Quand on se penche sur l’argumentaire pro-palestinien qui vise Israël,
on n’est plus très surpris de constater à quel point on plonge
dans une hystérie grossièrement caricaturale mais soigneusement orchestrée.
Israël est ‘’l’autre’’, l’ennemi diabolisé responsable des pires crimes et des pires injustices. Sur internet, autrement dit sur la toile ‘’globalisée’’ où le mensonge est devenu roi, la manipulation est un vilain défaut qui légitime toutes les outrances. L’art de communiquer se dispense des longs discours et des leçons de choses rébarbatives.
On veut savoir tout, tout de suite. Mais au final, que sait-on vraiment ?
La lecture rapide de contre-vérités absurdes conduit à une nouvelle forme d’ignorance d’autant plus nocive qu’elle n’a pas conscience d’elle-même. On se renseigne, on lit, on absorbe à longueur de temps des images, on parcourt sans vigilance des informations, on croit en savoir suffisamment pour apprendre et comprendre une réalité complexe mais somme toute assez claire dans ses enjeux binaires (paix-conflit, justice-injustice, victimes-bourreaux, innocents-coupables).
L’opinion toute faite, et à charge, fait son travail de sape. Sans nuance, mais avec conviction, le bien s’oppose forcément au mal, et le mal est forcément du mauvais côté d’une ligne rouge imaginaire.
Les Palestiniens et leurs défenseurs seraient donc du bon côté de la ligne. Tout le laisse croire. Mais est-ce vraiment aussi simple ? Ne faut-il pas, pendant qu’il en est encore temps, déjouer tous les pièges d’un jeu dangereux qui transformerait la bêtise en nouvelle forme de lucidité ?
ALTER INFO
A la lecture, par exemple, du magazine-web Alter Info, on est immédiatement plongé dans une terminologie victimaire parfaitement connue. Et rodée. La machine en marche de la condamnation d’Israël fonctionne à plein régime et, il faut bien le reconnaitre, la guerre des maux inflige à l’ennemi la pire des défaites. Car le seul titre des articles qui égrènent des pages et des pages de ce journal ne peut soulever qu’indignation de la part d’un lecteur ‘’de passage’’, pressé et suffisamment naïf pour croire tout ce qu’il lit. Le sens de la formule martyrologique savamment utilisée à foison par les auteurs l’emporte sur l’esprit critique ; l’impact délétère de leurs Unes, dignes des pires allusions racistes du journal d’extrême droite Minute, élimine sans vergogne toute velléité d’intelligence. Israël concentre les critères du coupable idéal qui chercherait à étendre son influence comme une « pieuvre qui étale son venin ».
Jugez plutôt.
Alter Info affirme, sans la moindre considération pour l’enquête en cours et les avis controversés des experts, qu’Arafat aurait bien été empoisonné au polonium 210 avec la complicité du lobby juif international appelé aussi « Agence juive mondiale » (rien que ça !).
« ISRAFRIQUE »
Toujours d’après ce journal, l’intéressant acronyme ‘’Israfrique’’ désignerait l’influence prépondérante de l’état hébreu sur le continent africain devenu un nouveau front de colonisation juive. On évoque à ce sujet les récents événements dramatiques de Nairobi. L’aide technique apportée pour lutter contre les filières islamistes serait « trouble » et cacherait des intentions inavouables.
Sans complexe, il est conseillé à la France de se débarrasser rapidement des « officines corrompues » comme le CRIF ou le BNVCA, « pour plus de démocratie dans notre pays …. » (Sic). Car ces représentants influents de la cause israélienne contribueraient à « une mainmise sur la République. »
En Israël, on interdirait les hôpitaux aux Noirs (!!!), on empêcherait l’expression d’un Islam politique et d’une Arabité culturelle, les tensions communautaires provoqueraient une quasi guerre civile. Gaza serait « cadenassé » et sa population « aux abois » de la faute des Israéliens dont on semble ignorer qu’ils en sont partis depuis longtemps ; comme on se soucie guère de rappeler qu’Israël est l’unique État moderne du Proche Orient où fonctionne un régime parlementaire avec, à la Knesset, des élus Juifs et Arabes.
