Remise de la médaille des Justes parmi les Nations
à titre posthume à Marie-Louise Forget
le 20 octobre 2013 en la mairie de Villedieu en Indre,
pour le sauvetage de Charlotte et Roger Borensztejn.
J’ai seulement 4 ans
Je te dis adieu…
Adieu ma maman.
Est-ce que, après,
Je serai encore malheureux ?
J’ai 4 ans…
Jamais je n’aurai 5 ans.
Mes yeux ont cependant mille ans…
Car ils en ont tant vu…
Pour un enfant.
Ca y est, tout est terminé.
Ma vie vient de s’envoler.
Dans le brouillard et la fumée…
Dans l’horreur et l’atrocité.
A la lecture de ce poème « j’ai 4 ans » (1), Charlotte Borensztejn essuie discrètement quelques chaudes larmes ! Elle-même, en effet aurait pu écrire ces quelques lignes, oui elle-même aurait pu être condamnée à partir en fumée dans le brouillard, dans l’horreur et l’atrocité. Elle qui n’était pourtant qu’une petite fille de 2 ans au moment de la deuxième Guerre mondiale. Mais les nazis et leurs comparses ne faisaient pas dans le détail – pour eux, être né juif était un crime passible de mort, sans distinction d’âge. Oui, Charlotte est là, dans le monde des vivants. Elle a pu échapper à la déportation, aux rafles, aux camps de concentration, à une mort certaine. Et cela elle le doit à Marie-Louise Forget, cette femme admirable à laquelle elle fut confiée une chaude journée d’août 1942, par sa maman traquée par la Gestapo, recherchant désespérément un abri pour sa petite fille fragile et chétive, et de bonnes âmes pour prendre soin d’elle. Marie-Louise Forget fut cette bonne âme et n’écoutant que son cœur, prit immédiatement dans ses bras la petite Charlotte, la recueillit, l’entourant de toute son affection et de son amour.
Débordante de générosité, Marie-Louise sut aussi ouvrir son cœur et ses bras à Roger, le petit frère de Charlotte en avril 1944, alors qu’il n’était âgé que de 10 mois. Elle les cacha, au péril de sa vie et de celle de sa famille, jusqu’à la fin de la guerre, en 1945, année au cours de laquelle leur maman vint les reprendre.
Mais tous les enfants de France n’ont pas eu la chance d’avoir rencontré une Marie-Louise Forget sur leur chemin ; n’oublions pas que près de 11. 400 enfants ont été arrachés de force à leurs parents, arrêtés et déportés dans les camps de la mort, dont 2000 petits enfants âgés de moins de six ans. Aucun d’entre eux n’est revenu de cet enfer.
Le 20 octobre 2013, Charlotte et Roger Borensztejn assistaient donc à la cérémonie de remise de médailles de Justes parmi les Nations, décernée à titre posthume à leur bienfaitrice Marie-Louise Forget. La cérémonie se tenait en la mairie de Villedieu (dans département de l’Indre), région riche en sauvetages de juifs, puisque 219 Justes y ont été répertoriés, dont 66 pour le seul département de l’Indre et 4 pour la seule mairie de Villedieu. Notons que sous l’impulsion de feu Jean Paul Thibault, maire de Villedieu, et de son successeur le maire actuel Bernard Gonthier, a été érigé un monument dédié à la mémoire des Justes, œuvre du sculpteur Yglix Rigutto, trônant fièrement dans la cour prieurale de Villedieu nommée « Place des Justes parmi les Nations ».
Pour en revenir à la cérémonie, y assistaient de nombreuses personnalités, dont Régis Blanchet, conseiller général, Jérôme Gutton Préfet du département, le maire de Villedieu Bernard Gonthier, le président adjoint de Yad Vashem France, François Guguenheim et le ministre auprès de l’ambassade d’Israël en France, (chargé des affaires administratives), Michel Harel.
Emotion et larmes étaient au rendez-vous ! Les discours ont succédé aux chansons, mais de tout cela je ne retiendrai qu’une petite phrase extraite de la magnifique chanson de Jean Ferrat « Nuit et Brouillard »(2) :
« On me dit à présent que ces mots n’ont plus cours
Qu’il vaut mieux ne chanter que des chansons d’amour
Que le sang sèche vite en entrant dans l’histoire
Et qu’il ne sert à rien de prendre une guitare.… »
Je twisterais les mots s’il fallait les twister
Pour qu’un jour les enfants sachent qui vous étiez … »
Twistons, slamons, rappons, rockons les mots de l’histoire de la shoah, mais surtout n’oublions jamais cette période noire de l’histoire, car pour reprendre la phrase allégorique de Bertolt Brecht » le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde. »
Betty Harel
(1) – « J’ai 4 ans » – Extrait du poème écrit par Florence une lycéenne de 13 ans, du collège Les Vallergues de Cannes, après une visite scolaire dans les camps de la mort Auschwitz et Birkenau en Pologne.
(2) Chanson « Nuit et Brouillard » – Musique et paroles de Jean Ferrat . Si vous souhaitez écouter la chanson intégralement, voici le link : http://www.youtube.com/watch?v=X_rTp1eeUaY
http://nosnondits.wordpress.com/2013/10/23/nuit-et-brouillard/
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