Semaine du 23 au 27 septembre 20
ISRAËL INQUIET APRES
LES DISCOURS D’OBAMA
ET DE ROHANI A L’AGNU
L’Assemblée générale des Nations Unies a naturellement été au cœur de l’actualité de cette semaine, les quotidiens israéliens consacrant leurs « unes » et un grand nombre de leurs analyses aux discours de Barack Obama et du président iranien, Hassan Rohani.
Le bilan dressé par les commentateurs sur le discours d’Obama est mitigé. D’une part, le fait que le président américain ait établi en parallèle entre le conflit israélo-palestinien et le nucléaire iranien, ainsi que sa reconnaissance devant l’ONU du droit iranien au nucléaire civil, sont interprétés comme un coup dur pour la politique de Binyamin Netanyahu. Ce dernier se trouverait désormais isolé dans sa position de fermeté vis-à-vis de l’Iran, tandis que sa théorie selon laquelle le conflit israélo-palestinien ne serait pas la principale source d’instabilité au Moyen-Orient aurait été invalidée par B. Obama.
La presse israélienne souligne néanmoins les points positifs pour Israël contenus dans le discours du Président américain – Obama ne donnant qu’une chance prudente à la diplomatie, tout en maintenant l’option militaire, et faisant l’éloge des efforts consentis par Israël sur le dossier palestinien.
La presse israélienne voit également dans le discours de Rohani et, plus généralement, dans l’« offensive de charme» menée par les Iraniens pour convaincre l’Occident de leur sincérité, un succès iranien majeur et une nouvelle défaite pour Israël. En effet, si la perspective d’une frappe militaire occidentale semble avoir été écartée pour de bon, les commentateurs israéliens ne croient pas que les négociations avec l’Iran parviennent à mettre un terme à leur programme nucléaire militaire. Au pire, ces négociations pourraient permettre à l’Iran d’atteindre le « seuil nucléaire », tout en ayant obtenu la levée du régime des sanctions.
Dans le même temps, plusieurs commentateurs mettent en garde Netanyahu (qui s’exprimera devant l’AGNU mardi prochain) contre un discours trop anti-iranien qui « gâcherait la fête » occidentale au lendemain du présumé changement de politique iranien et ferait passer Israël pour le pays qui pousse le monde à la guerre.
LA MAGIE DE ROHANI / SIMA KADMON – YEDIOT AHARONOTH
Il y a une chose sur laquelle il n’existe pas de divergence : il est beaucoup plus agréable d’écouter Rohani s’exprimer que son prédécesseur Ahmadinejad. Le visage menaçant de l’ex-président iranien faisait son effet avant même que celui-ci ouvre la bouche. Contrairement à Ahmadinejad, Rohani aurait besoin de tenir des propos particulièrement extrêmes pour réussir à ternir son image aimable.
C’est aussi son ton qui est diffèrent. Mais il ne faut pas confondre le ton et la substance, car sur cette dernière rien n’a beaucoup changé. Pas pour l’instant.
Rohani ne tient qu’à une chose actuellement : tenir sa promesse de campagne et trouver une solution à la profonde crise économique dans laquelle se trouve son pays du fait des sanctions imposées par l’Occident. Pour atteindre ce but, il est prêt à faire un pas en avant et montrer au monde une différente face de l’Iran.
Netanyahu a raison de qualifier le discours de Rohani de cynique. Il a raison aussi de dénoncer l’hypocrisie de ses propos concernant les droits de l’Homme et la condamnation du terrorisme, alors que des forces iraniennes participent au massacre de civils innocents en Syrie et que le régime iranien est à l’origine d’actes terroristes perpétués dans le monde entier. Netanyahu a raison aussi sur le nucléaire iranien. Cependant, l’attitude qu’adopte le Premier ministre israélien est celle de quelqu’un qui est déçu par la possibilité de régler ce problème par des moyens diplomatiques. Il s’agit-là de l’attitude la moins pertinente pour lui, pour Israël. Netanyahu doit faire attention de ne pas apparaître comme celui qui pousse l’Occident à la guerre. Il doit particulièrement se débarrasser du syndrome du « premier à avoir compris » que Rohani était un menteur hypocrite qui n’avait aucune intention de tenir ses promesses et qu’il fallait vérifier ses actes et non pas ses paroles. Comme si les autres chefs d’Etat ne voyaient pas ce que Netanyahu voyait, que le président des Etats-Unis, le président français et les autres étaient une bande d’idiots qui ne comprenait rien à rien.
