Pourquoi le leader du high-tech israélien
va-t-il investir dans les startups ultraorthodoxes?
Dans moins de cinquante ans, la population ultra-orthodoxe représentera plus de 40 % de la population juive en Israël. Après avoir signé les grands succès de la haute technologie israélienne Yossef Vardi s’intéresse à la high-tech orthodoxe. Motivations économiques? Pas seulement.
Cette semaine, dans le centre de développement de la société Microsoft à Herzlyia, Yossef Vardi, le vétéran de la high tech israélienne (ICQ, Mirabilis et investisseur dans presque toutes les start-up à succès de ces dernières années) a réuni le gratin de la haute technologie israélienne. A première vue, rien de particulier, Vardi a l’habitude de faire du networking pour promouvoir les jeunes loups de la high-tech. Mais cette fois, les jeunes loups étaient en chapeau noir.
» Une high-tech ultraorthodoxe est née. Ils sont incontournables, jeunes, créatifs. Ils ont du talent, des rêves et de l’ambition. Il reste à les promouvoir, et je vais m’en occuper.
« Si Yossi Vardi s’en mêle, le Waze orthodoxe est pour bientôt » commente un des fondateurs de kamatech, un think tank créé en collaboration avec Cisco, le leader mondial des réseaux pour intégrer les étudiants des centres talmudiques dans l’industrie de la haute technologie.
Les ultraorthodoxes représentent aujourd’hui 10 % de la population israélienne. Selon une étude prospective de l’Office des Statistiques, à l’aube des années 2060, Israël comptera 16.6 millions d’habitants. Les Arabes représenteront 25 % de la population contre 20 % aujourd’hui. La population juive laïc et traditionnaliste, 45 % contre 70 % aujourd’hui. La population ultra-orthodoxe augmentera de 582 % (!), et représentera 30 % de la population israélienne et près de 40 % de la population juive.
Microsoft, Cisco, IBM, Amdocs, Facebook, des fonds de capital-risque Pitango, Jerusalem Venture Partners (JVP), des grands ministères sont donc venus découvrir les nouveaux protégés de Yossef Vardi, une vingtaine de start-up, créées par des ultra-orthodoxes.
Les défis sont de taille. Les ultraorthodoxes, déjà intégrés dans l’industrie high-tech sont nettement moins rémunérés. Alors que la moyenne des salaires est de 16.000 shekels, le salaire d’un ultraorthodoxe dans la high-tech n’est que de 8000 shekels.
Par ailleurs, le monde orthodoxe reste très réticent. Le même jour où Vardi présentait ses dauphins, le Rabbi de Gur, lançait une nouvelle campagne contre l’enrôlement au sein de l’armée et le Rabbi de Viznitz, autre hassidout influente fustigeait les familles possédant un smartphone.
Pourtant la révolution au sein de la population orthodoxe est déjà en marche. Les unités de renseignement de l’armée, 8200, 8100, Talpiot, premiers tremplins vers la haute technologie israélienne, ont déjà créé des cursus pour intégrer les ultraorthodoxes. Le premier Haredi Hi-Tech Forum a réuni à Jérusalem un millier de participants. Intel et Matrix emploient près de deux mille informaticiens orthodoxes. Et surtout, les collèges académiques ouvrent chaque année de nouvelles filières destinées à ces populations.
En mai dernier, la Banque d’Israël avait dans son rapport annuel, avertit le gouvernement que sans une intégration rapide des populations arabes et orthodoxes dans le marché du savoir et du travail ( ensemble ces deux communautés représenteront plus de la moitié de la population d’Israël ), la prospérité économique d’Israël sera en danger.
Mais pour Yossef Vardi, le défi n’est pas seulement économique. Vardi s’insurge contre les messages politiques d’exclusion. « Moi-même laïc, je sais que les ultraorthodoxes font partie du melting pot israélien. Nous devons faire preuve de solidarité. C’est vital pour assurer l’avenir de la nation start up qu’est devenu Israël. C’est surtout une obligation morale et éthique. »
Par Katy Bisraor Ayache
Blog – www.endirectdejerusalem.com
Katy Bisraor Ayache est journaliste, diplômée de Sciences Po Paris et de l’Université hébraïque de Jérusalem. Elle vit en Israël, où elle couvre l’actualité depuis près de trente ans pour plusieurs médias, dont le journal d’actualité quotidien en direct pour Radio J, le réseau des radios juives, et la chaîne Arte. Katy a récemment été diplômée du diplôme de Toenet rabbanit, avocate devant les tribunaux rabbiniques d’Israël.
Katy Bisraor est aussi l’auteur d’études communes à plusieurs femmes israéliennes juives et arabes, universitaires, écrivaines, femmes de terrain. Elle est l’auteur du Blog, endirectdejerusalem.com, qui couvre l’actualité culturelle, économique d’Israël avec au début de l’année 2013, plus de 5000 abonnés.
Katy Bisraor a publié en mars 2013 aux éditions Inpress, Israël en direct, Chroniques intimes d’un pays.
Elle a travaillé sur plusieurs études concernant le nouveau statut des femmes dans le judaïsme, les arabes israéliens, la population bédouine, les équilibres économiques et sociaux après la révolte sociale de 2011, l’intégration de la population éthiopienne, les relations entre laïcs et religieux. Elle travaille actuellement à une recherche sur les start up en Israël, qui tente d’expliquer les raisons sociologiques et économiques à l’origine du leadership d’Israël dans ce domaine et dans celui de la haute-technologie.
Katy Bisraor donne régulièrement des conférences devant des délégations du monde entier et des personnalités politiques en visite en Israël.
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