Pourquoi Ariel Sharon a-t-il évacué la Bande de Gaza ?
Des révélations sur des notes écrites par Ariel Sharon prouvent que le onzième premier ministre a très tôt préparé ce revirement. Et aussi, Sharon n’a jamais été vraiment un homme de droite, contrairement au mythe.
Ariel Sharon a quitté ce monde sans donner de réponse au pourquoi de son volte-face. Comme à son habitude, il a décidé, tranché, convaincu, agit. Sans expliquer. La politique du bulldozer, là aussi. Après avoir pendant des années, peuplé avec acharnement les collines de la Judée et de la Samarie, Sharon s’est contenté d’utiliser en 2005, des formules laconiques pour parler du désengagement spectaculaire d’Israël de la Bande de Gaza: « c’est bon pour Israël », « c’est ce qu’il faut faire aujourd’hui, pour Israël », « Israël rayonne de nouveau dans le monde »
Le cheminement politique de Sharon, apporte un début de réponse à ce revirement. Contrairement au mythe, Ariel Sharon n’a jamais été un homme de droite, loin de là. Membre actif de non moins de cinq partis politiques, son premier choix en 1965, c’était porté sur le part de gauche du Mapaï de David Ben-Gourion. Puis le parti libéral, plutôt que de rejoindre Menahem Begin dont l’idéologie passionnelle le gênait. Lorsqu’en 1976 il crée son propre parti Shlomtzion et propose à Yossi Sarid – emblème de la gauche israélienne d’alors – de s’associer à lui, ses amis de droite commencent sérieusement à s’inquiéter. Et avec raison. Quelques années plus tard, il appliquera à la lettre, l’évacuation des localités du Sinaï, décidée dans le cadre de la paix avec l’Egypte. Après nombre d’hésitations, il se joint tout de même à Begin et crée le Likoud. Devenu Premier Ministre, dépassé par la droite de son parti, il lance Kadima. Son admiration de David Ben Gourion, refait surface: « David Ben-Gourion a créé l’Etat d’Israël avec le Mapaï, je fixerai les frontières d’Israël à la tête de Kadima. »
Pour Ofer Chelach, actuel député deYesh Atid, ancien journaliste et auteur d’un livre sur la deuxième Intifada, c’est déjà au lendemain de la guerre du Liban et de Sabra et Shatilla que Sharon, le militaire, le guerrier, évincé du pouvoir, perçoit que la sécurité d’Israël passe aussi par des accords. Ce sentiment va s’approfondir au cours de la Deuxième Intifada en 2000. D’un côté Sharon devenu Premier ministre, va mener avec succès un combat violent et sans merci contre le terrorisme (notamment avec l’opération Bouclier Défensif, Homat Magen en 2002) et en même temps prépare le retrait et le désengagement d’Israël vis-à-vis des Palestiniens.
Cette analyse de Chelach est corroborée par des révélations de Gilad Sharon, le fils cadet de Sharon, qui détient des archives, véritable trésor pour les historiens de demain, et notamment des centaines de papiers qu’Ariel Sharon, écrivait sans cesse. Dans une de ses notes, datant du tout début des années 2000, Sharon parle déjà de la nécessité de mettre fin à l’occupation.
Le dimanche 27 mai 2003, un an avant la publication du plan de désengagement, l’opinion de Sharon devient publique. Devant les membres de son parti, il prononce un discours alors fort surprenant: « L’occupation nuit à Israël, nous ne pouvons pas continuer à contrôler trois millions et demi de Palestiniens.Vous voulez restez éternellement à Jenine, à Naplouse, à Ramalah à BeitLehem. Je ne pense pas que c’est une bonne chose. »
D’autres raisons sont aussi avancées comme les démêlés avec la justice ou encore la mort de sa femme Lily en 2000 et l’influence grandissante de son fils Omri, proche du centre gauche.
Sharon n’était pas un idéologue. Ni à droite, ni à gauche. Comme le sont les chefs militaires, il était tout à la fois pragmatique et ultra nationaliste. Un leader luttant avec acharnement pour la perpétuité de son peuple et de son pays. Lorsque construire à tout vent à l’extérieur des frontières de 67 renforçait la sécurité d’Israël, il construisit. Lorsqu’au début des années 2000, il estime que la situation d’occupation met en danger Israël, il décide de quitter Gaza. *
Sharon savait aussi que pour rester dans l’histoire, être héros de guerre ne suffit pas. Sharon a voulu devenir, homme d’Etat, homme de la paix. Son principal héritage et message est là: la désillusion après les combats, la compréhension que la guerre et la force ont des limites.
Note
*Bien que le désengagement de Gaza, n’a pour l’heure pas amené la paix, bien au contraire, montrant l’échec stratégique de la démarche et confirmant que Sharon, tacticien de génie a souvent été un piètre stratège et n’a pas pris en compte la complexité des forces en présence, mais il s’agit là d’un tout autre sujet .
Par Katy Bisraor Ayache
Blog – www.endirectdejerusalem.com
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