L’hommage unanime qui est ce matin rendu à Nelson Mandela disparu hier soir à Johannesburg à l’âge de 95 ans est suffisamment rare pour être relevé, pour être salué.
C’est l’actuel Président sud-africain, Jacob Zuma, qui a annoncé, très ému, à la télévision le décès de cette icône planétaire que fut Nelson Mandela, surnommé Madiba de son nom tribal, « président fondateur de notre nation démocratique ».
Condamné à perpétuité pour son engagement politique, emprisonné pendant plus d’un quart de siècle dans les geôles sud-africaines d’un Etat basé sur la ségrégation raciale, Mandela est libéré le 11 février 1990 sur intervention de Frederik De Klerk, alors Président. Un an plus tard, De Klerk persiste et signe dans son intention de mettre un terme à ce régime qui, depuis 1948, faisait de la ségrégation raciale la clé de voûte de la vie politique, sociale et économique de ce pays. Les principales lois fondatrices de la domination blanche sont abolies par le Parlement, et l’Afrique du Sud retrouve une place dans le concert des nations.
DÉTENU 466/64
On ne peut imaginer sans émotion ce que le détenu numéro 466/64 de Robben Island ressentit sans doute alors… Incarnation faite homme de cette résistance à l’oppression, Nelson Mandela ne se détourna pas de son destin et choisit alors le dialogue et la concertation plutôt que l’affrontement qui avait été son arme à la tête de l’ANC (African National Congres). Le jour de sa libération, au balcon de l’hôtel de ville de Cape Town, devant la foule incrédule encore qui était venue l’acclamer, le chef historique de l’ANC avait annoncé la couleur
« Je suis ici devant vous non pas comme un prophète mais comme votre humble serviteur. C’est grâce à vos sacrifices inlassables et héroïques que je suis ici aujourd’hui. Je mets donc les dernières années de ma vie entre vos mains.”
Et il ne manquera pas à sa parole. En novembre 1993, il reçoit conjointement à Frederik De Klerk, le Prix Nobel de la Paix et devient, un an plus tard, le premier Noir à accéder à la présidence de la République d’Afrique du Sud. Une révolution impensable pour tout ceux qui connurent alors l’Afrique du Sud et qu’on ne pouvait imaginer autrement que comme un état raciste, ségrégationniste et violent à jamais. La portée hautement symbolique de cet événement ne doit toutefois pas masquer la persistance de fortes inégalités sociales entre Blancs et non-Blancs aujourd’hui et beaucoup reste encore à faire aux successeurs de Madiba. Mais la machine était en marche et avait trouvé son guide, un petit homme d’1m 83 devenu frêle dans ses chemises fleuries, arborant un sourire confiant, beau, comme apaisé par la conscience d’avoir gagné la bataille, victorieux bien au-delà de lui-même, parmi les quelques uns qui ont, dans ce monde, à un instant mais pour toujours, contribué à changer le cours de l’Histoire
SYMBOLE, RÉFÉRENCE, ICÔNE
Cette image de colosse, de symbole, de référence, d’icône, est dans tous les hommages qui lui sont rendus ce matin à travers le monde et chacun y trouve, curieusement, son expression. Elle est aussi la marque, forte et que l’on peut croire sincère ce matin, de la reconnaissance de tous envers cet homme courageux empreint d’une force de conviction profonde et peu commune.
Chef du gouvernement israélien, Benyamin Nétanyahou a jugé que « Nelson Mandela était le personnage le plus honorable de notre époque. Il était le père de son peuple, un homme avec une vision, un combattant de la liberté qui avait rejeté la violence » rejoint – une fois n’est pas coutume – dans son hommage par le président palestinien, Mahmoud Abbas qui a à son tour déploré dans la disparition de Nelson Mandela « une grande perte pour tous les peuples du monde et pour la Palestine », qualifiant M. Mandela de « plus courageux et plus important des hommes qui nous ont soutenus ».
Dans sa langue maternelle, celle de l’ethnie Xhosa, la deuxième en importance dans le pays après celle des Zoulous, Rolihlahla, second prénom de Nelson Mandela signifie, comme une curieuse intuition de ces parents disparus alors qu’il n’a que 9 ans, « celui qui pose des problèmes »… Des problèmes, Nelson Rolihlahla Mandela en aura posé mais aussi résolu plus d’un. Avec sa disparition, il laisse une nation qu’il voulait arc-en-ciel à jamais orpheline de son héros
Brigitte Thévenot
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