Depuis la chute des Frères Musulmans et l’arrestation de l’ex-président Morsi, l’Egypte comme Israël serait tombé « dans le crime et l’intolérance qui enferment ses ennemis politiques au lieu de les combattre légalement ». Nulle allusion bien sûr aux effets dévastateurs de la barbarie islamiste.
» L’OGRE ISRAÉLIEN »
La guerre des maux commencerait à l’école, dès le plus jeune âge quand les petits enfants juifs apprennent, parait-il, dans les livres d’histoire à se battre contre les petits enfants arabes alors que c’est justement le contraire qui a été constaté maintes fois par des observateurs indépendants dans les écoles de Gaza et de Judée-Samarie. Israël torturerait les écoliers, s’en servirait comme bouclier humain, les arrêterait et les mettrait en prison. Les petits Palestiniens seraient victimes de viol, blessures, massacres, assassinats en tous genres mais jamais ces accusations sont étayées de preuves, sinon des témoignages fantaisistes ou plus que douteux, sans possibilité de vérification.
Le syndrome Al Dura a la dent dure. La diffamation gratuite vaut mieux que tous les procès du monde. ‘’Diffamez, diffamez, il en restera toujours quelque chose….’’ Mais heureusement nous dit-on à longueur de textes « Abbas protège les enfants palestiniens. L’ogre israélien sera bientôt puni ».
Faut-il aller plus loin dans ce sinistre verbatim qui, en d’autres circonstances pourrait presque prêter à sourire ? Comment ne pas souligner qu’en filigrane, c’est l’existence même d’Israël qui est combattue ?
Le sionisme serait fondé sur « des valeurs fascistes » contre lesquelles il faudrait se battre par une troisième intifada pour faire taire la prétention des Juifs de posséder un Etat, Horresco referens, « sur une terre qui n’est pas la leur ». « L’occupation d’Israël est illégale », les accords d’Oslo sont « une illusion ».
La résistance arabe aurait déjà commencé avec l’isolement progressif de « l’Etat-fautif » qui « à force de persuasion sera bientôt exclu à jamais du concert des nations. »
Lâché par les Etats-Unis, sujet de toutes les réprobations et mis au placard par les ONG (Action Contre la Faim), cent fois fustigé par l’assemblée générale onusienne comme par l’Union européenne expiatrice de ses propres fautes, Israël serait destiné à disparaître.
» LA GHETTOÏSATION «
Nous y voilà donc. L’enclavement d’Israël vaut toutes les preuves et les témoins du monde, tous les procès en sorcellerie de l’histoire. La ghettoïsation politique et diplomatique en cours, ou voulue comme telle par la propagande tous azimuts, révèle une volonté de délégitimer cet « Etat-fautif », moralement condamnable par son existence même.
Dans ce nouveau type de guerre, il faut le reconnaître, les antisionistes ont une longueur d’avance. La récente campagne BDS de boycott contre les produits israéliens en est un exemple malheureux. La guerre des maux vaudrait mieux que toutes les armes. Et mieux que personne nos ennemis savent manipuler les esprits et altérer la capacité de jugement de l’opinion internationale. Et plus les contre-vérités sont énormes, et plus la réprobation anti-juive passe inaperçue.
Car l’antisionisme est bel et bien devenu un antisémitisme new age.
Combien de fois en France et en Europe, les médias se sont-ils rendus complices de ce lynchage organisé ? L’art de la guerre des maux a commencé par les images falsifiées et les mises en scène, la participation active des journalistes occidentaux en mal de sensations fortes, d’effets d’annonce racoleurs et de misérabilisme simpliste et nauséabond. Il est de bon ton aujourd’hui d’être antisioniste, anti-israélien, bref anti-juif. Les tabous tombent en effet, mais si les autres ‘’minorités’’ restent des victimes d’un racisme inacceptable, les Juifs ‘’n’ont que ce qu’ils méritent’’. Qu’ils le veuillent ou non, ils sont associés à Israël, assimilés aux sionistes, c’est-à-dire aux criminels, aux infanticides, aux colons, j’en passe et des pires. Il y a le racisme révoltant qui attaque une ministre de la justice parce qu’elle est noire. Il y a le ‘’racisme équitable’’ qui rend justice aux « innocents et aux victimes d’Israël ».
