd des 29 et 30 décembre 2013 (17 morts et 28 blessés dans la gare de la ville).
Durant les seize derniers mois, sur un total de vingt-six attaques terroristes en Russie, on compte quarante-six femmes tuées par attentats-suicide (Daily Mail, Anna Nemtsova). La plupart du temps, elles opèrent à plusieurs (au moins par deux), souvent sous la conduite d’un homme (Christopher Swift, université de Georgetown). Ce chiffre effarant montre une progression inquiétante depuis la première guerre de Tchétchénie. L’objectif est de créer un sentiment d’inquiétude et de déstabiliser l’Etat russe. Objectif atteint.
Les redoutables veuves noires vengent leurs maris.
Djennet Abdourakhmanova, 17 ans, une des deux kamikazes du métro moscovite à la station Loubianka il y a quatre ans, était la veuve d’Oumalat Magomedov, alias “Al-Bara”, aussi surnommé l’émir du Daghestan”, abattu trois mois auparavant par la police, le 31 décembre 2009 à Khassaviourt, dans l’ouest du pays. Djennet (Jannat en arabe, c’est-à-dire ‘’paradis’’) a actionné des explosifs placés autour de sa taille. Sa tête intacte a été retrouvée sur les lieux. Elle était originaire du petit village daghestanais de Kostek « célèbre pour ces championnats de lutte » (journal russe kommersant, 2 avril 2010).
Ces attentats trouvent leur racine en République autonome et musulmane de Tchétchénie-Ingouchie, quand les troupes russes entrèrent dans cette région du Caucase Nord en octobre-novembre 1991. Contre Doudaïev, président élu de cette république séparatiste, Eltsine avait ordonné l’état d’urgence à Grozny et provoqué ainsi la première guerre de Tchétchénie (1994-1996). Après un statu quo sur une autonomie gouvernementale, on y instaura la charia. La seconde guerre de Tchétchénie, en 1999-2000, fut provoquée par les attentats de Moscou et les incursions indépendantistes tchétchènes au Daguestan. Malgré la prise de Grozny par les troupes fédérales russes, des opérations sporadiques de guérilla se sont prolongées jusqu’en 2009 et perdurent encore aujourd’hui dans une région demeurée très instable.
Les veuves noires sont apparues la première fois en 2000. Khava Baraeva a fait exploser un camion dans un bâtiment des forces spéciales russes en Tchétchénie.
En octobre 2002 la prise d’otages du théâtre de la Doubrovka à Moscou fait au moins 130 morts. Parmi les 36 membres du commando terroriste, figurent 19 femmes portant voile islamique et ceintures d’explosifs sur le ventre. L’attentat du festival rock de Moscou en juillet 2003 (15 morts) et celui de la double catastrophe aérienne du 24 août 2003 (90 morts) sont aussi causés par des femmes. A l’école de Beslan (Ossétie du Nord), début septembre 2004, des centaines d’enfants sont pris en otage (344 morts civils, dont 186 enfants). Cinq femmes figurent parmi les 32 terroristes (des Kazaks, Tchétchènes, Arabes, Ouzbeks et Russes).
Plus récemment, deux veuves noires (dont Djennet citée plus haut) sont soupçonnées de l’attentat du métro de Moscou en 2010 (39 morts, 102 blessés). En août 2012, une femme se fait exploser devant le domicile d’un dignitaire religieux jugé trop modéré par les extrémistes daghestanais.
Il existe plusieurs types d’explications
à ces attentats spectaculaires et meurtriers
perpétrés par des femmes.