Il ne faut pas attendre du monde qu’il s’aligne sur la position israélienne alors que Rohani promet d’obtenir un accord avec l’Occident dans les trois mois à venir. Certes, il faut rester vigilants et suspicieux, mais un refus en bloc serait trop demander à l’Occident. Patience. Calme. Un peu de modestie. Un peu de retenue. Voilà ce qui est nécessaire face à la diplomatie menée par les Etats-Unis et l’Europe. Il n’est pas certain que le leadership en Israël possède tout cela.
« Hassan Rohani arrive à New York »
« Vous voyez, les sanctions ont fait leur effet et les Iraniens ont changé »
Caricature de Shlomo Cohen dans Israël Hayom
LA BALLE EST DANS LE CAMP DE NETANYAHU
/ ELI BERDENSTEIN – MAARIV
Netanyahu a décidé de ne pas critiquer Obama, surtout pas avant leur entretien prévu la semaine prochaine à Washington. Le Premier ministre ne souhaite pas isoler Israël et s’isoler lui-même en critiquant le président américain directement, comme il l’avait fait il y a deux ans avec sa réaction déchaînée au discours d’Obama sur le processus de paix.
De larges passages du discours d’Obama étaient très désagréables aux oreilles israéliennes. On peut supposer que le Premier ministre n’était pas du tout à l’aise en écoutant ce discours souvent conciliant, qui était destiné plutôt à Téhéran qu’à Jérusalem : l’expression d’une volonté très forte d’éviter toute intervention militaire ; un langage doux sur le manque de motivation pour renverser le régime iranien et sur le respect de son droit de posséder une capacité nucléaire civile ; l’accent mis sur le fait que parvenir à la paix au Proche-Orient est un intérêt américain ; et le parallèle établi entre la crise nucléaire iranienne et le conflit israélo-palestinien comme les deux principales sources d’instabilité régionale. Jérusalem espérait un message plus ferme et surtout plus crédible face à l’Iran. Les mises en garde transmises à Israël par de hauts responsables européens, selon lesquelles Israël devait craindre un marché américano-iranien sur le nucléaire, se sont même intensifiées après le discours d’Obama.
Après les accolades publiques entre Netanyahu – qui a félicité Obama de son discours – et le président américain – qui a évoqué les menaces iraniennes de détruire Israël – on a fini par comprendre à Jérusalem que malgré tous les efforts de Netanyahu, la balle était de nouveau dans son camp. Ce sera à lui de prendre la décision difficile d’attaquer seul en Iran.
A LA PLACE DE LA LIGNE ROUGE,
« LES QUATRE CONDITIONS »*
/ BARAK RAVID – HAARETZ
Un an après son « discours de la bombe », Binyamin Netanyahu reviendra la semaine prochaine à l’AGNU. Or les changements qu’a subis depuis lors le programme nucléaire iranien, conjugués à la victoire de Rohani aux présidentielles, ont rendu moins pertinente la « ligne rouge » tracée par le Premier ministre israélien.
La « ligne rouge » portait surtout sur le stock d’uranium enrichi à 20 %, notamment à Fordow. Netanyahu a fixé un seuil maximal de 250 kg d’uranium enrichi à ce taux. Mais depuis quelques mois, les Iraniens ont trouvé des moyens pour contourner ce problème. En ayant augmenté le nombre de centrifugeuses, ils sont capables aujourd’hui de sauter l’étape intermédiaire de 20%, passant directement de 3,5% à 90%, qui est le taux requis pour fabriquer une bombe. Ce n’est pas pour rien qu’ils font désormais comprendre qu’ils seraient d’accord pour des concessions sur l’arrêt de l’enrichissement à 20% et sur la fermeture de l’installation à Fordow.
Mais il n’y a pas que de la technologie qui a brouillé la ligne rouge de Netanyahu. C’est également le résultat de questions de politique internationale, et notamment la victoire de Rohani, qui a surpris Khamenei comme elle a surpris Netanyahu. Le nouveau président a nommé le modéré Jawad Zarif comme ministre des Affaires étrangères et a confié les négociations avec les grandes puissances à son ministère. Parallèlement à cela, il a appelé les Gardiens de la révolution à ne plus s’ingérer dans la politique et a libéré de prison plusieurs dizaines de militants de l’opposition.
La tonalité de Téhéran a également changé. Les messages de Rohani et de Zarif sur Twitter, avec les vœux du nouvel an juif et la prise de distance avec le négationnisme d’Ahmadinejad sont autant d’éléments qui constituent la nouvelle rhétorique iranienne. S’en est suivie une série d’interviews de Rohani aux médias internationaux, avec des déclarations apaisantes quant à la volonté iranienne de faire preuve de souplesse pour résoudre la crise nucléaire.