Cette supercherie morale qui recouvre les consciences d’un voile pudique, combien de temps encore faut-il attendre avant de ne plus rien voir ?
« JUDENREIN »
Qui sont en France les représentants les plus virulents de cet antisionisme radical qui incite à la haine ?
L’inénarrable tandem Dieudonné-Soral est devenu le porte-voix de jeunes gens désœuvrés et hargneux qui ont trouvé dans Israël et les Juifs la cible rêvée de leur haine. Haine de la société de consommation, haine du monde de l’argent et de la politique. Pour eux, faire la guerre à Israël c’est le « combat contre le système » autrement dit contre le « complot juif-sioniste ». « L’Etat-fautif » désigne le « peuple-fautif » qui conspire pour dominer et soumettre l’immense population des démunis de la planète. Ce fantasme collectif soutenu par l’islamisme radical chiite est financé et téléguidé par Téhéran. Tout le monde le sait, y compris les médias qui ne le disent jamais. Les Dieudo-Soralistes n’ont ni plus ni moins les caractéristiques d’une secte de farceurs décérébrés et fiers de l’être ; ils en adoptent un langage spécifique et des gestes de ralliement, comme le salut nazi inversé appelé ‘’la quenelle’’. Bientôt pour eux un monde régénéré et judenrein vaincra la ‘’faute originelle’’.
Chacun a sa propre façon d’interpréter la faute originelle d’Israël et des Juifs.
Quand le Conseil de l’Europe a le désir d’interdire la circoncision, qui vise-t-il ? Dans quel but ? Certains esprits éclairés s’interrogent sur l’attaque en règle contre le judaïsme. Le tremblement de terre qui en résulte légitime pour la première fois une remise en question de l’identité millénaire juive.
« L’Etat-fautif » veut dire « le peuple-fautif » lequel insinue forcément « l’identité-fautive ».
JUDAÏTE ET JUIVERIE
La haine du Juif n’est pas seulement liée au conflit de territoire, ni au rejet d’une communauté de personnes. La haine du Juif vient de cette volonté de moins en moins cachée de détruire la judaïté et tout ce qui en constitue les fondements identitaires.
La religion juive est une cible. Il y en aura d’autres, il y aura d’autres menaces qui viendront d’autres Soral et d’autres organisations internationales bien pensantes. Bientôt on nous expliquera comment nous devons « pour notre bien » abandonner définitivement notre « juiverie » pour nous dépouiller du péché originel qui nous met toujours au ban des nations et provoque une haine sans merci dont nous sommes nous-mêmes responsables puisque nous la provoquons par notre seule présence, notre existence.
Sous couvert d’une bien-pensance internationale, l’antisionisme EST un antisémitisme qui se dispense des faux-semblants habituels. Cette nouvelle hantise du Juif est en passe de devenir une obsession collective, habilement relayée par tout ce que la mondialisation a de plus efficace … et de pire. Tous les problèmes du monde seront réglés par la disparition d’Israël, et ceux qui le disent, avec le sourire carnassier, prétendent ‘’finir le boulot’’.
« C’est la hantise de tous qui fait aujourd’hui pression sur l’intelligence de chacun » nous rappelle très justement Alain Finkielkraut (L’identité Malheureuse)
Alors changeons les donnes : à la guerre des maux qui victimise et manipule, faisons la guerre des mots qui explique et démontre.
Jean Paul Fhima,
professeur agrégé d’histoire
Maitrise d’histoire religieuse
DEA de slavistique
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