Les "Palestino" enlèveront-ils le maillot ?

Au Chili, les « Palestino” sèment le trouble. Ce club de football de première division vient de publier une photo de ses nouveaux maillots, déclenchant un gros émoi dans la communauté juive. Et pour cause : les maillots comportent le chiffre « 1” qui représente la carte imprimée d’un État palestinien incluant les territoires palestiniens et… Israël ! Demande du retrait de ces maillots-polémiques. Refus du Club. Scandale. La guerre est déclarée. Heureusement, il ne s’agit pour l’instant que d’une guerre de mots. Éclairage de notre éditorialiste Slimane Zeghidour.

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Les maillots de la discorde

07.01.2014
Par Frantz VaillantLe
Club Deportivo Palestino n’est pas un club quelconque. Évoluant en ligue 1, basé à Santiago du Chili, il a été fondé en 1920 et est passé professionnel en 1951. Vainqueur du Championnat du Chili en 1955 et 1978, le club a également remporté la Coupe du Chili en 1975 et 1977.
Le Club Deportivo Palestino est né de l’initiative d’un groupe d’immigrants palestiniens établis dans le pays où vit l’une des plus grandes communauté palestinienne au monde (en dehors du monde arabe) forte de 350 000 individus. La polémique sur les maillots a commencé le 4 janvier dernier.
Grosse émotion dans le stade quand les spectateurs ont prêté une attention plus grande aux nouveaux maillots de leur équipe favorite et quand l’image est parue dans la presse. En lieu et place du chiffre 1, la carte de la Palestine datant d’avant 1948, incluant donc Israël ! Aussitôt, la communauté juive a protesté sur la nature politique des uniformes auprès de la Fifa, l’instance dirigeante internationale du football. Et Gerardo Gorodischer, le président de la communauté juive du Chili s’est indigné : « Nous savons que la FIFA interdit de telles actions. On ne peut pas admettre une revendication politique et importer le conflit du Moyen-Orient en utilisant la plate-forme de football, en utilisant le sport pour mentir et provoquer la haine. » Gerardo Gorodischer exige des excuses du Club et demande à l’association nationale de football du Chili d’interdire les maillots car ils ne reconnaissent pas l’Etat d’Israël.
La Fédération palestinienne du Chili a aussitôt répondu aux protestations juives : « Nous rejetons l’hypocrisie de ceux qui blâment cette carte, mais ils parlent d’un territoire occupé, d’un territoire contesté”. Puis le Département de l’information de la Fédération palestinienne du Chili y est allé aussi de son communiqué dénonçant d’un ton plus dur : « les sionistes Chiliens” qui envoient « de jeunes Chiliens en Israël pour recevoir une formation militaire. »
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« On ne peut pas admettre une revendication
politique et importer le conflit
du Moyen-Orient en utilisant le football »

3 questions à Slimane Zeghidour,

éditorialiste à TV5Monde.

Zoom:

Slimane Zeghidour
TV5MONDE :
Les descendants de ces Palestiniens étaient appelés initialement « Turcs » par les Chiliens, cela en raison des passeports émis par l’empire ottoman lors de leur migration au début du XXe siècle.
Cette communauté palestinienne du Chili, aujourd’hui, est elle très influente ?

Slimane Zeghidour : On les appelle toujours les « Turcos », de façon familière et plutôt amicale. Cependant, des descendants d’immigrants arabes, on en retrouve dans toute l’Amérique latine, d’Acapulco au Mexique jusqu’à Ushuaïa en Argentine, quoique le plus gros d’entre eux se trouvent à Brésil avec environ 10 millions de citoyens, devant l’Argentine avec 3,5 millions, puis le Mexique, la Colombie et, enfin, le Chili où on en dénombre presque un demi millions, pour l’essentiel palestiniens, originaires du triangle Bethléem-Beith-Sahour-Beith-Jala.

Chrétiens orthodoxes pour la plupart, avec une minorité de catholiques et de musulmans, ils jouent un rôle notable, sinon majeur, dans la vie politique, économique et culturelle du pays. Citons, pour mémoire, Sergio Bitar, ministre sous Salvador Allende puis secrétaire général du Parti pour la démocratie ; l’ex-maire de Santiago (2006-2012), Pablo Zalequett SaId, le cinéaste Miguel Littin, dont le parcours d’artiste et d’opposant au régime de Pinochet donna lieu à une biographie romancée racontée par le Prix Nobel colombien Gabriel Garcia Marquez lui-même, sous le titre « L’aventure de Miguel Littin, clandestin au Chili » (1986)… Enfin, précisons que le Salvador a eu un président palestinien d’origine Antonio Saca Elias de 2004 à 2009.

Le Chili a également accueilli, début 2008, des dizaines de familles palestiniennes réfugiées en Irak. « Dans le monde arabe l’hospitalité est l’une des plus importantes valeurs. Et c’est précisément la valeur que nous réclamons aujourd’hui : nous voulons être votre second pays natal. Bienvenus, à partir de maintenant c’est votre maison« , a indiqué  la présidente Michèle Bachelet aux réfugiés.

Pourquoi cette histoire du maillot se réveille-t-elle maintenant ?

Cette histoire de maillot du club Palestino orné d’une carte de la Palestine historique (celle du Mandat britannique 1920-1948) a d’autant plus défrayé la chronique qu’elle touche un sport qui est une véritable religion nationale et où le club concerné jouit d’un prestige plus qu’enviable, ayant déjà souvent gagné le championnat du Chili.
Les Leaders juifs y ont vu une façon de ne pas reconnaître l’Etat d’Israël, dès lors que cette carte ne fait pas mention de la frontière séparant l’État juif des Territoires palestiniens. Il ne leur a pas fallu plus pour demander soit la rectification soit carrément la suppression de la carte du T-Shirt de l’équipe. Ce à quoi leurs vis à vis et concitoyens arabes ont répondu en rappelant que le club Palestino existe depuis 1920, soit 28 ans avant la création de l’État d’Israël. D’autres, plus militants, ont surenchéri en dénonçant le silence de ces mêmes leaders face à l’occupation par Israël de la Palestine.

Est-ce qu’elle peut conduire à une crispation plus prononcée (refus de jouer, grève etc.) ?

Je ne le crois pas. Il y a une culture du vivre ensemble entre Arabes et Juifs (dont beaucoup viennent eux-mêmes d’Égypte ou de Syrie, parfois du Maroc) en Amérique latine. Une frange des communautés juives a du mal à admettre le soutien unanime des États latino-américains (à l’exception de la Colombie et de Panama) à l’État de Palestine et le fait entendre. Mais, au quotidien, et cela je l’ai constaté de visu, notamment dans la rue Alfandega de Rio de Janeiro, où depuis le début du XXème siècle Juifs et Arabes vivent en paix.

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