En effet, les sanctions internationales exercent sur Rohani une pression plus forte qu’on ne l’imaginait en Occident et à Jérusalem, et il fait part depuis quelques semaines de sa volonté de conclure un marché avec l’Occident qui permettra la levée des sanctions et le rétablissement de l’économie iranienne.
Netanyahu comprend bien que sa ligne rouge s’est dissipée graduellement. Il craint qu’Israël ne puisse ni empêcher le marché avec l’Iran ni influer sur ses paramètres. Sa réponse, à ce stade, n’est pas particulièrement sophistiquée. Il durcit ses positions et présente des exigences maximalistes et irréalistes. Cette année, il devrait poser quatre conditions dans son discours devant l’AGNU : l’arrêt de tout enrichissement d’uranium ; la fermeture de l’installation à Fordow et le démantèlement des centrifugeuses modernes installés à Natanz ; le transfert vers l’étranger de la totalité de l’uranium enrichi ; et a fermeture de la centrale d’eau lourde à Arak, où les Iraniens développeraient un programme d’armes nucléaires basées sur le Plutonium.
Les messages de Netanyahu ne sont pas rusés, suscitent de l’opposition et surtout, ne convainquent personne, estime un haut responsable israélien. « Son approche risque de porter atteinte à la capacité israélienne à influencer la position des puissances lors des négociations avec l’Iran ».
* Article écrit avant les discours d’Obama et de Rohani et à l’AGNU
UNE LEÇON DE DETERMINATION*
/ BEN DROR YEMINI – MAARIV
C’est autour de Poutine que tout se joue. Ce dernier mois, il est parvenu à se positionner comme le dirigeant d’une superpuissance.
Depuis deux décennies, nous nous sommes convaincus qu’il n’y avait plus qu’une seule superpuissance. Les chiffres soutenaient cette analyse : lorsqu’on vérifiait les rapports de force entre les Etats-Unis et la Russie, cette dernière paraissait minuscule. Les Etats-Unis ont un PNB de 16 trillions, contre 2 trillions seulement pour la Russie (…) Or les chiffres seuls ne signifient rien. C’est la détermination qui compte, et Poutine en a. (…)
A l’époque où l’on ne trouvait pas un seul spécialiste du Moyen-Orient qui ne sonnait pas le glas du régime d’Assad, Poutine continuait à l’aider. Il y a deux ans, cela avait l’air d’un pari stupide. Maintenant, c’est Poutine qui rit le dernier. (…) Si l’on effectuait un sondage auprès du monde arabe, la popularité de Poutine aurait battu celle d’Obama. Et ce n’est pas grâce, mais en dépit de son soutien des chiites ou des alaouites. Car malgré tout et après tout, la plupart des leaders du monde recherchent un appui, et Poutine le leur fournit. Il est doté d’un produit rare : détermination et leadership, tandis qu’Obama est perçu comme l’appui d’un roseau brisé. Même les commentateurs américains, qu’ils soient de ses partisans ou de ses critiques, ont du mal à déchiffrer ses intentions. Car il ne suffit pas de dire : je suis las des guerres. Cela plaît au camp libéral, mais dans la majorité des pays du monde, on l’interprète comme « ne comptez pas sur moi ». (…)
La mauvaise nouvelle est que ce nouvel ordre mondial devient de plus en plus dangereux. Les justes, les honnêtes, les sympathiques et les libéraux – Out. Les voyous déterminés – In. (…) Tous ceux qui exigent une intervention internationale pour influer sur l’issu du conflit israélo-arabe, se sont tus face au massacre continu en Syrie. (…)
Ce n’est que le début. Les choses vont empirer. Parce que l’Iran comprend lui aussi les nouvelles règles du jeu. Certes, le boycott lui a porté atteinte, mais rassurez-vous : quelques sourires de Rohani, et le monde libre tombera sous son charme. Après l’article publié par Poutine dans le terrain privé d’Obama, le New York Times, le publiciste Rohani a été accueilli par le Washington Post. Ce, alors que sous l’égide de ces deux derniers, le plus grand crime contre l’humanité depuis dix ans se poursuit sans entrave (…)
Israël aimerait bien rester en dehors de tout cela, mais ils ne lui donneront pas ce plaisir. (…) « Si nous ne sommes pas pour nous-mêmes, personne ne le sera », a affirmé Netanyahu. Cette fois-ci, il a entièrement raison.
* Article écrit avant les discours d’Obama et de Rohani et à l’AGNU
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