Roman Polanski est un grand cinéaste. Il a déclaré la semaine dernière au micro de RTL que son prochain film traitera de l’affaire Dreyfus. En soi, c’est une excellente nouvelle qu’un cinéaste de talent traite ce sujet dans lequel il déclare trouver un intérêt très particulier.
« Il y a un aspect qui est extrêmement intéressant pour moi, c’est l’insistance avec laquelle les médias, comme l’armée à l’époque ou comme n’importe quelle institution d’Etat, ne veulent pas admettre une erreur. Dans mon expérience, je sais que, très souvent, (lorsque) un journal, un magazine fait une erreur à mon sujet ou écrit des mensonges, si je réagis, ils ont la dernière parole, ils n’admettront jamais qu’ils se sont trompés. Comme l’armée à l’époque », dit-il.
Les médias peuvent effectivement être durs, intrusifs et injustes envers ceux-la mêmes qu’ils ont portés aux nues. Il est vrai que les stars du show-biz, de la politique, de toute sphère publique, témoignent que la presse les a maltraités à un moment ou l’autre de leur vie. Roman Polanski en a certainement fait l’expérience, comme les autres, peut-être plus que les autres.
Mais ses problèmes ne sont pas juste de l’ordre de l’acharnement d’une presse people avide de scandales, fût-ce au prix du mensonge le plus éhonté. Les problèmes de Roman Polanski relèvent de la sphère judiciaire et trouvent sa source dans un rapport sexuel sur mineure âgée de 13 ans en 1977. Ses années passées en cavale, à l’extérieur des Etats-Unis, ont été fécondes en productions cinématographiques et théâtrales de qualité. Et oui, il a passé quelques jours en prison, et un peu moins d’un an assigné à résidence dans son chalet de Gstaad.
La comparaison avec le sort d’Alfred Dreyfus me paraît exagérée et déplacée. Alfred Dreyfus a passé 15 ans au bagne de l’île du Diable, emprisonné, entravé la nuit par des fers, pour un crime qu’il n’a pas commis, et comparer ce calvaire avec le rappel périodique d’un rapport sexuel avec une mineure est assez gonflé! Serait-ce lié à la sortie toute récente du livre de sa victime, dans lequel elle publie d’ailleurs une lettre d’excuses que lui adresse Polanski? « Désolé d’avoir tellement affecté ta vie ». On a beaucoup reparlé de tout ça il y à peine quelques semaines, mais la comparaison avec ce qu’a subi le Capitaine Dreyfus reste complètement insane et outrancière. Publicité? Dernière tentative de se blanchir à bon compte? Quelle que soit la motivation, elle n’est pas respectable, et le propos non plus. Dommage d’entacher ainsi un film qui sera peut-être par ailleurs aussi bon que bien d’autres réalisations de Polanski.
Line Tubiana
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