De nombreux spécialistes soulignent la détresse de ces épouses, sœurs et mères, anéanties par la perte de leurs proches (Anne Speckhard et Khapta Akhmedova, université de Tel-Aviv). Le traumatisme les pousserait à rejoindre volontairement des groupes radicaux. Toutes semblent consentantes et déterminées, quoique certaines seraient sous l’emprise de psychotropes (enquête de Ioulia Iouzik, « les fiancées d’Allah », 2003)
L’acte sacrificiel est par ailleurs avantagé par certains experts. Ne trouvant plus leur place dans une société aux structures tribales et claniques où prévalent l’honneur et la vengeance, ces femmes rejoindraient les leurs dans la mort (enquête de Kheda Saratova, activiste des droits de l’homme). Aurélie Campana, spécialiste canadienne du terrorisme et du Caucase, y voit un trait typique des coutumes tcherkesses, tchétchènes ou ingouches pour lesquelles « l’affront doit être lavé, la mort payée par la mort ».
Amadine Regamey (EHESS) estime qu’elles sont souvent « influençables » et volontiers sous la « pression morale » de leur entourage. Elles font rarement marche arrière. En 2003, l’une d’elles, prise de scrupules, s’est dénoncée aux forces de l’ordre avant de commettre un attentat dans un café de Moscou. Elle a été condamnée à 20 ans de prison. Le cas est très rare.
Il faut surtout voir dans ce phénomène des femmes terroristes l’influence spécifique de l’islam radical. Ces ‘’amazones jihadistes’’ sont une main d’œuvre très utilisée par les groupements radicaux quelles que soient les régions. Il y a des veuves noires chez Al-Qaïda en Irak, les brigades des martyrs d’al-Aqsa, au Hamas, au Jihad Islamique.
La Britannique convertie Samantha Lewthwaite, veuve d’un kamikaze des attentats de Londres (7 juillet 2005, 56 morts, 700 blessés), aurait participé au commando des islamistes somaliens Al-Shabaab qui ont attaqué le centre commercial de Nairobi en septembre 2013 (68 morts, 200 blessés).
Fatiha Mejjati, veuve d’un des fondateurs des Groupes islamiques combattants marocains (GICM) soupçonné d’avoir organisé les attentats de Madrid du 11 mars 2004 (200 morts, 1400 blessés), menaçait Paris d’une attaque sur la tour Eiffel en janvier 2008.
Ces femmes portent la longue robe noire et le voile noir. Les commentaires religieux leur assurent que « Le paradis les rendra belles, heureuses, et sans jalousie » (Michelle Tsai, Au pays des frères Tsarnaev). La très jeune Djennet aurait été manipulée par des idéologues wahhabites (Le Monde 2 avril 2010). Elle portait sur elle une lettre écrite en arabe (rarement parlé dans le Caucase) ce qui laisserait entendre qu’elle a reçu un entrainement au Moyen-Orient (Moskovskiy Komsomolets).
Les femmes, d’autre part, sont moins soupçonnées que les hommes. Moins repérées et moins fouillées, elles se mêlent plus aisément à la foule dans les lieux publics.
Enfin, dans ces guerres d’hommes, la perte d’une femme, rarement entrainée au combat, est perçue moins lourdement que celle d’un combattant actif (Gérard Chaliand, spécialiste en géostratégie). Aucune d’elle n’occupe de poste clé stratégique ou décisionnel.
37 milliards d’euros ont été investis pour ces jeux qui sont les plus chers de l’histoire olympique. 13000 journalistes et 94 chaines de télévision sont attendus. De quoi attiser les appétits des islamistes du Caucase soucieux de frapper l’opinion internationale et de se donner un écho médiatique sans précédent. Sur ce point, ils ont déjà gagné. C’est dans un climat de polémique et de tensions que vont s’ouvrir ces ‘’Jeux de l’angoisse’’ (Wall Street Journal, 1er février 2014).
Si les athlètes du monde entier ont tout à gagner à ces XXIIème Jeux olympiques d’hiver de Sotchi, les veuves noires, hormis la vie qui leur importe peu, n’auront rien à perdre.
Jean-Paul Fhima
Mais non il n’y a pas eu de Charia après la 1ère Guerre de Tchétchénie ! N’embrouillez pas les cerveaux svp.