Aujourd’hui, la frontière entre antisémitisme déguisé et antisémitisme affiché a été franchie lors de cette odieuse manifestation. Pour la première fois depuis la fin de la seconde guerre mondiale, on a pu entendre des slogans haineux qui ne se cachaient pas derrière un soi-disant antisionisme politiquement correct.
Nous avons tous été choqués, écoeurés. Voici la réaction de Tania, une jeune fille de 25 ans, qui a réagi avec ses tripes à ce qu’elle ne pensait pas possible.
Je suis juive.
De père et de mère. De grands-pères et de grands-mères. Je suis issue d’une famille juive, et je vous jure, il y a de quoi en rire!
Il y a vraiment de quoi rire.
Riez par exemple, des 25 personnes qui sont autour de la table lorsqu’on organise « un petit shabbat ».
Riez, aussi, de ma mère qui de manière tout à fait anodine, s’amuse à repérer les noms en « wicz », « man », « soussan » et autres consonances juives dans les génériques de films.
Riez de ces kilos qu’on prend si facilement, et qui restent inévitablement stockés dans les fesses.
Mais svp, ne me dites pas qu’on peut plaisanter de tout. Car récemment, la limite est floue pour moi, entre humour et haine.
Mais rions, rions ensemble.
Rions de mon arrière grand-mère polonaise qui avait un accent yiddish à couper au couteau.
Rions de ma grand-mère cette fois, qui prépare 300 crêpes lorsqu’on est 6 à venir prendre le goûter.
Rions de mon grand-père égyptien, qui vous aurait dit que tout ça « ce ne sont que des couillonnades ».
Mais svp, ne vous amusez pas des histoires de pyjamas rayés. Ne prenez pas à la légère les gestes et les mots « anti-systeme » qui rappellent une époque où les étoiles n’étaient pas jaunes que sur les dessins d’enfants.
Rions, rions autant que possible.
Rions de mon mari juif que je n’ai pas encore trouvé, et des 400 invités que j’aurais été obligée d’inviter à mon mariage.
Rions de la bibliothèque de mes parents dans laquelle trônent, entre Agatha Christie et Stephen King, « Le chat du rabbin », « Le meilleur de l’humour juif », « Les recettes de mémé Simone », et « la Shoa expliquée à mes enfants ».
Mais svp, ne me demandez pas de ne pas être choquée, et blessée, par tous les statuts Facebook que j’ai pu voir passer sur les profils de mes « amis ».
Ne m’en veuillez pas d’être effrayée par les commentaires haineux, et violents, que je lis chaque jour, sur des sites d’informations, sur des vidéos youtube, ou sur les réseaux sociaux.
Rions quand même.
Rions de mes amis qui s’appellent Déborah, Joanna, Raphaël et David, et de ceux qui m’expliquent que la Liste de Schindler est leur film préféré.
Rions de mes 12 cousins qui comptent 2 médecins, bientôt 3.
Rions de la musique orientale qui s’immisce dans chacune de nos soirées et du nombre de fois où l’on m’a demandé « tu es… méditerranéenne ? »
Mais svp, n’ignorez pas les mots qui blessent, et surtout ne pensez pas que ce ne sont que des mots. Ne fermez pas les yeux sur les tombes qui sont profanées.
Rions. Essayons.
Mais ne m’en veuillez pas d’ avoir la gorge nouée, lorsqu’aujourd’hui, à Bastille, quelques centaines de manifestants brandissaient fièrement le drapeaux français en criant « juif, barre toi, la France n’est pas à toi ».
Riez de moi, il y a de quoi.
Rions ensemble, de « ces défauts qui sont autant de chances ».
Rions à gorge déployée. Rions aux larmes, mais svp, ne faisons pleurer personne.
Tania Demayo, a 25 ans. Ancienne Havera du Dror-Habonim, elle a grandi dans une famille plus traditionnelle que religieuse. Elle est assistante de production dans une agence de publicité, et a écrit ce texte en réaction épidermique au déferlement de haine qui a envahi Paris.
httpv://youtu.be/FdTkvAfOaMA
Poster un Commentaire