La présence de commandos israéliens à Nairobi pendant la prise d’otages du centre commercial Westgate n’est pas une surprise pour les connaisseurs de la région. L’est africain est une zone stratégique pour l’Etat hébreu.
L’attaque, puis la prise d’otages menée par des combattants shebabs en plein cœur de la capitale kényane restent encore parsemées de zones d’ombre. Mais ce qui continue d’intriguer, c’est l’implication de forces spéciales israéliennes, relatée par l’Agence France Presse (AFP) un peu plus de vingt-quatre heures après le début des évènements. A l’intérieur du centre commercial de Nairobi, au moins deux blessés disent avoir été secourus par un « agent israélien », sans qu’on sache comment celui-ci a pu être identifié.
N’en déplaise aux nostalgiques du spectaculaire raid d’Entebbe en 1976, la présence de commandos israéliens au Kenya répond avant tout à des intérêts stratégiques. Depuis les attentats de Mombassa en 2002, la coopération israélo-kenyane s’est intensifiée en matière de lutte contre le terrorisme. En apportant son assistance militaire à Nairobi, l’État hébreu espère réduire la capacité de nuisance de groupes islamistes affiliés à la nébuleuse Al-Qaïda, qui prospèrent dans la région. Il engage aussi une lutte d’influence contre l’Iran, dont la présence navale et les activités se sont renforcées dans la Corne de l’Afrique.
Les relations entre Jérusalem et Nairobi ont connu un essor exceptionnel sous la présidence de Mwai Kibaki (2002- 2013). Sur le plan sécuritaire, des experts israéliens dans la lutte antiterroriste ont formé des centaines de militaires et de policiers kényans aussi bien dans leur pays que lors de stages intensifs en Israël. Plusieurs accords bilatéraux ont été signés, y compris dans d’autres secteurs clés comme l’énergie ou l’agriculture. Depuis 2009, un partenariat permet au Kenya de bénéficier des techniques israéliennes d’irrigation et de gestion des eaux de pluie. En 2011, l’agence israélienne pour la Coopération au Développement (Mashav) achevait la construction d’un département médical d’urgences dans l’hôpital de Kisumu, troisième ville du pays.
Sur ordre du ministère de la défense, c’est une équipe du Yamam, unité d’élite de la police israélienne, qui s’est envolée vers la capitale kényane.
A Tel Aviv, des sources sécuritaires ont assuré que les hommes engagés sur place étaient des « négociateurs », aptes à encadrer le déroulement d’un assaut ou d’opérations de secours, et à prodiguer des conseils à l’armée kényane. Une intervention militaire directe contre le commando terroriste semblait donc exclue. Reste que les Yamam, équivalent du GIGN, sont surtout réputés pour leur expertise en matière de libération d’otages. Il n’est donc pas impossible qu’un petit nombre d’officiers israéliens ait pénétré à l’intérieur du centre commercial, aux côtés de membres des forces de sécurité kenyanes.
Vus d’Israël, les évènements à Nairobi prouvent la nécessité d’agir dans l’est africain, d’autant que cette région offre un accès privilégié à deux zones sensibles : le Golfe d’Aden et l’Océan indien. L’an passé, lors du passage à Jérusalem de son homologue kényan, Raila Odinga, Netanyahu déclarait : « nous allons aider à la formation d’une coalition contre le fondamentalisme en Afrique de l’Est, incluant le Kenya, l’Éthiopie, le Soudan du Sud et la Tanzanie. » Son objectif, ambitieux, est de rassembler sous son étendard plusieurs nations africaines à forte population chrétienne.
Cet axe pourrait également inclure l’Ouganda. Son président, Yoweri Museveni, s’était rendu en Israël dans la foulée du Premier ministre kenyan. Sa visite avait été organisée par l’ancien chef du Mossad Rafi Eitan, 86 ans, reconverti dans les affaires en Afrique. Elle lui avait permis de rencontrer l’ancien ministre de la défense, Ehud Barak, le chef du Mossad, Tamir Pardo, ainsi que plusieurs grands acteurs de l’industrie militaire israélienne.
Maxime Perez
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